L’exploration diagnostique en pathologie locomotrice équine passe par l’imagerie - La Semaine Vétérinaire n° 1333 du 31/10/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1333 du 31/10/2008

IRM, scanner ou scintigraphie

Formation continue

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Marie Vachel

Plusieurs techniques récentes, moins couramment utilisées en pratique que la radiographie et l’échographie, sont désormais disponibles pour explorer les boiteries chez le cheval.

Le scanner, la scintigraphie osseuse et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) sont des techniques de diagnostic utilisées de façon plus occasionnelle que la radiographie et l’échographie en raison de leur complexité et de leur coût. Pour y avoir recours et les proposer en centre de référence, le praticien doit connaître les indications de ces examens, leurs limites et leur prix. Notre confrère Fabrice Audigié et ses collaborateurs(1) ont exposé, le 18 mars dernier à Roissy (Val-d’Oise), les principes de ces trois techniques, leur fonctionnement et leurs applications cliniques en pathologie locomotrice équine.

La scintigraphie permet de repérer les zones de fixation anormale d’un radiotraceur

Le principe général de la scintigraphie est la détection d’un rayonnement gamma diffusé par les tissus du cheval, après l’administration intraveineuse d’un radio-élément, le technecium (99mTc), combiné à un diphosphonate (à grande affinité pour le tissu osseux). Une gamma caméra mesure les rayonnements émis. Le radiotraceur, soit le complexe 99mTc-diphosphonate, se fixe essentiellement au niveau des cristaux d’hydroxyapatite (phosphate de calcium constituant la matrice inorganique osseuse) et, plus particulièrement, dans les zones de remodelage osseux. Une fixation au collagène immature de tissu osseux néoformé est aussi connue. De ce fait, selon Fabrice Audigié, cette technique d’examen détecte davantage l’activité ostéoblastique qu’ostéoclastique.

L’image scintigraphique représente le nombre de rayonnements reçus, dont l’unité est le “nombre de coups”. Ce nombre est représenté sur une échelle de niveaux de gris ou de couleurs. L’interprétation des images consiste à repérer les zones de fixation anormale du radiotraceur (hyperfixation en général).

Le protocole d’examen pratiqué au Centre d’imagerie et de recherche sur les affections locomotrices équines (Cirale) consiste en un échauffement préalable du cheval (compatible avec la boiterie) afin de promouvoir la perfusion tissulaire distale des membres et diminuer ainsi les risques de défaut de fixation du traceur. En salle de scintigraphie, le radiotraceur est injecté au cheval et des protections sont placées sur ses membres pour éviter leur souillure par l’urine, dans laquelle est éliminé le produit diagnostique non fixé. Un diurétique est également administré afin d’éliminer plus rapidement l’urine radioactive et réduire ainsi l’exposition des intervenants.

Les images scintigraphiques sont essentiellement réalisées en phase osseuse (trois heures postinjection initiale), après une sédation de l’animal pour limiter ses mouvements. L’acquisition des images s’effectue pendant une minute et un logiciel permet de corriger les mouvements oscillatoires indésirables pendant la prise de vue. Les incidences réalisées pendant l’acquisition dépendent des anomalies détectées au cours de l’examen locomoteur (membres antérieurs, postérieurs, région axiale, corps entier).

Les images scintigraphiques offrent un diagnostic topographique des lésions

L’interprétation des images est immédiate. Dans un premier temps, une comparaison des régions droite et gauche du cheval met en relief les asymétries de fixation du marqueur. Ensuite, la fixation des différentes zones est comparée à un profil de référence. Toutefois, d’après Fabrice Audigié, ce profil “normal” de fixation dépend de l’âge, de la discipline et du niveau d’activité du cheval. Enfin, les images scintigraphiques anormales peuvent être superposées à une projection radiographique de la même région. L’interprétation clinique des images n’en reste pas moins délicate, car deux facteurs influencent la fixation osseuse du complexe. Le débit sanguin local conditionne la quantité de radio traceur qui atteint l’os, et la fixation du marqueur de remodelage osseux peut refléter un remodelage lié à la croissance, physiologique ou pathologique. Tout le travail d’interprétation consiste donc à différencier des hyperfixations artéfactuelles (défaut d’incidence, superpositionosseuse), physiologiques (selon la discipline du cheval et sa croissance), compensatrices (surcharge biomécanique du membre controlatéral à la boiterie) et pathologiques.

