Des acheteurs attaquent un éleveur sur la garantie des vices cachés - La Semaine Vétérinaire n° 1329 du 03/10/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1329 du 03/10/2008

Ventes d’animaux de compagnie

Gestion

LÉGISLATION

Auteur(s) : Céline Peccavy

Fonctions : Avocate au barreau de Toulouse.

L’incertitude demeure quant au sort réservé par les tribunaux aux problèmes de santé rencontrés par un animal lorsque ceux-ci ne figurent pas dans la liste des vices rédhibitoires.

La position adoptée par la haute juridiction qu’est la Cour de cassation en 2001, sur l’application prioritaire du Code rural sur le Code civil quel que soit le vice, n’est pas toujours suivie. Certaines décisions en arrivent même à des conclusions plus qu’étonnantes. C’est le cas pour un jugement rendu par la juridiction de proximité de Lyon, le 11 juillet dernier.

Les faits de l’affaire entre l’acheteur du chien et l’éleveur

Le 7 octobre 2007, M. Eleveur vend à M. et Mme Acheteur, dans le cadre d’un salon animalier, un chien de type bouledogue français pour un prix de 1 200 €. La destination de l’animal est clairement signalée sur l’attestation de vente : chien destiné à la compagnie conformément à l’article L 214-6 du Code rural. Le chien est examiné comme il se doit par le vétérinaire présent sur le salon : il ne présente à son départ aucun problème de santé.

Le 29 octobre 2007, les époux Acheteur écrivent pourtant à M. Eleveur afin de l’informer que le chien serait atteint de graves malformations, mais ils ne produisent aucun certificat vétérinaire. Ce n’est que bien plus tard, le 3 janvier 2008, qu’un certificat vétérinaire daté du 25 octobre 2007 sera communiqué. Selon ses constatations, l’examen général fait remarquer un prognathisme prononcé, une déviation de la première vertèbre coccygienne et une anomalie du sternum ; la radiographie permet d’observer une insertion craniale du diaphragme ainsi qu’une hépatomégalie. Ce certificat sera ensuite complété par un autre, daté du 26 mars 2008, mais faisant référence à un examen du chien effectué le 12 octobre 2007 (le tribunal fera l’erreur de considérer que le chien a été examiné en mars 2008).

Les demandes financières de l’acheteur et leur fondement juridique

Dans leur courrier du 29 octobre 2007, M. et Mme Acheteur avaient initialement demandé le remboursement partiel du prix de vente du chien à hauteur de 900 €. Les demandes faites devant le tribunal seront plus conséquentes : 900 c de remboursement sur le prix de vente, 1 000 € à titre de dommages et intérêts, 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, soit un total de 2 900 €.

L’acheteur s’est fondé, dans le cas d’espèce, sur les dispositions du Code civil et donc sur la garantie des vices cachés. Le vendeur lui a opposé l’irrecevabilité de son action, en raison du fait qu’il aurait dû agir conformément au Code rural (aucune convention contraire ne figurant dans l’acte de vente) et respecter notamment, outre la demande de nomination d’experts, le délai d’action de trente jours.

Les textes de droit utilisables dans le cas de vices non rédhibitoires

Dans le choix des textes à appliquer, les tribunaux ont longtemps raisonné de manière binaire : les vices rédhibitoires devaient être traités selon les dispositions du Code rural, les autres vices dits cachés selon celles du Code civil. La Cour de cassation a remis en cause cette distinction par un arrêt du 6 mars 2001. Dans le cas d’espèce, en effet, les vices présentés par deux chattes achetées par le demandeur en justice étaient les suivants : implantation dentaire défectueuse au niveau de la mâchoire supérieure, cataracte sénile bilatérale, insuffisance cardiaque avec souffle et amyotrophie généralisée. Ces maladies, personne ne dira le contraire, ne sont pas répertoriées par l’article R. 213-2 du Code rural. Les conclusions de la Cour de cassation sont pourtant les suivantes : « Attendu que pour faire droit à la demande de M. R. l’arrêt attaqué s’est fondé sur les dispositions des articles 1 641 et suivants du Code civil ; qu’en se déterminant ainsi, alors que l’action en garantie dans les ventes d’animaux domestiques est régie, à défaut de conventions contraires, par les dispositions des articles 284 et suivants du Code rural, la cour d’appel qui n’a pas constaté l’existence d’une telle convention a violé les textes susvisés. » La Cour de cassation a donc posé ici le principe de l’application prioritaire du Code rural sur le Code civil, que le vice soit rédhibitoire ou non, sauf volonté contraire des parties clairement exprimée dans l’acte de vente. Elle a confirmé sa position dans un arrêt du 22 octobre 2002. Cette position devrait donc être suivie par les juridictions de proximité, tribunaux d’instance et cours d’appel. Comme le démontre l’affaire du 11 juillet dernier, c’est loin d’être le cas.

Quant aux dispositions du Code de la consommation, elles sont applicables à tout vice présenté par un animal de compagnie, qu’il fasse partie ou non de la liste des vices rédhibitoires. Elles permettent à l’acheteur d’obtenir réparation lorsque l’animal n’est pas conforme.

La valeur des arguments de fond avancés par l’acheteur et les demandes de l’éleveur

En l’espèce, les acheteurs, toujours en possession du chien, fondaient leurs demandes indemnitaires principalement sur le certificat établi le 25 octobre 2007 et demandaient au tribunal, sur la base de ce même certificat, de condamner le vendeur.

