L’alimentation est un point clé de la reproduction des vaches laitières - La Semaine Vétérinaire n° 1326 du 12/09/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1326 du 12/09/2008

Reproduction bovine

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Paul Perié

La maîtrise de l’apport énergétique et azoté maintient les animaux dans un état corporel satisfaisant et favorise leur fertilité.

Les performances de reproduction des vaches laitières sont largement conditionnées par la qualité de la ration (apport énergétique et azoté), lors du tarissement comme au moment du pic de lactation. Ainsi, un déséquilibre alimentaire qui se produit plusieurs semaines avant le part peut grandement affecter la mise à la reproduction. Les journées nationales des Groupements techniques vétérinaires (GTV), organisées du 28 au 30 mai dernier à Nantes, ont été l’occasion, pour notre confrère Francis Enjalbert, de présenter l’impact des déséquilibres alimentaires sur les performances de reproduction et de proposer quelques mesures à mettre en œuvre pendant le péripartum.

Le déséquilibre de la ration se voit à l’état corporel des vaches

De nombreuses études soulignent l’influence de l’état corporel des vaches laitières après le vêlage sur leurs performances de reproduction. L’objectif est d’obtenir une note d’état corporel comprise entre 3 et 3,5 pour l’ensemble du troupeau, avec une perte inférieure à un point. Ainsi, l’état corporel doit être géré à moyen, voire à long terme. Idéalement, les vaches ont une note comprise entre 3 et 3,5 en fin de lactation et restent stables tout au long du tarissement.

L’amaigrissement des laitières durant la lactation conditionne leur fertilité. L’intervalle entre le vêlage et les premières chaleurs ou la première insémination est plus court chez celles qui présentent une perte d’état corporel inférieure à un point. Les animaux qui perdent plus d’un point et demi en deux mois courent davantage de risque de souffrir d’inactivité ovarienne. L’amaigrissement a aussi un effet plus ou moins marqué selon sa durée. Une vache qui perd plus d’un point en deux mois sera moins fertile, mais si cette perte se fait sur un mois, elle présentera 3,1 fois plus de risque d’être réformée pour infécondité. En outre, la maîtrise de l’amaigrissement est particulièrement délicate chez les vaches qui arrivent trop grasses au vêlage. Leur appétit est faible et elles ont tendance à fortement mobiliser leurs réserves. La possibilité d’une cétose subclinique est alors élevée et des troubles de la reproduction peuvent être observés. Du monopropylène glycol est alors envisageable pour prévenir la cétose et diminuer l’intervalle entre le vêlage et la première ovulation. Pour ces animaux, ou lorsque la ration est trop riche en énergie, un tarissement plus court, d’un mois, est envisageable. La mise à la reproduction est alors améliorée, mais avec un effet négatif sur la production de lait.

Une perte d’un point après le vêlage serait le seuil acceptable pour ne pas nuire aux performances de reproduction et permettre la reprise d’une activité ovarienne. Généralement, l’amaigrissement est d’ailleurs plus prononcé chez les vaches grasses au vêlage, qui présentent un état corporel supérieur à 3,5 ou 4. Une suralimentation pendant les mois qui précèdent le vêlage est donc à éviter. Les vaches hautes productrices ont un métabolisme hépatique de l’œstradiol et de la progestérone accru, ce qui aggrave les effets d’une mauvaise balance énergétique. Les rations qui privilégient les pics de lactation, riches en protéines, entraînent un amaigrissement post-partum parfois important.

Le retour en chaleur dépend du bilan énergétique

Par ailleurs, il n’est pas suffisant d’améliorer le bilan énergétique au moment de la mise à la reproduction pour accroître les performances. Il faut s’y prendre plusieurs semaines avant, car ses effets sont immédiats et différés. Le résultat d’une sous-alimentation lors du vêlage se voit durant les deux mois qui suivent. Les conséquences d’un bilan énergétique négatif sont immédiates, avec un risque accru de kystes ovariens, des chaleurs discrètes en raison d’un déficit en œstradiol, qui ne sont alors pas détectées ou trop tard, et une diminution de la progestéronémie. Mais les effets peuvent également être différés, en raison d’une altération folliculaire précoce. La libération d’acides gras non estérifiés par le tissu adipeux lors de déficit énergétique a aussi une répercussion négative sur le fonctionnement ovarien. Par conséquent, la date de la première insémination sera reculée et associée à un taux de réussite amoindri. Un important déficit énergétique doit être évité en début de lactation, de même qu’un excès azoté autour de la fécondation. Le dosage du D-hydroxybutyrate sanguin peut être utilisé afin de contrôler le déficit énergétique, le seuil de cétose subclinique étant de 1 mmol/l.

