L’opération de la hernie hiatale bénéficie d’un bon pronostic - La Semaine Vétérinaire n° 1334 du 07/11/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1334 du 07/11/2008

Cas clinique de chirurgie digestive

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Arnaud Ganne*, Bertrand Pucheu**

Fonctions :
*praticiens à la clinique vétérinaire Saint-Maur, La Madeleine (Nord).
**praticiens à la clinique vétérinaire Saint-Maur, La Madeleine (Nord).

Si les résultats du traitement médical sont décevants, une intervention chirurgicale doit être envisagée. Elle repose sur l’œsophagopexie et la gastropexie.

Une chienne shar-pei âgée de trois mois est présentée en consultation pour des vomissements, des régurgitations et un ptyalisme chronique. L’appétit est conservé, mais l’intensité des symptômes croît depuis une semaine. Une régurgitation est régulièrement observée quelques minutes après le repas et ne rétrocède pas malgré un traitement symptomatique à l’aide de métoclopramide (0,5 mg/kg deux fois par jour). L’état général de l’animal est bon. L’examen clinique ne révèle qu’une légère congestion des muqueuses buccales et un ptyalisme abondant responsable d’une dermite débutante sous l’encolure. En raison d’une dysphagie et de régurgitations assez prononcées, plusieurs hypothèses sont envisagées (voir encadré en page 38).

La radiographie (avec et sans préparation) et la gastroscopie permettent le diagnostic

Un bilan sanguin ionique (Na+, K+, Cl-), biochimique (glucose, protéines totales, enzymes hépatiques, créatinine, urée) et un hémogramme ne montrent aucune anomalie. Des radiographies sans préparation révèlent une lésion médiastinale caudale et moyenne avec des contours nets, d’opacité mixte aérique et liquidienne. Une discontinuité de la silhouette diaphragmatique est localisée en regard de la projection de l’œsophage. Aucune lésion pulmonaire et extrapulmonaire associée n’est notée.

Une fibroscopie est effectuée sous anesthésie générale (induction au thiopental à la dose de 15 mg/kg et maintenance à l’isoflurane). Aucune anomalie n’est observée au niveau de l’oropharynx et de l’œsophage. Un ptyalisme, ainsi qu’un reflux gastro-œsophagien modéré sont cependant responsables de la présence d’une mousse abondante. La muqueuse gastrique est bien identifiable une fois le cardia engagé, mais un anneau persiste et semble séparer le fundus en deux parties. Une rétrovision permet de distinguer aisément le hiatus œsophagien du cardia situé en position intrathoracique. L’examen du pylore et du duodénum ne présente aucune anomalie.

Un œsophagogramme de contraste (sulfate de baryum) révèle une jonction œsophago-gastrique placée quelques centimètres en arrière de la base du cœur. Des replis muqueux gastriques, largement présents dans le médiastin caudal, sont distingués. Il n’y a pas de mégaœsophage.

Tous ces examens confirment le diagnostic de hernie hiatale congénitale. Une perfusion de Ringer lactate (10 ml/kg/h) est mise en place pendant l’intervention. L’animal reçoit une analgésie préopératoire à base de chlorhydrate de morphine (0,25 mg/kg), ainsi qu’une prémédication d’anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS, carprofène à la dose de 4 mg /kg par voie sous-cutanée) et une antibiothérapie préopératoire de céphalexine (15 mg/kg par voie intramusculaire). Une prémédication d’acépromazine (0,02 mg/kg par voie intraveineuse) et une induction au thiopental (15 mg/kg) précèdent une maintenance à l’isoflurane. Une ventilation par pression positive est nécessaire durant la phase de reconstruction hiatale. Une pression intrathoracique négative est restaurée par aspiration lors de la fermeture du hiatus.

Une laparotomie par voie médiane est entamée. Après la mise en place d’un écarteur de Balfour et de compresses à laparotomie, l’estomac et une partie des lobes hépatiques gauches sont visualisés en position intrathoracique. Une réduction manuelle permet de remettre ces viscères en position physiologique, l’estomac ayant toutefois tendance à reprendre un positionnement trop cranial. Une dissection fine des adhérences au niveau des piliers du diaphragme permet d’isoler les rameaux dorsaux et ventraux du nerf vague et de libérer le sphincter œsophagien inférieur. Une plicature hiatale permet la reconstruction du hiatus œsophagien. Une œsophagopéxie sur 360°, ainsi qu’une gastropexie incisionnelle complètent la stabilisation viscérale. Les sutures sont réalisées avec un fil polymère de polydioxanone 2.0 pointe mousse. La paroi abdominale est classiquement suturée en trois plans.