Les hyperfixations pathologiques représentent un phénomène inflammatoire stricto sensu, dégénératif, traumatique, septique ou tumoral du tissu osseux. Notre confrère souligne que « les hyperfixations pathologiques focales ont une valeur sémiologique souvent supérieure aux hyperfixations diffuses ». Parmi les images pathologiques plus rares, une hypofixation peut être rencontrée, lors de défaut de vascularisation d’une zone anatomique (thrombose artérielle, séquestre osseux).

La scintigraphie osseuse est donc essentiellement utilisée pour un diagnostic topographique, lorsque les techniques d’imagerie conventionnelles n’ont pas permis d’identifier le site lésionnel ou que les causes de la gêne locomotrice sont multiples et mal identifiées. Un diagnostic lésionnel peut être envisagé par scintigraphie quand des lésions vasculaires sont suspectées, lorsque la zone suspecte ne peut être explorée par l’IRM ou pour une exploration fine du caractère inflammatoire d’une enthésopathie. Les limites de cet examen sont constituées par son coût (1 000 à 1 300 €), l’accès difficile à certaines régions (articulation fémoro-tibiale médiale, portion caudo-médiale du boulet et médiale du coude) et sa faible sensibilité pour identifier des lésions tendineuses ou ligamentaires sans atteinte de l’enthèse. L’utilisation d’un produit radioactif nécessite en outre des mesures de radioprotection draconiennes.

Le scanner est indiqué pour la détection de lésions osseuses subtiles des membres

Le scanner est une technique qui fait appel aux rayons X, émis par un tube en tunnel, effectuant des rotations autour de l’animal. Cette technique nécessite une immobilité parfaite du cheval, donc une anesthésie générale. Soit la tête du cheval, soit un membre est introduit dans le tunnel-scanner dont le diamètre est de 50 à 60 cm. L’examen dure une vingtaine de minutes. Des coupes multiples d’une région de 1 à 5 mm sont effectuées. L’interprétation des images est relativement simple et possède des similitudes avec la radiographie. Le scanner détecte des modifications discrètes de densité tissulaire (de l’ordre de 0,5 %, au lieu de 10 % pour la radiographie conventionnelle). Il permet de visualiser simultanément les tissus mous et osseux. La sensibilité de cette tehnique est excellente pour détecter des lésions osseuses qui comportent une sclérose sous-chondrale, une énostose, ou encore des lésions lytiques avec une sclérose périphérique. Le scanner est ainsi plus précis que l’IRM pour analyser la morphologie de la composante minérale osseuse. Les indications sont la détection de lésions osseuses subtiles des membres, non visualisables en radiographie. Comme le scanner n’est pas une technique d’imagerie multiplan, sa limite est l’impossibilité d’examiner, chez le cheval adulte, les régions proximales des membres, ainsi que la région cervicale moyenne et basse (en revanche, les poulains et les chevaux miniatures peuvent être visualisés en entier).

L’interprétation des images obtenues par résonance magnétique est complexe

L’IRM est une technique récente et performante d’imagerie sectionnelle en trois dimensions, multiplan et multicontraste (à la différence du scanner). Elle repose sur plusieurs séquences d’acquisition d’images, chacune fournissant des données différentes. Le protocole “spin-écho” inclut trois types de séquences pondérées :

- la séquence T1, caractérisée par un signal élevé de la graisse (apparaît en gris clair) et un signal faible des liquides (gris foncé), est utile pour évaluer l’anatomie de l’os et de certains tissus mous ;

