LA PROFESSION PLANCHE SUR LA VALORISATION - La Semaine Vétérinaire n° 1330 du 10/10/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1330 du 10/10/2008

À la une

Ouvrir le porte-monnaie des vétérinaires, et surtout le comparer à celui d’autres professions, est riche d’enseignements.

Cela montre qu’ils ne sont pas dans le tiercé de tête des métiers de santé en termes de revenu et que si les cliniques réalisent de bons chiffres d’affaires, la rentabilité n’est pas toujours au rendez-vous. Mais les chiffres ne sont pas tout.

La perception que les confrères ont de leur travail et de l’argent qu’ils en retirent est également importante.

Argent et éthique. Ces deux termes paraissent totalement opposés de prime abord. Pourtant, l’un et l’autre sont nécessaires, et ils ne sont pas incompatibles », expliquait Yannick Poubanne, membre du Conseil supérieur de l’Ordre, à l’occasion d’une réunion organisée par le Syndicat des vétérinaires de la région Paris-Ile-de-France (SVRP) le 14 septembre dernier(1).

Depuis longtemps, les Français ont un rapport complexe avec l’argent. Les vétérinaires ne font pas exception, en raison notamment des spécificités de leur profession, qui jettent souvent un voile tabou sur l’aspect financier de leur métier. En premier lieu, ils sont considérés comme bénéficiant déjà de prérogatives (qu’ils défendent). Par ailleurs, ils exercent un art, ce qui les détache de fait des réalités matérielles. Ils apportent également un service. Or « on ne paye pas pour un service, on l’honore », souligne Yannick Poubanne, d’où la notion d’honoraires. A cela s’ajoute l’image de “héros” qu’ils continuent de véhiculer. Le vétérinaire de campagne reste celui qui “fait le maximum avec le minimum de moyens”. Et que dire du fantasme diffusé par la série télévisée Daktari

Les vétérinaires ont par ailleurs « une déontologie qui promeut la qualité de service », qualité réglementairement encadrée, insiste Yannick Poubanne (voir ci-dessous). Ils doivent notamment être à jour des connaissances scientifiques et obtenir le consentement éclairé de leurs clients. Autant d’exigences auxquelles ils doivent répondre alors que, parallèlement, la directive européenne “services” leur fait craindre une augmentation de la concurrence dans le but de diminuer les prix.

L’argent est nécessaire à un exercice de qualité

« L’obligation de moyens qui s’applique aux vétérinaires pour apporter un service de qualité nécessite des ressources et de l’argent », souligne notre confrère. En effet, ils doivent se former, ainsi que leur personnel, investir dans les équipements, conserver les meilleures ressources et attirer celles de qualité. L’argent est donc nécessaire. Mais est-il et restera-t-il une façon de faire de la qualité, ou est-il ou deviendra-t-il une fin en soi ? Car il est possible de respecter l’éthique, tout en admettant que l’argent est nécessaire. Dans ce contexte, face à un propriétaire et son animal, la démarche du vétérinaire consiste à répondre à une série de questions : de quoi cet animal a-t-il besoin en dehors de toute contrainte financière ? Quel type de relation le lie à son propriétaire ? Quels sont les besoins et les motivations de ce dernier ? Comment m’assurer que le message est bien communiqué ? Comment faciliter le paiement ? Quel est le coût de ce service pour la clinique ?

« Le vétérinaire est libre de ses honoraires, a rappelé Jean-Pierre Kieffer, président du SVRP. Il est toutefois soumis à des obligations déontologiques (article R. 242-49 du Code rural) et fiscales (comme l’affichage, l’établissement d’un devis, d’une facture). » Il arrive d’ailleurs que la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) effectue des contrôles en la matière. « Le minimum requis est l’affichage des principaux tarifs. Il convient en outre de préciser, via un écriteau, qu’un devis et une facture peuvent être établis », poursuit notre confrère.

Le positionnement de la structure doit être clairement défini

Certains confrères ont encore des difficultés à mettre en place une véritable politique tarifaire, dans le but de faire progresser leur marge. Le prix de la consultation est d’ailleurs loin d’avoir enregistré une progression phénoménale entre 2001 et 2008 comparé à certains produits “phares” (voir tableau 1). « Bon nombre de cliniques ne réalisent aucune augmentation annuelle. Lorsque le retard “tarifaire” s’accumule, il est ensuite plus difficile de le rattraper », remarque Yannick Poubanne. Notre confrère insiste aussi sur la nécessité de positionner sa structure par rapport à un créneau précis et de se garder des a priori hâtifs sur les profils de clientèle. Une étude récente menée aux Etats-Unis montre ainsi que si le revenu d’un propriétaire influe sur les sommes qu’il débourse pour son animal, le type de relation qu’il entretient avec lui joue aussi beaucoup. Son attitude sera différente selon qu’il considère l’animal comme une propriété, un compagnon ou un membre de la famille.

Bruno Pelletier, administrateur du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL) et de l’Association de gestion agréée des professions de santé (Agaps), met également en avant le positionnement de la structure et son appropriation par le vétérinaire. Ce dernier doit veiller à adapter les études économiques au profil de son entreprise. Ainsi, le revenu ne signifie pas tout. Il est aussi nécessaire de prendre en compte les éléments liés aux conditions de travail (taux horaires, niveaux de stress, contraintes, etc.), qui divergent d’une clinique à l’autre. « Tout ne se résume pas à une histoire d’argent. Le ressenti du vétérinaire autour de son travail est également important », insiste Rémi Gellé, président du SNVEL, rappelant dans ce cadre le travail du groupe Valovet, qui se penche sur la valorisation du vétérinaire et de ses actes, à l’échelle individuelle et collective.