Un monitoring cardio-respiratoire postopératoire accompagne une gestion de la douleur par l’injection de chlorhydrate de morphine (0,25 mg/kg toutes les quatre heures). L’examen général de l’animal se normalise dès la douzième heure qui suit l’intervention. Une sortie est envisagée quarante-huit heures après l’opération, à la suite de l’instauration d’une thérapie médicale qui consiste en une antibiothérapie (céphalexine à la dose de 15 mg/kg, per os, deux fois par jour pendant sept jours), l’administration d’un AINS (carprofène à raison de 4 mg/kg/j, per os, pendant quatre jours), d’un pansement gastrique cytoprotecteur (sucralfate, deux fois par jour) et une alimentation riche en fibres. Lors du contrôle postopératoire à six semaines, l’animal ne présente plus aucun signe de régurgitation et l’examen clinique se révèle normal.

La hernie hiatale est une affection peu fréquente chez le chien

La hernie hiatale est le déplacement cranial de la portion abdominale de l’œsophage, de la jonction œsophago-gastrique, du cardia et parfois d’une partie de l’estomac à travers le hiatus œsophagien dans le médiastin caudal. Il s’agit d’une affection peu commune chez les animaux domestiques, même si elle a fait l’objet d’une expérimentation animale et a été décrite dans la littérature vétérinaire dès le début des années 70 (Gaskell et coll., 1974).

La physiopathologie de la hernie hiatale est encore incomplètement comprise. Elle est essentiellement orientée d’après les recherches en médecine humaine, qui semblent en partie s’appliquer au secteur vétérinaire. Ces recherches concernent notamment le rôle controversé du sphincter œsophagien inférieur (LOS) qui comprend la portion distale de l’œsophage, située entre le hiatus œsophagien du diaphragme et le cardia, dont la position physiologique est intra-abdominale. Il est sous la dépendance de multiples facteurs, dont les facteurs intrinsèques de la tonicité musculaire lisse et de la compétence des récepteurs barométriques. D’autres éléments anatomiques extrinsèques liés à la position du sphincter œsophagien inférieur dans la cavité abdominale influencent son fonctionnement. Ils incluent la valve formée par l’angle entre l’œsophage et le cardia, l’action de pincement du pilier droit diaphragmatique, le volet muqueux constitué par l’apposition de l’œsophage collabé, la longueur de la portion intra-abdominale œsophagienne et la compétence du ligament phrénico-œsophagien. Ces différents facteurs préventifs permettent d’éviter un reflux gastro-œsophagien trop important, mais régulent un reflux modéré physiologique.

Le shar-pei et le bouledogue anglais sont prédisposés à la hernie hiatale

Il convient de distinguer les hernies hiatales congénitales et acquises. La plupart des premières sont diagnostiquées avant l’âge d’un an, tandis que les secondes ont souvent une origine traumatique. Les hernies hiatales sont décrites à la fois dans l’espèce canine et féline et chez de nombreuses races, le shar-pei et le bouledogue anglais présentant une prédisposition.

Qu’elles soient congénitales ou acquises, une distinction entre deux principaux types de hernies hiatales existe. La hernie hiatale axiale (type I), ou glissante, est la plus commune. La laxité du ligament phrénico-œsophagien (qui solidarise l’œsophage et le diaphragme) et l’ouverture parfois excessive du hiatus œsophagien permettent une remontée axiale de la jonction œsophagogastrique dans la cavité thoracique. Si la jonction œsophagogastrique reste en place, mais qu’une partie du fundus et parfois d’autres viscères font protrusion latéralement à travers le hiatus, il s’agit alors d’une hernie hiatale para-œsophagienne (type II). Cette hernie suit un axe parallèle à l’œsophage. Des hernies mixtes sont essentiellement décrites chez l’homme, plus rarement en médecine vétérinaire.

