La SCC a l’interdiction d’interdire l’otectomie - La Semaine Vétérinaire n° 1326 du 12/09/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1326 du 12/09/2008

Conseil d’Etat. Décision du 18 juin 2008

Actualité

Auteur(s) : Marine Neveux

Le Conseil d’Etat émet des réserves sérieuses sur l’autoritarisme de la Société centrale canine (SCC) en matière de coupe d’oreilles.

Tout commence le 8 août 2006, quand le président de la Société centrale canine (SCC), Gérard Arthus, diffuse une note interne destinée aux juges et aux présidents des clubs de races. Elle demande que tout chien essorillé soit écarté des activités cynophiles, y compris l’élevage et la confirmation, conformément à une décision de sa commission zootechnique. Un éleveur dépose alors un pourvoi en Conseil d’Etat. Le 18 juin dernier, ce dernier rejette les éléments avancés par la SCC pour expliquer sa décision. Les arguments des différentes parties dans ce dossier pourraient avoir des conséquences ultérieures.

Le Conseil d’Etat remet en question l’indépendance de la SCC

Une partie importante de la décision du Conseil d’Etat repose sur son interprétation du rôle dévolu à la SCC. Selon lui, elle assure une mission de service public à caractère administratif. Pour l’affirmer, il se fonde sur sa participation à la gestion du livre généalogique des races canines. Cela n’est pas anodin.

L’article D214-8 du Code rural précise qu’« il est tenu, pour les animaux de l’espèce canine, un livre généalogique unique, divisé en autant de sections que de races. Le livre est tenu par une fédération nationale agréée, ouverte notamment aux associations spécialisées par race. L’association spécialisée la plus représentative pour chaque race ou groupe de races, sous réserve qu’elle adhère à la fédération tenant le livre généalogique dans les conditions prévues par les statuts de ladite fédération, peut être agréée ». En outre, l’article 1er de l’arrêté du 20 mai 1994 portant agrément de la Société centrale canine stipule que cette dernière est agréée en qualité de fédération nationale chargée de la tenue du livre généalogique pour les animaux de l’espèce canine. Par ailleurs, le décret du 27 mars 1947 indique qu’elle « s’est vue confier par les pouvoirs publics la tenue du livre généalogique unique de l’espèce canine, dit Livre des origines françaises [Lof] ; qu’à ce titre, elle est chargée d’inscrire les chiens de race sur un fichier unique divisé en sections correspondant à chacune des races répertoriées et de veiller au respect de la réglementation en vigueur par les éleveurs et les propriétaires de ces chiens ». Le Conseil d’Etat rappelle que le Lof est bel et bien la propriété de l’Etat et qu’il est indissociable du livre de généalogie. Il fut un temps, sous une autre présidence, où la SCC affirmait le contraire.

Au vu de ces éléments, l’association spécialisée agréée est chargée de définir les standards de la race, ainsi que les règles techniques de qualification des animaux au livre généalogique, en accord avec la fédération qui tient ce dernier. A cela s’ajoute la nécessité de veiller au respect de la réglementation en vigueur. Aussi, la SCC doit-elle, plus que toute autre association, respecter strictement le droit et le faire appliquer. Le nœud du désaccord se situe à ce niveau. La SCC considère en effet que de simples décisions de sa commission zootechnique, entérinées par le conseil d’administration, suffisent à modifier les règles de fonctionnement et les récompenses liées à ses activités de sélection. Pourtant, le Conseil d’Etat rappelle également, aux termes de l’article R214 du Code rural et de ses alinéas, que les récompenses portées dans le pedigree sont indissociables de la mission de service public de tenue du livre généalogique. Il va jusqu’à évoquer la « puissance publique ». L’instance considère donc que la SCC ne peut aller au-delà du droit. Or la convention européenne sur le bien-être animal précise que seule l’otectomie à visée esthétique est interdite. Cela signifie de facto l’absence de fondement de la décision d’interdire l’otectomie de façon générale, sauf si le standard de la race incriminée exige, pour la confirmation, l’intégrité des oreilles du chien. Même à travers la délégation de service public, la SCC ne serait donc pas maîtresse chez elle. Une situation délicate.

La commission zootechnique se distingue… le ministère aussi !

Dans ces conditions, pourquoi la commission zootechnique a-t-elle fait entériner la généralisation de l’interdiction des chiens essorillés pour la confirmation, la présence dans les expositions et lors des épreuves de travail ? Cette erreur s’explique par le contexte dans lequel les décisions sont prises.

En premier lieu, les instances, les élus et les salariés de la SCC considèrent que le certificat vétérinaire qui permet la coupe d’oreilles est un certificat de complaisance. Cette méfiance de la certification vétérinaire n’est pas nouvelle et ne se limite pas à l’otectomie. La direction de la SCC a d’ailleurs interrogé le Conseil supérieur de l’Ordre sur sa validité. Ce dernier lui a répondu, le16 novembre 2005, que « le certificat produit par un vétérinaire, doit être, jusqu’à démonstration de faux, considéré comme un document probant », avant de rappeler que les praticiens qui émettent des faux s’exposent à des poursuites au-delà du cadre disciplinaire. Cela ne semble pas avoir convaincu la SCC.

En second lieu, le ministère de l’Agriculture a produit un courrier sans véritable vérification juridique lorsque la SCC l’a interrogé officiellement sur la position à adopter vis-à-vis des chiens essorillés, le 23 août 2005. Dominique Bussereau, alors à la tête du ministère, a en effet indiqué qu’il convenait d’appliquer l’article 10 de la convention européenne sur le bien-être animal, la SCC devant encourager ses membres à respecter l’interdiction totale d’exposition, de confirmation et d’épreuve de travail pour tout chien essorillé, donc quelle que soit la raison de l’otectomie. Mais à la suite de cet échange, l’association de défense du standard historique a interpellé le cabinet ministériel. Ce dernier a rectifié sa grossière erreur le16 avril 2007, en demandant à la SCC de prendre en considération l’article 10 de la convention européenne, donc de reconnaître les otectomies à des fins autres qu’esthétiques. Sur ces différentes bases, le Conseil d’Etat n’a eu qu’à rappeler le droit et à exiger que la SCC l’applique strictement. En outre, il considère qu’elle n’a pas à arbitrer en l’espèce. Il lui reproche de se substituer à ses propres décrets en généralisant l’interdiction de l’otectomie. L’absence de la publication de décrets du Conseil d’Etat précisant les mesures de nature à assurer la protection des animaux contre les mauvais traitements est en effet un autre élément du débat.

Au final, sans ouvrir de nouveau les discussions sur l’intérêt de l’otectomie, la SCC est condamnée pour avoir défini unilatéralement les limites de la pratique vétérinaire et décidé quand celle-ci devient un acte de mauvais traitement. Cette condamnation implique une situation plus délicate à l’avenir pour les vétérinaires qui rédigeaient des certificats de complaisance.

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