Augmenter sa marge et veiller à la rentabilité de la structure

Au-delà du chiffre d’affaires, il importe de se pencher sur la notion de rentabilité, et de prendre conscience de ce qui reste des sommes encaissées, lorsque la TVA, les salaires, les charges, etc., sont payées. Comme l’explique Jean-Pierre Kieffer, « la distinction entre recette et bénéfice n’est pas toujours bien assimilée par les clients ». Or, quand un vétérinaire touche 100 €, il ne lui reste au final que 20 € en moyenne (voir tableau 2).

La comparaison avec d’autres professions montre que les entreprises vétérinaires ont une moindre rentabilité (voir tableaux 3 et 4). Le ratio entre le chiffre d’affaires hors taxes et le bénéfice s’élève à 26,65 %, ce qui place les confrères derrière les directeurs de laboratoires d’analyses médicales (28,10 %), les médecins anatomo-pathologistes (34,50 %), les chirurgiens dentistes (38,90 %) et les radiologues (41,90 %). Le ratio le plus élevé revient aux médecins généralistes, avec 67,70 %. D’après les données publiées par les associations régionales agréées de l’Union des professions libérales, reprises par l’Ordre, lorsque ce dernier perçoit 21 € d’honoraires hors TVA, il réalise un bénéfice de 14,22 €, alors qu’un confrère ne recueille que 9 € de revenu réel pour un encaissement de 40 € TVA incluse.

Les tendances observées chez les vétérinaires se retrouvent au niveau de l’interprofession

Les chiffres font apparaître de grandes tendances chez les vétérinaires, « comme l’érosion de la marge (qui nécessite alors la mise en place d’un tableau de bord et d’indicateurs économiques), ou encore l’augmentation artificielle du chiffre d’affaires », souligne Bruno Pelletier. La hausse constante des achats conduit à une marge faible, ce qui doit inciter à revoir les contrats et à étudier plus en détail la concurrence. La crainte de majorer le tarif des actes en raison de la hausse du prix des médicaments s’exprime également chez bon nombre de praticiens. La non-facturation des actes, l’absence de prise en compte de certains frais fixes et de charges liées au fonctionnement de l’entreprise sont également des attitudes communes, alors que l’intégration de ces éléments dans le prix des consultations est particulièrement importante. Il convient aussi de valoriser les actes par rapport à la vente de médicaments et de pet food.

Une fois ces ajustements réalisés, la réflexion peut s’orienter vers la création « de nouveaux services, mais surtout le développement de l’acquis », plaide Yannick Poubanne. Par exemple, le consentement éclairé lors d’un bilan préopératoire, la réalisation d’une campagne d’identification, la délivrance du passeport, etc., sont autant d’éléments à mettre en valeur, via une communication efficace, propre à chaque structure. Cela nécessite notamment « de connaître sa clientèle et d’effectuer un travail d’analyse de données », souligne Bruno Pelletier.

Que les vétérinaires se rassurent, ils ne sont pas les seuls à “tâtonner”. Des difficultés similaires sont souvent observées au niveau de l’interprofession où sont constatés des excédents stables ou en baisse (sauf chez les anesthésistes et les radiologues), une maîtrise des dépenses lorsqu’elles n’ont pas un caractère obligatoire, une hausse marquée des charges sociales, une baisse de la taxe professionnelle liée à la réforme fiscale de 2005 ou encore une absence de renouvellement des investissements.

Dans ce contexte, « doit-on tout développer ou tout vendre ? » et que se passera-t-il « si les médicaments nous échappent ? », s’interroge Bruno Pelletier. Une réflexion stratégique s’impose, rejoignant la démarche de la profession autour de la valorisation des actes. La réponse passera nécessairement par une étude multifactorielle.

  • (1) Voir aussi La Semaine Vétérinaire n° 1327 du 19/9/2008.

La déontologie promeut la qualité

• Assurer une qualité et une continuité des soins

- article 33 (VI) : « Le vétérinaire n’exerce en aucun cas sa profession dans des conditions pouvant compromettre la qualité de ses actes » ;

- article 49 : « Toutes pratiques tendant à abaisser le montant des rémunérations dans un but de concurrence sont interdites au vétérinaire dès lors qu’elles compromettent la qualité des soins » ;

- article 48 (I) : « [Le vétérinaire] assure lui-même ou par l’intermédiaire d’un de ses confrères la continuité des soins aux animaux qui lui sont confiés » ;

• Tenir compte de l’état des connaissances scientifiques

- article 33 (X) : « Le vétérinaire acquiert l’information scientifique nécessaire à son exercice professionnel, en tient compte dans l’accomplissement de sa mission, il entretient et perfectionne ses connaissances. »

• Obtenir le consentement éclairé

- article 49 : « Leur présentation [des honoraires] doit être explicite en ce qui concerne l’identité du ou des intervenants et la nature des prestations effectuées par chacun. »

• Le vétérinaire doit répondre à toute demande d’information sur ses honoraires ou sur le coût d’un traitement.

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