Conditions zootechniques et gestion de troupeau ont un impact majeur sur la thyroxinémie - La Semaine Vétérinaire n° 1329 du 03/10/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1329 du 03/10/2008

Vaches laitières

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

L’interprétation se fait à partir de prélèvements réalisés chez des animaux sains et selon leur état physiologique et leur âge. Toute maladie déprime la synthèse thyroïdienne.

Quelle est la réalité de la carence en iode chez les bovins ? La réponse nécessite de se pencher préalablement sur plusieurs interrogations : comment évaluer la carence en iode ? Existe-t-il des variations physiologiques et quelles sont leurs amplitudes ? Depuis plusieurs années, la question attise les passions, démontrant la difficulté inhérente à l’investigation du métabolisme de cet oligo-élément. Trois explorations sont actuellement disponibles pour sonder une carence d’apports de cet oligo-élément(1) : le dosage de l’iode inorganique plasmatique, celui de l’iode total sérique et celui des hormones thyroïdiennes. Jusqu’à présent, les connaissances des valeurs usuelles de l’iode et des thyroxinémies chez les bovins, ainsi que leurs variations, étaient incomplètes. Le 30 mai dernier, lors du congrès de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV), notre consœur Brigitte Siliart, de l’école de Nantes, a présenté les résultats d’une étude française menée en 2005 et en 2006, avec les membres de la commission “qualité du lait” de la SNGTV. La finalité était « d’objectiver avec sûreté les carences en iode chez les bovins ». Chez ces derniers, des apports d’iode excessifs peuvent ne pas se traduire par des signes cliniques, en raison des mécanismes de régulation existants. Toutefois, « une complémentation abusive peut conduire à des teneurs en iode dans le lait dangereuses pour l’homme », précise Mickaël Martin dans sa thèse(2). « L’iode sécrété dans le lait, tout comme dans l’urine, est surtout proportionnel à l’ingestion d’iode. Une corrélation existe entre la concentration en iode du lait de tank et les apports journaliers dans un troupeau. » Chez les bovins, des cas de toxicité avérée sont connus. Les signes cliniques chez les animaux atteints d’iodisme sont une surcharge nasale et lacrymale, une conjonctivite, de la toux, une bronchopneumonie, une chute des poils et une dermatite. Une élévation de la température corporelle et du rythme cardiaque peut également être mesurée.

L’effet dû à l’exploitation est significatif sur les thyroxinémies

« L’iode présente un avantage considérable, celui d’avoir un seul rôle métabolique connu, la synthèse des hormones thyroïdiennes », a souligné notre consœur en introduction de son intervention (voir encadré page 50). Ainsi, la mesure de la thyroxinémie, soit le T4 sanguin, permet de s’assurer que les apports d’iode ont été suffisants. Les facteurs de variation connus de la concentration plasmatique des hormones thyroïdiennes des bovins sont le rythme circadien, la température extérieure, le niveau énergétique et protéique de la ration, les apports alimentaires d’iode et de sélénium, la conduite d’élevage, le statut inflammatoire et immunitaire des animaux, le mois de gestation, l’âge, le gain moyen quotidien et le poids des jeunes en croissance, le mois moyen de lactation(3).

L’étude pilotée par Brigitte Siliart a permis d’établir des valeurs usuelles chez des bovins sains pour la T4 totale, la T4 libre, l’iode total sérique et le sélénium sérique. En outre, pour chaque facteur de variation connu, l’amplitude des variations des thyroxinémies a été étudiée. Des prélèvements mensuels ont été réalisés pendant un an chez soixante-trois vaches laitières, réparties dans sept exploitations des régions Bretagne, Basse-Normandie, Rhône-Alpes et Midi-Pyrénées. Les élevages ont été choisis au regard de leur bon état sanitaire, de leurs résultats économiques et zootechniques satisfaisants, et de leur rationnement adapté à la production laitière. Le niveau de complémentation minérale n’était pas un facteur de sélection. Les critères d’inclusion des animaux étaient leur bonne santé apparente. Les résultats des dosages hormonaux montrent que la T4 libre et la T4 totale sont corrélées d’une manière similaire chez les vaches laitières, les veaux et les broutards (p < 0,0001). Ainsi, les deux dosages permettent d’évaluer la sécrétion thyroïdienne. « Toutefois, les valeurs de la T4 libre sont moins variables, d’où une interprétation plus facile », indique notre consœur. Cette étude montre un effet “exploitation” important (p < 0,0001) sur les thyroxinémies. Ainsi, les concentrations plasmatiques de la T4 libre et de la T4 totale varient selon le rang de lactation, l’âge de l’animal, le stade de lactation, la production laitière au pic, la production au dernier contrôle et la production en dernière lactation. L’effet de l’état sanitaire ayant été minimisé par l’échantillonnage, l’effet du troupeau est imputable aux conditions zootechniques et à la gestion d’élevage.

