Le phlegmon interdigité, ou panaris, s’observe le plus souvent après la mise bas - La Semaine Vétérinaire n° 1324 du 29/08/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1324 du 29/08/2008

Affections podales des bovins

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Karim Adjou

Cette affection douloureuse a toujours des conséquences économiques importantes en troupeau laitier qui justifient une intervention précoce.

Le panaris (Phlegmona interdigitalis) est une infection nécrosante aiguë ou subaiguë des tissus mous sous-jacents de l’espace interdigité, qui prend son origine dans le derme. En effet, elle est due à la pénétration accidentelle, à travers la peau interdigitée lésée, de germes pathogènes qui provoquent une inflammation diffuse de cette zone avec une boiterie sévère d’apparition brutale.

Le panaris est très répandu, il serait même la deuxième maladie podale pour laquelle le vétérinaire est appelé aux Etats-Unis. Il concerne les membres postérieurs dans 75 % des cas. Une forme grave, dite “super foul”, est apparue en 1993 dans les élevages laitiers américains. Elle est caractérisée par une atteinte d’évolution rapide et sévère, plus difficile à soigner.

Le panaris peut toucher le bovin quels que soient son sexe et son âge, mais il est plus fréquemment observé au cours des cinquante premiers jours qui suivent la mise bas. Toutes les races y sont sensibles, même si les laitières sont plus souvent atteintes que les races à viande. Cette affection du pied est douloureuse pour l’animal, mais à des degrés variables. Ses conséquences économiques sont en outre importantes. Une chute des performances zootechniques (diminution de la production de lait et chute de poids) est toujours notée lors de l’infection. D’ailleurs, la production laitière ne retrouve pas toujours son niveau initial après la guérison. De plus, le panaris est généralement traité tardivement, ce qui engendre des pertes économiques en raison du coût de l’antibiothérapie, et du retrait du lait et de la viande pendant le délai d’attente.

Le traumatisme mécanique initial est aggravé par les conditions d’élevage

Les bactéries responsables de l’infection pénètrent par inoculation dans les tissus sous-cutanés à la suite de légers traumatismes. Le germe le plus isolé dans le cas du panaris est un bacille Gram négatif anaérobie. Il s’agit du bacille de la nécrose Fusobacterium necrophorum, présent dans 93 % des prélèvements. Pour certains auteurs, il agirait seul, pour d’autres, son action se ferait en synergie avec d’autres germes. J.N. Berg et C.L. Franklin, de l’université du Missouri aux Etats-Unis, isolent de manière constante Fusobacterium necrophorum associé à Porphyromonas levii (par exemple Bacteroïdes melaninogenicus). L’inoculation de ces deux bactéries dans la peau interdigitée provoque constamment des lésions typiques de panaris, alors que l’inoculation d’autres germes n’induit pas toujours le panaris.

D’autres germes sont également incriminés, comme Spirochaeta penorthe, Bacteroïdes sp., Streptococcus sp., Staphylococcus sp. Toutes ces bactéries sont présentes normalement dans l’environnement des animaux (pâtures, fumiers, litières, lisiers, etc.). Dans le cas du “super foul”, Fusobacterium necrophorum est toujours associé à Prevotella melaninogenica.

Les facteurs de risque déterminants du traumatisme mécanique obligatoire dans cette affection sont multiples : chaumes, pierres, briques, ardoises sur les chemins, fétus de paille, boue séchée ou gelée, tout objet vulnérant (clou, fil de fer, aiguilles, lames, barbelés, etc.).

Les facteurs favorisants sont relatifs aux conditions d’hygiène générale des sols : faible fréquence des curages et des raclages, défaut de paillage, aires humides contaminées par les germes. Selon certains auteurs, Fusobacterium necrophorum est capable de survivre jusqu’à dix mois dans l’environnement, surtout sur des sols basiques, car le pH alcalin favorise la croissance de la bactérie.

En outre, la sécheresse et l’humidité sont des facteurs qui favorisent le développement du phlegmon interdigité, ainsi que les carences alimentaires comme celles en zinc et/ou en vitamine A.

Une douleur intense est toujours associée à la boiterie

Le tableau clinique est dominé par l’apparition d’une boiterie brutale, qui ne concerne en général qu’un seul membre, le plus souvent un postérieur (voir photo 1). L’affection est presque toujours sporadique, même si plusieurs animaux sont parfois atteints simultanément dans certaines conditions météorologiques. La douleur est intense, à l’appui, au repos, comme en mouvement. Ces boiteries sont parfois observées lors d’autres affections infectieuses localisées au niveau des pieds des bovins (voir tableau 1).