- la séquence en densité de protons présente un excellent contraste tissulaire et est utile pour l’évaluation de structures à la fois composées de tissus mous et durs, comme la tête ; en imagerie ostéo-articulaire, l’aspect de l’image est proche de celui d’une séquence T1 ;

- la séquence T2 met en valeur la composante liquidienne tissulaire, qui apparaît en blanc ou gris clair. Elle est utile pour détecter des effusions synoviales, des kystes osseux, des zones œdémateuses. Les séquences en deux dimensions font appel à des coupes non jointives et d’une épaisseur de 3 à 4 mm, alors que les séquences en trois dimensions permettent d’obtenir des coupes jointives de l’ordre de 1 à 2 mm.

En général, une anesthésie générale est nécessaire et le cheval est alors placé en décubitus latéral sur une table amagnétique. Plusieurs séquences et coupes (sagittales, transverses, frontales) sont réalisées, pendant une heure à une heure et demie. Pour une région anatomique, un protocole de base est appliqué, suivi des équences complémentaires si nécessaire. Par exemple, une séquence en saturation de graisse permet de supprimer le signal de la moelle osseuse, en conservant le signal liquidien (T2). L’os spongieux apparaît en noir et les lésions osseuses inflammatoires en gris clair. La phase en saturation de graisse est particulièrement utile pour la détection de l’œdème osseux lors de microfractures ou de contusions de l’os sous-chondral.

L’interprétation des images est complexe. Les images normales dépendent de la teneur en protons libres des différents tissus. La teneur est faible pour l’os cortical, les tendons et le sabot (qui génèrent peu de signal et apparaissent en noir sur les séquences). La présence de tissu conjonctif au sein de ligaments augmente le signal en pondération T1.

L’os spongieux (à teneur élevée en graisse) présente un signal intense (en gris clair) en pondération T1 et faible (gris foncé) en pondération T2. Le cartilage articulaire émet un signal d’intensité intermédiaire (mais plus intense en pondération T1 et moins intense en pondération T2 que le liquide synovial). Le liquide synovial apparaît en hyposignal (gris moyen à sombre) sur les séquences en T1 et en hypersignal (blanc) sur celles en T2. Les images anormales sont interprétées suivant les tissus et les hypersignaux ou hyposignaux selon les séquences adoptées.

L’imagerie par résonance magnétique est une technique sensible

L’IRM possède une capacité d’identification de la nature de la lésion supérieure à celle du scanner. C’est la technique de référence pour identifier les lésions d’os spongieux (dont l’os sous-chondral), surtout les contusions, non visibles en radiographie conventionnelle, et les microfractures. L’intérêt est de fournir en outre des éléments sur la chronicité du phénomène.

Le cartilage articulaire peut aussi être évalué par un examen d’IRM, en complément de l’échographie pour les régions peu accessibles (articulation interphalangienne distale).

Un épaississement de la membrane synoviale est détectable aussi bien avec l’échographie que via l’IRM. Ces deux techniques sont très sensibles pour détecter des lésions tendineuses. L’IRM permet en outre d’étudier avec précision les divers tissus mous du pied et est particulièrement indiquée pour le diagnostic de pénétration de corps étranger (“clou de rue”).

Le coût, l’impossibilité d’examiner les régions proximales des membres et le temps de réalisation de l’examen sont les limites majeures de l’IRM. Certains appareils autorisent un examen debout et évitent l’anesthésie générale. Mais la résolution des images obtenues est inférieure.

La scintigraphie, l’IRM et le scanner viennent ainsi compléter les autres techniques conventionnelles d’imagerie locomotrice (radiographie, échographie). Il convient toutefois de ne pas perdre de vue que l’interprétation des images requiert une corrélation avec les examens clinique et complémentaires.

  • (1) F. Audigié, D. Didierlaurent, S. Jacquet, V. Coudry, J.-M. Denoix : « IRM et scanner chez le cheval : fonctionnement et coût » et « Scintigraphie chez le cheval : fonctionnement et coût », 8e journée européenne de l’Avef à Roissy, 15/3/2008.

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