Cliniquement, la régurgitation est le symptôme le plus présent lors de hernie hiatale, même s’il existe des animaux asymptomatiques. Les autres signes cliniques incluent des vomissements, de l’hématémèse, de l’hypersalivation, de la dysphagie, de l’anorexie, de la toux, de la dyspnée, de l’intolérance à l’effort et de la polyuro-polydipsie. Les complications sont une œsophagite ou un méga-œsophage susceptibles d’entraîner une pneumonie par fausse déglutition. Le diagnostic représente parfois un challenge lors de hernie hiatale intermittente, particulièrement commune chez le chat. La radiographie peut permettre de localiser une portion de l’estomac craniale aérifère en position intrathoracique. Il arrive qu’il s’accompagne d’une partie du foie, en vis-à-vis d’un foyer d’atélectasie pulmonaire. Un transit baryté peut montrer la jonction œsophagogastrique ou des replismuqueux craniaux au hiatus. La fluoroscopie met parfois en évidence une hypomobilité de l’œsophage ou un reflux œsophagogastrique. Comprimer l’abdomen pendant la fluoroscopie ou les radiographies peut aider à identifier la hernie, surtout si celle-ci est intermittente et nécessite de multiples clichés. La fibroscopie autorise l’identification d’une œsophagite, d’un reflux œsophagogastrique et parfois de la hernie, avec la présence de replis muqueux gastriques en amont du hiatus.

Le traitement médical précède toujours le recours à la chirurgie

Le traitement de la hernie hiatale peut être médical ou chirurgical. Une étude montre que la première option est envisageable si les signes cliniques sont modérés et que les complications, telles qu’un méga-œsophage ou une pneumonie par fausse déglutition, sont absentes. Le traitement dure alors trente jours au minimum et inclut une thérapie à base de procinétiques, d’anti-acides, d’antagonistes aux récepteurs H2, ainsi qu’un pansement gastrique (voir tableau en page 36). Si les résultats sont décevants, que des récidives ou une aggravation des symptômes surviennent, une intervention chirurgicale doit être envisagée. La plicature hiatale est la première phase reconstructrice et permet de restaurer l’anatomie du hiatus œsophagien qui est souvent étiré. Elle s’effectue dans l’axe des piliers du diaphragme.

La deuxième phase est la stabilisation de l’estomac grâce à une œsophagopexie de 180 à 360°. Cette étape a pour but de recréer le ligament phrénico-œsophagien et de prévenir la remontée du sphincter œsophagien inférieur. Une gastropexie gauche complète le temps chirurgical. Elle peut être incisionnelle, sur une sonde de gastropexie, ou encore en boucle de ceinture. Elle permet de tenir l’estomac en position physiologique. Une technique de plicature fundique, qui consiste à former un bourrelet de muqueuse fundique en vis-à-vis du hiatus, est possible. Toutefois, en raison de résultats parfois décevants, elle est abandonnée au profit des pexies. Si l’animal souffre d’une œsophagite majeure, l’emploi d’une sonde de gastrostomie permet une nutrition entérale et un repos de l’œsophage pendant plusieurs jours. Il convient d’instaurer un monitoring postopératoire de la dyspnée en cas de pneumonie, ainsi qu’un traitement analgésique rigoureux. Quand le diagnostic est effectué avant l’apparition d’incompétence sphinctérienne, le pronostic de cette intervention chirurgicale est bon et peut être complété par un traitement médical d’appoint.

  • La bibliograhie de cet article est disponible sur le site www.WK-Vet.fr rubrique “Semaine Vétérinaire”, puis “Complément d’article”.

Hypothèses diagnostiques

• Causes intraluminales :

- corps étranger intra-œsophagien, stomacal ou duodénal subocclusif ;

- néoplasie ou diverticule œsophagien ;

- sténose œsophagienne.

• Causes extraluminales :

- persistance du 4e arc aortique droit ;

- masse médiastinale.

• Causes diverses

- inflammation chronique ;

- intoxication ;

- myasthénie ;

- myopathie ou neuropathie ;

- hernie hiatale ;

- méga-œophage ;

- origine idiopathique.

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