La confirmation d’une suspicion de leptospirose chez les porcs est délicate - La Semaine Vétérinaire n° 1330 du 10/10/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1330 du 10/10/2008

Reproduction porcine

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

Un diagnostic de laboratoire négatif ne signifie pas une absence d’infection ou d’excrétion. La séropositivité atteste du contact des porcs avec les leptospires.

Un élevage naisseur-engraisseur des Côtes-d’Armor de deux cent dix truies est confronté depuis de nombreuses années à des problèmes de reproduction d’une part, d’intégration des cochettes de multiplication dans le troupeau de truie d’autre part. L’intégration à un poids de 115 kg s’est toujours traduite par une mortalité élevée. L’éleveur a donc choisi d’introduire les cochettes dans l’élevage à un poids de 8 kg. Toutefois, cette solution reste peu satisfaisante, car la mortalité atteint 40 % en postsevrage et en engraissement. En outre, l’infertilité des cochettes s’élève à 20 %. A cela s’ajoutent des taux de mise bas moyens (voir tableau 1). Par ailleurs, les autres résultats technico-économiques de l’élevage, conduit en cinq bandes de quarante truies, sont satisfaisants (voir tableau 2). L’indice de consommation global est de 2,7, le taux de pertes entre le sevrage et la vente s’établit à 3,6 %, 75 % des poumons sont jugés indemnes et les frais vétérinaires se montent à 80 € par truie et par an. Historiquement, l’élevage est positif vis-à-vis du syndrome dysgénésique respiratoire porcin (SDRP). Les truies de l’exploitation ne sont pas vaccinées. En novembre 2006, l’autopsie d’une cochette de 100 kg révèle un ictère flamboyant, avec des hémorragies. « Cet ictère m’a fait penser à la leptospirose chez le chien », explique Julien Avon, vétérinaire à la Selas Hunaudaye (Lamballe, Côtes-d’Armor), qui a exposé ce cas lors de l’atelier porcin du congrès de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGVT), en mai dernier. Au même moment, l’éleveur observe des mises bas prématurées à cent sept jours, des porcelets chétifs en masse issus de 20 % des truies de la bande. En outre, de l’agalactie est observée chez 20 % des truies.

L’administration de chlortétracycline permet de différencier leptospirose et SDRP

« Les signes cliniques sont évocateurs du SDRP », indique Julien Avon. Malgré la séropositivité des truies et la réduction de la mortalité des cochettes grâce à une vaccination SDRP + mycoplasme, le diagnostic n’est pas concluant. « Aucune virémie n’est retrouvée par PCR chez les animaux malades, la cinétique des anticorps anti-SDRP est toujours décroissante chez les truies et les cochettes à problème. Par ailleurs, un profil réalisé chez cinquante femelles (des cochettes, des cochettes gestantes, des primipares et des multipares) ne met aucune circulation virale en évidence et l’infertilité de masse persiste. » Le diagnostic de SDRP n’étant pas concluant, une hypothèse de leptospirose chronique est émise. Des prélèvements sanguins et rénaux sont réalisés chez cinq truies de réforme. Le test de microagglutination (MAT) révèle la séropositivité de deux d’entre elles, avec des titres en anticorps respectifs de 400 et de 100. Le plus élevé correspond à Leptospira interrogans du sérogroupe Ballum. Ce sérogroupe est connu pour provoquer des jaunisses chez les porcelets et les animaux plus âgés. Par ailleurs, l’analyse histologique des reins montre des lésions de néphrite interstitielle chez deux truies séropositives. « Une publication datant de 1989 établit le lien entre l’infection par des leptospires et les lésions de néphrites interstitielles », indique Julien Avon.

En réponse à ces résultats, 600 ppm de chlortétracycline sont administrés aux cochettes pendant toute la durée de la quarantaine et 2 000 ppm en séquentiel sont donnés aux truies, par périodes de dix jours au cours des mois de janvier, mai et septembre 2007. Ce traitement se traduit par une amélioration de l’état des cochettes et une plus grande homogénéité du lot ; la disparition de l’infertilité (100 % des cochettes pleines lors de l’échographie), des mises bas prématurées et des agalacties dans le troupeau de truies ; l’amélioration des performances de reproduction (voir tableau 2).

