La reprise virulente fait écho à un rapport sénatorial - La Semaine Vétérinaire n° 1324 du 29/08/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1324 du 29/08/2008

Fièvre catarrhale ovine. Les dysfonctionnements pointés du doigt

Actualité

Auteur(s) : Stéphanie Padiolleau

L’étude demandée par la commission des finances du Sénat met en lumière la gestion incertaine de cette crise sanitaire majeure.

La sénatrice Nicole Bricq a rendu son rapport d’information sur la gestion de l’épizootie de fièvre catarrhale ovine(1) cet été. Outre l’étude des stratégies sanitaire et financière, il met l’accent sur les différences entre les deux sérotypes et les difficultés sur le terrain.

L’efficacité de la vaccination ne sera pas ressentie cette année

Le plan de vaccination choisi, sans faire l’objet de critiques de la part de la sénatrice, reste un sujet controversé. « La priorité a été donnée aux enjeux politiques et économiques, s’opposant ainsi à l’approche scientifique développée par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), souligne Nicole Bricq. La première campagne de vaccination ne sera pas pleinement efficace, en raison de son caractère facultatif, mais surtout à cause d’un manque de cohérence entre le calendrier vaccinal et les contraintes liées à l’élevage », sans oublier l’impossibilité de terminer les vaccinations avant la reprise d’activité du vecteur.

Consciente que le ministère de l’Agriculture a opté pour une vaccination facultative en raison des délais de mise à disposition des doses vaccinales, la sénatrice souligne toutefois qu’« une vaccination obligatoire aurait pu être possible si elle avait été ciblée sur certaines zones géographiques », comme le conseillait l’Afssa. Il s’agissait de procéder à la vaccination de tous les animaux sensibles des zones indemnes en bordure du front observé fin 2007. La barrière immunitaire, créée avant la reprise d’activité du vecteur, serait peut-être parvenue à bloquer la descente du sérotype 8 vers le sud. Aucune stratégie ne semble avoir été efficace cette année. Le sérotype1, que la vaccination obligatoire devait arrêter, se répand. Après les Landes, les Pyrénées-Atlantiques et le Gers – des départements pourtant vaccinés – la Haute-Garonne, l’Ariège et l’Aude sont maintenant touchés et contraints à une vaccination d’urgence.

« La problématique posée par le sérotype 8 est différente de celle du 1 »

L’arrivée du sérotype 1, imputable au réchauffement climatique, était prévisible. Ses effets auraient pu être minimisés, « En raison de sa moindre diffusion, de la manifestation plus réduite des symptômes chez les bovins et de l’existence d’un vaccin ». Lesérotype8en Europe et en France suit un schéma bien différent. En raison de son origine accidentelle, due aux activités humaines et à la multiplication des échanges, son apparition était imprévisible, de même que son évolution. Il a surpris par sa rapidité et son ampleur, contraignant les autorités à prendre des mesures d’urgence selon les moyens existants. Cependant, le manque de lisibilité des décisions, les constantes modifications, le traitement difficile des données et l’absence d’anticipation sont réels et regrettables. La logistique, lourde, supportée par les Directions départementales des services vétérinaires (DDSV), ainsi que l’organisation pénible sur le terrain en raison des annonces ambiguës pour les éleveurs et les vétérinaires ont aussi compliqué et ralenti la mise en place d’une politique de protection efficace.

A l’échelon européen, c’est un peu chacun pour soi, car les pays ont un statut sanitaire différent vis-à-vis de la blue tongue, dont les manifestations cliniques ne concernent que dix Etats. Le rapport épingle le manque de coordination et d’échange d’information entre les Etats membres, ainsi qu’entre l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) et les agences de sécurité sanitaire nationales. Si ce type de crise se renouvelle, comme le prévoit l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), une amélioration nette dans l’anticipation, la prévention et la gestion est nécessaire de toute urgence.

