La viabilité placentaire serait le reflet de modifications endocriniennes chez la jument - La Semaine Vétérinaire n° 1331 du 17/10/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1331 du 17/10/2008

Reproduction et endocrinologie

Formation continue

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Isabelle Desjardins

L’évaluation de la viabilité fœtale via des dosages hormonaux sanguins chez la mère reste peu précise.

Les hormones impliquées dans la gestation chez la jument sont multiples, mais peuvent être divisées en trois groupes sur la base de leur action physiologique. Le premier régule l’inactivité du myomètre et garantit la non-expulsion du fœtus par l’utérus avant la maturation nécessaire de celui-ci. Le deuxième groupe stimule l’activité utérine et induit des contractions myométriales rythmiques et régulières pour l’expulsion rapide du fœtus et du placenta. Le troisième est celui des hormones responsables de la maturation fœtale. La naissance à terme d’un poulain nécessite la synchronisation entre ces différents paramètres endocriniens et entre le développement fœtal, la maturation fœtale et la préparation maternelle à la naissance.

La progestérone et ses métabolites sont les hormones dominantes de la gestation

Chez la plupart des espèces de mammifères, la progestérone et ses métabolites sont les hormones dominantes de la gestation et leur concentration dans le sang diminue progressivement jusqu’à disparaître avant la parturition. Mais chez la jument, les progestatifs totaux augmentent dans les trois dernières semaines de la gestation et les concentrations maternelles sanguines en progestérone sont négligeables de la mi-gestation à la parturition. L’ovaire est la source de progestérone chez la jument jusqu’à cent vingt à cent cinquante jours de gestation, puis cette hormone est synthétisée par l’unité fœto-placentaire à partir de la prégnénolone, elle-même synthétisée par les glandes surrénales fœtales. Dans les tissus utéro-placentaires, la progestérone régule l’activité des cellules du myomètre. Les concentrations plasmatiques maternelles en progestatifs totaux sont basses jusqu’à quinze à vingt et un jours avant la mise bas, puis s’accroissent de façon significative, avant de retomber à des valeurs négligeables vingt-quatre heures avant le part. L’augmentation de cette concentration coïncide avec le développement des mamelles et les modifications électrolytiques des sécrétions mammaires, alors que la chute brutale coïncide avec une hausse de la production de cortisol fœtal. Grâce à des réactions croisées entre les progestatifs et les anticorps antiprogestérone utilisés par les techniques Elisa et radio-immunologiques, il est possible de doser la concentration en progestatifs dans le sang de la jument en fin de gestation. Celle-ci oscille entre 2 et 12 ng/ml dans les trois dernières semaines avant le part.

Une autre hormone, la relaxine, assure l’inactivité du myomètre pendant la gestation. Elle est produite par les cellules du trophoblaste. Les concentrations sanguines sont élevées en fin de gestation et pendant le part.

Trois hormones sont dites utérotoniques

Les œstrogènes, les prostaglandines et l’ocytocine sont des hormones dites utérotoniques. Les gonades du poulain libèrent des précurseurs pour la formation d’œstrogènes (estrone, 17β-estradiol, 17α-estradiol, équiline et équilénine) par le placenta. Lepicde concentration en œstrogènes totaux dans le sang maternel se situe à deux cent dix jours, puis un déclin s’opère à partir de deux cent quatre-vingts jours. Les œstrogènes sont importants pour la maturation fœtale et le bon enchaînement des événements de la parturition. En effet, ils stimulent la synthèse des prostaglandines. Dans la dernière semaine avant la naissance, la concentration en 17β-estradiolaugmenteetcela s’accompagne d’une hausse nocturne de l’activité électromyographique utérine chez la jument. Les prostaglandines sont impliquées dans la parturition : la PGF stimule la contractilité myométriale et la PGE2 induit une relaxation cervicale. Elles sont synthétisées par les tissus utéro-placentaires et sont présentes dans le liquide allantoïdien et le sang fœtal et maternel. Il est difficile de mesurer précisément la concentration de ces hormones, car elles sont labiles. L’augmentation des progestatifs en fin de gestation coïncide avec une chute de l’activité enzymatique de la PGDH (15-hydroxyprostaglandine déshydrogénase) qui métabolise les prostaglandines en dérivés inactifs. L’ocytocine est secrétée par l’hypophyse postérieure. Les taux plasmatiques chez la jument sont bas pendant toute la gestation et augmentent seulement durant le travail.