Le pied est posé en avant et sur la pointe des onglons, avec le boulet tenu fléchi. Une enflure chaude est visible sur toute la couronne, voire sur le paturon (voir photo 2). Elle se répartit uniformément entre les deux doigts et peut gagner le boulet. Les onglons sont écartés. La peau interdigitée apparaît exsudative et présente des fissures. A l’examen clinique, une hyperthermie est souvent notée (39,5 à 40° C).

Dans le cas du “super foul”, toutes les lésions décrites pour le panaris sont identiques, mais d’emblée plus marquées. En effet, cela correspond à une forme suraiguë de panaris. La nécrose est présente dès la douzième heure après le début de l’exsudation. Après vingt-quatre heures d’évolution, la fissure de l’espace interdigité apparaît et des tissus nécrotiques font protrusion. La plaie qui résulte de la nécrose est profonde et peut ainsi entraîner des ténosynovites, des arthrites et des ostéites. Ces signes cliniques s’accompagnent d’une chute brutale de la production laitière et d’un amaigrissement important.

Le pronostic du panaris est favorable si la thérapie est précoce, si possible dès le premier jour d’évolution. Si l’application du traitement est tardive, des troubles graves s’installent, parfois définitifs (ténosynovites, ostéites, voir tableau 2).

Un phénomène individuel qui peut s’étendre, selon les conditions d’élevage

Plusieurs bovins d’une même exploitation peuvent présenter un phlegmon interdigité sur une courte période. Cela résulte de conditions favorables à la transmission de Fusobacterium necrophorum et aux blessures de la peau interdigitée. Généralement, la mise en pâturage des bovins dans des conditions humides (pluies abondantes et sols meubles, automne) prédispose à l’érosion de la peau interdigitée et augmente la fréquence des panaris dans les élevages. De même, les parcours à risque (roches en silex dans des zones boueuses, par exemple) et la sécheresse des terrains favorisent la transmission de l’infection dans les plaies, d’un individu à l’autre. Le mélange des animaux d’origines différentes et le changement d’environnement peuvent aussi prédisposer à cette affection. En outre, des flambées de panaris sont parfois observées dans des troupeaux laitiers après des perturbations métaboliques graves liées à un défaut de transition au cours de changement de la source énergétique de la ration : le bacille de la nécrose a été isolé dans cette situation.

Une antibiothérapie systémique est associée aux soins locaux

Le traitement du phlegmon interdigité est local et général. Dès l’apparition de la boiterie, il faut lever le pied(1), le nettoyer à l’eau savonneuse, évaluer les lésions, extraire les corps étrangers et éliminer les tissus nécrosés. Un spray antibiotique est appliqué en cas de lésions. Lors d’ulcère profond accompagné d’une grosse inflammation, des bains antiseptiques et décongestionnant sont utiles : le pied est placé dans un sac contenant une solution sodée (50 g de carbonate de soude dans 10 l d’eau tiède). Un traitement par voie générale est toujours indispensable. Le recours aux antibiotiques est la règle. Le choix se fera selon le délai d’attente : chez une vache laitière produisant plus de 15 à 20 l de lait, il est économiquement rentable de choisir des temps d’attente nuls. Le même raisonnement est valable pour un animal proche de l’abattage. En général, les cas modérés ne nécessitent qu’un jour de traitement, alors que les plus sévères réclament au moins trois jours. Dans le cas particulier du “super foul”, une intervention précoce, avec de fortes doses antibiotiques durant quatre à cinq jours, sera nécessaire.

A l’heure actuelle, il n’existe pas de vaccins pour le panaris. Si des cas répétés se produisent, il convient de retirer, si possible, les animaux des zones à risque, d’éliminer les objets traumatisants, de drainer les passages humides, d’améliorer les conditions d’hygiène, d’augmenter le paillage en stabulation libre, de répandre du superphosphate de chaux sur la litière pendant sept jours par mois et de faire passer les animaux dans un pédiluve.

  • (1) Voir Le Point Vétérinaire, n° 285, 2008, M. Delacroix : « Lever le membre pour le parage du pied ».

POUR EN SAVOIR PLUS

• Grasmuck Nora : Diagnostic différentiel des maladies podales des bovins, thèse vétérinaire, ENV d’Alfort, 2005.

• Radostits Otto : Herd health, W.B. Saunders, Philadelphia, 2001.

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