Le vendeur, pour sa part, était placé dans une situation délicate, puisqu’il n’avait pas été en mesure de constater par lui-même l’état de l’animal ou de le faire constater par un vétérinaire de son choix.

Or, pour condamner l’éleveur sur le fondement des vices cachés du Code civil, comme le sollicitait l’acheteur, encore fallait-il qu’il y ait véritablement vices, que ces derniers aient existé au moment de la vente et qu’ils aient rendu l’animal impropre à l’usage de compagnie auquel il était destiné. Or, qui peut véritablement considérer le prognathisme chez le bouledogue français comme un vice ?

Face au certificat vétérinaire qui était produit par les acheteurs, le vendeur a adopté la seule défense possible qui consistait à soumettre ce document à un autre vétérinaire, à demander une expertise judiciaire réalisée à ses propres frais dans le but d’obtenir un second avis médical sur l’animal et de déterminer ainsi si ce dernier pouvait remplir ou non son rôle de chien de compagnie.

Le certificat vétérinaire du 25 octobre 2007 fut donc soumis à un vétérinaire expert auprès des tribunaux qui examina l’ensemble des points avancés par son confrère et rendit les conclusions suivantes : « Le Dr X a émis un certificat faisant état de constatations au jour de l’examen sur un chiot de trois mois, sans que ces constatations ne puissent être mises de façon certaine en relation avec un quelconque état pathologique rendant l’animal impropre à son usage, en l’absence de toute information concernant son évolution ultérieure. »

Le jugement rendu par le tribunal dans l’affaire du 11 juillet

• « Sur la demande d’expertise : les certificats médicaux produits permettent au tribunal d’apprécier justement l’état général de l’animal sans qu’il y ait lieu d’ordonner une expertise. »

Une demande d’expertise peut être faite par l’une ou toutes les parties au procès. L’expertise peut aussi être ordonnée d’office par le juge qui s’estime insuffisamment informé par les pièces communiquées pour trancher le litige. Dans ce dernier cas, l’expertise est certaine. Dans l’autre cas, cependant, le juge n’est pas tenu de faire droit à la demande. L’expertise est facultative et les juges font usage de leur pouvoir souverain d’appréciation pour décider de faire droit ou non à la demande.

• « Sur la recevabilité de la demande et l’application de la règle de droit : si les conditions générales de vente font bien état de la législation du Code rural et de la liste des vices rédhibitoires, elles n’excluent pas formellement l’applicabilité d’autres dispositions et notamment celles relatives au Code de la consommation qui prévoit, dans son article L211-4, l’obligation de conformité existant lors de la délivrance. L’acheteur conserve la possibilité d’agir dans les termes du droit commun pour toutes les catégories d’animaux qui ne font pas l’objet de règles spéciales. En conséquence, l’action (…) sera déclarée recevable. »

• « Sur la demande de réduction de prix pour vices cachés : selon l’article 1 644 du Code civil, l’acquéreur peut librement opter pour l’action rédhibitoire ou estimatoire. Il résulte de l’article 1 641 du Code civil que la mise en jeu de la garantie suppose que le vice existe au moment de la vente et que celui-ci n’ait pas été décelé par l’acheteur profane ou le particulier.

Lors d’une simple visite de routine auprès de leur vétérinaire le 12 octobre 2007, les acheteurs ont été informés de l’existence de plusieurs malformations. Le 26 mars 2008, un autre vétérinaire, après avoir effectué une radiographie, note une forte déformation du thorax au niveau du sternum, une déformation congénitale des dernières vertèbres, et des problèmes en T5 et T8.

Or il résulte de l’analyse des deux certificats médicaux concordants et détaillés, présentés par les demandeurs et complétés par des clichés de radiographie, que le chiot présentait des anomalies importantes qui ne pouvaient être décelées par un profane.

L’avis de l’expert n’est pas en contradiction fondamentale avec les autres certificats médicaux. Il minimise la différence de conformité de l’animal avec la référence du bouledogue français. Sans nier les anomalies constatées, il considère que les conséquences fonctionnelles actuelles en restent limitées. Il résulte de cette analyse que cet animal présentait un certain nombre de vices cachés justifiant non la nullité du contrat qui n’a pas été sollicitée, mais la réduction du prix convenu. Le vendeur sera condamné à verser 600 € au titre de la réduction de prix de vente, outre intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2007. »

• « Sur la demande de dommages et intérêts : les demandeurs n’apportent pas la preuve que le vendeur était de mauvaise foi évidente. En conséquence, la demande de dommages et intérêts sera rejetée. »

La jurisprudence est constante sur un point : le vendeur professionnel est présumé être de mauvaise foi. Elle considère qu’il ne peut ignorer les vices de la chose vendue et qu’il doit donc en répondre. Dans le cas présent, le vendeur était pourtant professionnel.

En conclusion, le tribunal a commis à l’évidence des erreurs à la fois de fait (considérer le prognathisme comme un vice caché, ne pas prendre en considération le fait qu’aucun certificat récent n’était produit) et de droit (la réduction du prix de vente doit être obligatoirement arbitrée par des experts). Sa décision n’est cependant pas attaquable, puisque les jugements rendus par la juridiction de proximité ne sont pas susceptibles d’appel…

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