Effectuer des prélèvements chez quatre à cinq animaux sains représentatifs

Les résultats de l’étude cinétique des thyroxinémies des vaches laitières font apparaître que la concentration sanguine en T4 est inversement proportionnelle à la production laitière, avec une baisse nette pendant les deux premiers mois de lactation. Elle montre en outre une différence significative au risque p < 0,0001 entre les dosages de la T4 libre et de la T4 totale des vaches à moins de deux mois de lactation, entre deux et neuf mois de lactation, et des vaches taries. En parallèle, la thyroxinémie augmente légèrement au cours de la gestation, puis fortement au 7e mois, avec une différence significative au risque p < 0,0001 entre les vaches à moins de six mois de gestations et les vaches à plus de six mois de gestation. Les concentrations en T4 libre et T4 totale diminuent dans les dernières semaines avant le vêlage. Les concentrations sont corrélées positivement, respectivement au risque p < 0,0001 et p < 0,01, au nombre de jours prépartum dans les quarante-cinq jours qui précèdent le terme. « Cette diminution est liée aux fortes augmentations de prolactine et d’hormone de croissance inhibitrices de la sécrétion thyroïdienne, explique Brigitte Siliart. De plus, la capture de l’iode par le fœtus est trois à quatre fois supérieure à celle de sa mère. » Une différence significative est observée entre les primipares et les multipares pour les valeurs de T4 totale au risque p < 0,0001 et de T4 libre au risque p < 0,05. Les valeurs sont plus élevées chez les primipares. Les différences entre les rangs de lactation chez les multipares ne sont pas significatives.

Un effet saison est également signalé. Il existe une différence significative (p < 0,0001) entre les dosages de T4 totale l’hiver (novembre à février) et au printemps (mars à juin), les valeurs hivernales étant plus élevées. En revanche, aucune différence n’est relevée entre les T4 libre des prélèvements d’hiver et de printemps. Mais d’autres facteurs interagissent : la distribution d’un complément minéral et vitaminé (CMV) pendant le pâturage, le stade de lactation des animaux, ainsi que le stade de gestation qui est plus élevé en hiver qu’au printemps (4 mois versus 2,6 mois).

Enfin, la thyroxinémie augmente avec l’utilisation de produits de trempage iodés, laissant suspecter un passage sanguin de l’iode avec une influence majeure sur ses concentrations sanguines.

Ainsi, les valeurs usuelles pour l’évaluation du statut thyroïdien des bovins nécessitent la prise en compte des variations biologiques (voir tableaux). Toute maladie déprime la synthèse thyroïdienne. Il est donc essentiel, dans le cas de l’appréciation de l’apport iodé par le dosage de la thyroxinémie, d’effectuer des prélèvements chez quatre à cinq animaux sains, représentatifs de l’élevage. Dans le cas d’une thyroxinémie faible, « l’étude de l’apport alimentaire en iode et en sélénium, voire en zinc, s’impose », conclut Brigitte Siliart.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1201 du 12/11/2005 en pages 38-41.

  • (2) Mickaël Martin : « Evaluation du statut en iode et de la fonction thyroïdienne chez les bovins », thèse, Nantes 2006.

  • (3) Voir l’article en page 54.

Métabolisme des hormones thyroïdiennes

Le thyréocyte capte les iodures sanguins grâce à une pompe à iodures et les déverse dans la colloïde, où ils se concentrent et s’oxydent sous l’action d’une peroxydase.

Par ailleurs, ce même thyréocyte synthétise une glycoprotéine, la thyroglobuline, à partir d’acides aminés (thyrosine) du sang. Dans la colloïde, l’iode s’incorpore alors à la thyroglobuline sous forme de mono-iodo-tyrosine (MIT) et de di-iodo-tyrosine (DIT) qui se condensent ensuite, au sein de la molécule de thyroglobuline, en tri-iodo-thyronine (T3) et tétra-iodo-thyronine (T4). Ainsi, la colloïde constituée par la thyroglobuline dans la lumière des follicules représente la forme de stockage des hormones thyroïdiennes.

Lors d’une stimulation par la TSH, la colloïde (thyroglobuline iodée) est ensuite phagocytée par les cellules folliculaires où elle forme des gouttelettes de colloïde intracytoplasmiques appelées phagosomes. Des lysosomes migrent vers ces phagosomes pour former des phagolysosomes à l’intérieur desquels la thyroglobuline iodée est dégradée, libérant les hormones T3 et T4, ainsi que des iodotyrosines (MIT, DIT) résiduelles. Les iodothyronines T3 et T4 libérées sont ensuite déversées dans les capillaires sanguins. Les iodotyrosines résiduelles sont désiodées sur place et donnent d’une part de la tyrosine, qui regagne les capillaires sanguins et retombe dans le pool d’acides aminés circulants, d’autre part de l’iode minéral qui participe de nouveau au cycle de l’iode, soit en étant réutilisé sur place, soit en retournant dans le circuit sanguin.

Dans le sang, les hormones thyroïdiennes sont sous forme libre ou liée.

Seule une petite fraction (moins de 1 %) circule sous forme libre. La T4 libre (T4L) et la T3 libre (T3L) résultent de l’équilibre entre les hormones totales et leurs trois protéines porteuses dans la circulation. Les hormones libres sont les seules actives. La T3 est l’hormone active, la T4 étant plutôt une prohormone. Le réservoir de thyroxine liée dans le sang est important (environ mille fois les besoins).

C. B.-C.
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