Les transitions alimentaires sont à effectuer avec soin

Une évolution lente de la composition de la ration est indispensable afin que les micro-organismes du rumen puissent s’adapter. Tout changement brutal au moment du vêlage est à proscrire, et l’adaptation doit concerner autant la nature des fourrages que la quantité de concentrés. En théorie, une transition à l’échelle individuelle sur trois semaines est souhaitable. Cependant, elle n’est pas réalisable sur le terrain. En fin de tarissement, les vaches reçoivent une ration contenant pour moitié le fourrage dominant des vaches en lactation. Des concentrés doivent être apportés avant le vêlage (jusqu’à 3 kg/j) pour couvrir les besoins de fin de gestation et de préparation de la production lactée, mais aussi pour assurer une évolution progressive de la ration. Ils peuvent être administrés individuellement ou sous forme d’un mélange de fourrages et de concentrés destiné aux vaches en lactation (6 kg MS/vache). En début de lactation, la quantité de concentrés est progressivement accrue, avec une augmentation maximale de 2 kg par semaine. Néanmoins, lorsqu’une transition alimentaire est difficilement réalisable, des adjuvants de prévention de l’acidose, comme le bicarbonate de sodium, peuvent être utiles.

L’excès protéique réduit les défenses immunitaires de l’utérus

Seules des carences en azote marquées et sur une longue période affectent les performances de reproduction. Cette situation est exceptionnelle en troupeau laitier. A l’inverse, les suralimentations protéiques, plus fréquentes, ont des conséquences importantes sur la fertilité.

Deux cas de figure sont possibles. Tout d’abord, un excès de protéines digestibles dans l’intestin (PDI), à la suite d’un apport important d’azote non dégradable, par des tourteaux tannés par exemple, stimule la production laitière et accroît donc le déficit énergétique des vaches en lactation. D’autre part, un apport excessif d’azote dégradable aboutit à une synthèse abondante d’ammoniac, transformé majoritairement en urée dans le foie. L’urée et l’ammoniac se concentrent dans les follicules et l’utérus. Des effets hormonaux, une augmentation de la synthèse des PGF2 et une diminution de la progestéronémie sont alors observés. Des conséquences directes sur l’utérus et les ovaires sont en outre à déplorer, avec une baisse du pH utérin, une maturation amoindrie des ovocytes, un effet cytotoxique sur l’ovocyte et l’embryon et, en dernier lieu, une baisse des défenses immunitaires qui retarde la guérison des métrites. Ainsi, l’excès d’azote non dégradable conduit à l’absence de fécondation ou à une résorption embryonnaire précoce avec un retour en chaleurs.

Cependant, d’après différentes études menées dans les pays riches en herbage (Irlande, Nouvelle-Zélande), les vaches laitières semblent capables, au bout de dix jours, de s’adapter à une ration riche en azote. Ainsi, les excès azotés sur de longues périodes n’auraient pas autant de conséquences négatives que les études expérimentales paraissent le montrer.

Les vaches ont aussi besoin d’oméga 3 et d’oméga 6

Des excès azotés importants sont fréquemment observés chez les vaches au pâturage au printemps ou à l’automne. Ils sont alors transitoires. Ceux observés avec des rations à base d’ensilage d’herbe mal conservé sont plus discrets et leur durée dépend de la quantité d’ensilage en stock. Dans ce cas, l’adjonction de tourteaux tannés permet de limiter l’excédent d’azote dégradable. Un surplus d’azote peut être mis en évidence par le dosage de l’urée dans le lait. Néanmoins, il est impossible de déterminer s’il s’agit d’un excès d’azote dégradable ou non dégradable.

Bien que l’addition de matières grasses dans la ration soit souvent préconisée pour accroître les performances de reproduction, elle n’améliore pas le bilan énergétique des vaches, car l’ingestion globale diminue, alors que la production laitière augmente. L’intérêt d’apporter des lipides est d’accroître la sécrétion de progestérone et de conduire à de plus gros follicules et un plus gros corps jaune. Il faut alors préférer des acides gras polyinsaturés. L’acide linolénique, présent en abondance dans le lin, a un effet plus marqué que celui contenu dans le soja et le tournesol. En outre, une augmentation du ratio oméga 3 (acide linolénique)/oméga 6 (acide linoléique) pourrait diminuer la sécrétion de PGF2, donc les risques de régression du corps jaune. Malgré tout, d’autres études sont nécessaires pour confirmer l’intérêt d’apporter de l’acide linoléique dans la ration.

Ainsi, un déséquilibre alimentaire est particulièrement néfaste sur les performances de reproduction, de même que toute affection infectieuse ou métabolique. Une bonne conduite alimentaire, en termes énergétiques comme azotés, et le respect des transitions alimentaires sont indispensables pour aboutir à l’objectif d’un veau par vache et par an.

CONFÉRENCIER

Francis Enjalbert, enseignant chercheur à l’école vétérinaire de Toulouse (service d’alimentation), diplomate de l’European College of Veterinary and Comparative Nutrition (ECVCN).

Article rédigé d’après la conférence « Physiopathologie des relations alimentation et reproduction et conséquences sur la gestion de l’alimentation en péripartum », présentée dans le cadre du congrès des GTV organisé à Nantes du 28 au 30 mai 2008.

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