Cinq mois après le dernier traitement, les signes cliniques réapparaissent chez les truies qui présentent de nouveau de l’infertilité, un faible taux de mise bas, des mises bas prématurées et la naissance d’un nombre important de porcelets chétifs. De juillet à novembre 2007, le taux de fécondité après la première insémination progresse de 82 à 86 % pour les cochettes et de 83,7 % à 89,2 % pour les truies.

La lutte contre les rongeurs est la clé de la prévention

La conduite d’élevage des cochettes et les signes cliniques sont en cohérence avec un diagnostic de leptospirose. Les locaux de quarantaine sont vétustes, avec peu de barrières sanitaires (voir photos). Le silo d’aliment est vieux et installé sous un abri vétuste. Aucune dératisation n’est mise en place. Curieusement, la conduite hygiénique des cochettes est différente du reste de l’élevage. Ainsi, le site de naissage présente une haute barrière sanitaire et la propreté des locaux est exemplaire. La dératisation y est conduite quatre fois par an. Excepté l’existence d’un prélèvement de semence à la ferme, aucun facteur de contamination par les leptospires n’est noté. La moitié de la semence utilisée pour l’insémination artificielle est issue du prélèvement des verrats de l’exploitation. « Une publication fait état de la présence de leptospires dans les sécrétions génitales des verrats. Cette pratique pourrait expliquer les symptômes observés chez les truies », avance Julien Avon.

Deux laboratoires différents réalisent chacun un profil de cinquante truies, révélant une prévalence de truies séropositives de 13,5 % et de 42 % (voir tableau 3). Selon notre confrère, ces profils donnent un semblant de dynamique de contamination qui touche principalement les jeunes reproductrices qui ont été récemment en quarantaine, zone supposée de la contamination. Toutefois, le test de microagglutination signe le contact entre l’animal et les leptospires, et aucunement une éventuelle excrétion. A ce titre, des PCR, réalisées sur les appareils uro-génitaux des truies de réforme qui présentent des problèmes et des verrats, se révèlent toutes négatives.

Même si la bactérie n’a pu être mise directement en évidence dans ce cas, la réponse au traitement par les tétracyclines, associée au profil fourni par la microagglutination, rend pertinents un diagnostic de leptospirose. Les solutions proposées à l’éleveur par le vétérinaire sont la rénovation de la quarantaine, un traitement séquentiel de 2 000 ppm de chlortétracyclines durant dix jours, deux à trois fois par an.

  • (1) Enquête réalisée dans le cadre de la thèse de notre confrère Guillaume Perreul, vétérinaire chez Atlantic Veterinaires.

Un diagnostic de laboratoire délicat

Chez les leptospires, seule l’espèce interrogans est pathogène. Elle est divisée en 23 sérogroupes, parmi lesquels 212 sérovars sont dénombrés. Les sérogroupes dominants en France sont Icterohemorrhagiae, Australis, Grippotyphosa, Automnalis et Sejroe. Les porcs se contaminent par voie muqueuse à partir de leur environnement (voir schéma). Les matières virulentes sont l’urine, l’avorton, le placenta, le sperme et le lait. Le diagnostic des infections à leptospires est difficile. En effet, les signes cliniques sont variables, les symptômes peu spécifiques, les sérogroupes nombreux et le diagnostic de laboratoire délicat. A l’occasion d’une enquête(1), outre les signes cliniques classiquement décrits, vétérinaires et éleveurs ont signalé l’observation d’hémorragies ombilicales survenant à la naissance.

Côté laboratoire, le diagnostic bactériologique stricto sensu des leptospires est peu opérationnel. Leur isolement est long (huit semaines), fastidieux, et requiert des compétences particulières. Le test de référence de la leptospirose est la microagglutination, dont l’interprétation est délicate. Le seuil de positivité est fixé à 100. Un titre supérieur à 400 est évocateur d’une infection évolutive récente. Le développement de la PCR est récent. A ce titre, le laboratoire Adiagène recommande d’effectuer un prélèvement chez une truie qui a avorté et, dans le cas des truies bloquées, chez leurs voisines. Cette technique permet d’analyser l’urine, le sang (sur tube EDTA) et les tissus. L’intérêt de la PCR est limité en raison de l’excrétion intermittente des leptospires par les porcs infectés.

C. B.-C.
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