L’augmentation du cortisol fœtal a lieu avant la naissance

La maturation des organes fœtaux et l’induction de la parturition reposent en partie sur la hausse du cortisol fœtal avant la naissance. Une augmentation marquée de la concentration en cortisol fœtal se produit deux à trois jours avant la naissance, coïncidant avec la chute des progestatifs dans le sang maternel, une modification du rapport neutrophiles/lymphocytes fœtaux et une hausse brusque de la concentration en hormones thyroïdiennes fœtales. Une enzyme surrénale, la 17α-hydroxylase, favorise la production de cortisol à partir de progestérone. L’ACTH sanguine fœtale, stimulant aussi la production de cortisol, augmente dans les dernières semaines de la gestation. Lorsque cette chaîne endocrinienne est perturbée, des avortements en fin de gestation ou des naissances prématurées surviennent. Des agents infectieux, des modifications pathologiques de l’unité fœto-placentaire et des conditions pathologiques maternelles peuvent être à l’origine de ces perturbations. Les infections ascendantes induisent des placentites, une cause fréquente d’avortements. Les principaux agents pathogènes retrouvés sont des bactéries et des champignons. Des virus comme les herpès virus 1 et 4, le virus de l’artérite virale, et des bactéries comme les salmonelles, des leptospires, etc., sont aussi des sources d’avortements. Des situations pathologiques maternelles (traumatisme, colique, entérocolite, intoxications, etc.) perturbent l’équilibre hormonal de la gestation et constituent des menaces pour la viabilité fœtale.

Lors de lésion placentaire et/ou de stress fœtal, il est parfois possible de détecter un développement prématuré de la glande mammaire et de la sécrétion lactée. La composition électrolytique du lait (calcium, sodium et potassium) est modifiée. Mais l’une des problématiques est que les signes cliniques maternels apparaissent bien après la perturbation hormonale induite par l’agent pathogène ou la situation pathologique et l’induction de la réponse inflammatoire et immunitaire. Les signes prémonitoires sont souvent absent savant l’avortement ou la naissance d’un poulain prématuré.

Des marqueurs pour repérer les troubles endocriniens

Quels sont les marqueurs de ces perturbations endocrines associées à différentes situations pathologiques ? La fonction fœto-placentaire peut être évaluée en fin de gestation par des dosages des progestatifs sanguins, trois fois à quarante-huit ou soixante-douze heures d’intervalle. Trois sortes de perturbations sont observées par l’auteur(1) : un déclin rapide et prématuré des progestatifs est fréquemment rencontré dans les cas pathologiques aigus, dans lesquels l’expulsion fœtale ou la mort du fœtus sont imminentes ; une hausse précoce des progestatifs est habituellement associée à une affection placentaire ; l’absence d’augmentation des progestatifs durant les trois dernières semaines a presque exclusivement lieu chez les juments exposées à des alcaloïdes de l’ergot.

De façon générale, les juments qui présentent une hausse précoce des progestatifs ont statistiquement plus de chances de donner naissance à un poulain vivant que celles dont les concentrations sanguines sont faibles.

Les taux sanguins en relaxine chutent avant un avortement, il s’agirait donc d’un marqueur biologique utile de la viabilité placentaire, mais des techniques de dosages spécifiques ne sont pas encore disponibles en pratique équine.

La mesure unique des œstrogènes totaux plasmatiques serait un bon indicateur de la santé fœtale. Ainsi, une concentration plasmatique en œstrogènes totaux supérieure à 1 000 ng/ml entre cent cinquante et deux cent quatre-vingts jours de gestation est considérée comme normale, alors qu’un taux entre 500 et 800 ng/ml indique un fœtus en souffrance et un taux inférieur à 500 ng/ml un fœtus sévèrement atteint ou mort.

Toutefois, il est peu probable que la concentration totale en œstrogènes puisse prédire la mort fœtale, car les gonades du fœtus ne sont pas en mesure de répondre au stress fœtal. La concentration plasmatique maternelle en estrone sulfate chute brutalement lors de mort fœtale, mais de façon concomitante, donc inexploitable sur le plan diagnostique.

D’autres hormones, par exemple les prostaglandines F et E2 dans le liquide amniotique, augmentent lors de placentite induite expérimentalement. Cependant, leur usage diagnostique est limité en raison de leur métabolisation rapide.

De même, le cortisol fœtal s’accroît après une cathétérisation fœtale expérimentale. Toutefois la libération du cortisol est localisée au fœtus et à l’intérieur de l’utérus, ce qui limite grandement l’utilisation pratique de ce dosage.

A l’heure actuelle, les dosages hormonaux sanguins réalisés chez la jument n’apportent qu’une réponse partielle et peu précise à l’évaluation de la viabilité f œtale. Des examens échographiques (transabdominal pour l’évaluation du développement fœtal et transrectal pour l’évaluation de l’étoile placentaire) complètent utilement l’appréciation de la santé fœtale. Des marqueurs biologiques spécifiques, utilisés en médecine humaine, ne sont pas encore validés chez le cheval.

  • (1) M. LeBlanc : « Endocrinology of the late gestational mare in health and disease », Proceedings of the Acvim forum, 4-8 juin 2008, San Antonio, Texas.

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