Le calendrier vaccinal ne correspond pas à la réalité de l’épizootie et de l’élevage

La preuve de l’inadéquation entre le calendrier et la réalité de terrain est donnée cet été. L’épizootie connaît un regain rapide et plus virulent, avec un mois d’avance par rapport à l’an passé. Dès la deuxième semaine de juillet, les premiers cas cliniques sont confirmés dans de nombreux départements le long de la ligne de front(2), avec une concentration au centre et à l’est, dans l’Allier, la Saône-et-Loire, le Cher, mais également plus à l’ouest, dans l’Eure, la Sarthe ou encore la Seine-Maritime. Simultanément, une recrudescence des cas de sérotype1 est notée(2) dans les Landes et les Pyrénées-Atlantiques, alors que la vaccination y est obligatoire et devait être réalisée avant le 30 juin. Certains animaux n’ont pas le temps de développer une immunité avant la reprise de l’activité virale, d’autres passent entre les mailles du filet vaccinal. Un communiqué de la préfecture des Landes, daté du 5 août dernier, invite d’ailleurs les détenteurs de ruminants non encore vaccinés à se mettre en règle. Les foyers de sérotype1 qui se multiplient sont aussi liés à la négligence ou à l’ignorance de la réglementation par certains possesseurs de petits ruminants qui, en tant que non-professionnels, n’assimilent pas toujours les trois brebis gardées pour tondre le pré à des animaux d’élevage et passent au travers du filet sanitaire.

La reprise d’activité du vecteur a pris de vitesse l’immunisation des animaux

Dans certains départements du centre du pays, les cas cliniques apparaissent dans les jours qui suivent la première injection du vaccin, ruinant les espoirs des éleveurs et le travail des vétérinaires. Cela ne diminue pas pour autant les tensions entre eux. Les doutes et les interrogations se multiplient, et les praticiens, en l’absence de données, ont parfois des difficultés à y répondre. Il est en effet légitime de s’interroger sur l’intérêt d’une vaccination, alors que les cas cliniques augmentent, concernant des animaux peut-être déjà en phase d’incubation. L’innocuité des vaccins semble largement prouvée dans les régions où la vaccination a eu lieu, mais l’effet sur des animaux en incubation reste à étudier, ainsi que les conséquences à long terme. Par ailleurs, quelle protection attendre du vaccin dans de telles conditions, lorsque l’infection se déclare entre la vaccination et l’instauration de l’immunité ? Heureusement, de nombreux départements ont pu procéder à la vaccination avant la reprise de l’activité vectorielle. Dans le cas contraire, peut-être le vaccin lui-même aurait-il été mis en cause !

Parmi ces difficultés, un point positif est à souligner. Jusqu’à présent, les cas cliniques sont apparus dans des élevages ou chez des animaux non encore vaccinés ou vaccinés depuis trop peu de temps pour avoir développé une immunité. Il n’y a pas eu, pour le moment, de cas clinique chez des bovins vaccinés et immunisés. En l’absence de données expérimentales sur l’efficacité du vaccin, les résultats de terrain sont particulièrement encourageants et devraient contribuer à rassurer les professionnels de l’élevage.

  • (1) http://www.senat.fr/noticerap/2007/r07-460-notice.html

  • (2) D’après la Direction générale de l’alimentation.

Un manque d’anticipation budgétaire

Le budget prévisionnel est établi en début d’année n - 1. Or, début 2006 comme début 2007, il était impossible de prévoir une telle crise. C’est l’explication du ministère de l’Agriculture pour justifier la sous-budgétisation de l’épidémie de blue tongue depuis 2006, et notamment cette année, car celle-ci n’a pas été identifiée comme un « risque budgétaire majeur ». 1,45 million était prévu l’an passé et 6,5 millions supplémentaires cette année, alors que la facture dépasse 50 millions. Pourtant, début 2007, les difficultés rencontrées par nos voisins européens étaient connues et l’épizootie déjà fulgurante.

Prévoir une crise en France, au moins dans le budget prévisionnel, aurait probablement simplifié la gestion globale de la situation actuelle. Le financement reste donc un sujet de préoccupation, même si « la participation de l’Union européenne devrait couvrir 50 % des frais d’achat et de réalisation des vaccins, dans le cadre de la vaccination d’urgence en 2008 », indique Nicole Bricq. La vaccination devenant obligatoire, bien que ses modalités demeurent inconnues, cette participation se réduira à l’enveloppe budgétaire annuelle, perdant ainsi son caractère de contribution au titre de « vaccination d’urgence ». Une douloureuse question va donc se poser : qui payera quoi ?

S. P.

COMPLÉMENT MULTIMÉDIA

Une carte de l'évolution de l'épizootie est disponible sur le site www.wk-vet.fr, rubrique “Semaine Vétérinaire” puis “Complément d'articles”.

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