Francis Schneider assure le suivi médical des tortues du centre de recherche Kélonia - La Semaine Vétérinaire n° 1322 du 04/07/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1322 du 04/07/2008

L’observatoire des tortues marines de La Réunion (Saint-Leu)

Éclairage

UNE JOURNÉE À…

Une matinée passée au chevet des tortues en compagnie de notre confrère met en lumière les menaces quotidiennes qui pèsent sur ces hôtes paisibles de l’océan Indien.

Il est seulement 7 h du matin, et même à plus de 10 000 km de la métropole et des bouchons parisiens, nous sommes pratiquement à l’arrêt dans une longue file de voitures embouteillées aux portes de Saint-Leu. Les Réunionnais ont appris à vivre avec une circulation difficile et c’est avec un sourire compréhensif que nous sommes accueillis par Stéphane Ciccione, directeur de Kélonia, observatoire à vocation pédagogique et centre de recherche. Francis Schneider (A 85) a déjà commencé sa visite et, lorsque nous le rejoignons, il est en train de passer en revue les animaux avec Eric, le soigneur.

Situé directement sur le littoral, Kélonia héberge actuellement soixante-trois tortues marines (Chelonioidea). Trois espèces sont représentées : les tortues vertes (Chelonia mydas), les caouannes (Caretta caretta) et les tortues carets (Eretmochelys imbricata). Une partie des animaux sont logés dans des aquariums accessibles au public. Le centre de soins comporte quant à lui plusieurs bassins : une quinzaine d’entre eux, individuels, accueillent les tortues en suivi médical ou chirurgical. Trois autres grands bassins collectifs sont dédiés à la convalescence, à l’observation et à la reproduction. Dans un bâtiment mitoyen, un laboratoire bien équipé permet de réaliser diverses interventions sur les animaux. De par sa situation et la compétence de son équipe, Kélonia a peu à envier à ses homologues américains.

Les tortues marines sont surtout malades de l’homme

Le premier animal examiné est une tortue caouanne, arrivée plusieurs semaines auparavant pour le retrait d’un hameçon planté en partie distale de l’œsophage. L’exérèse s’est déroulée sans complication notable. Aujourd’hui, le contrôle de la plaie opératoire confirme la bonne cicatrisation. Une balise Argos sera fixée sur la carapace de l’animal, qui pourra bientôt être remis en liberté. Comme le souligne notre confrère, « il n’est pas rare que des tortues nous soient amenées suite à leur prise accidentelle dans un filet ou à une blessure due à un hameçon ». A cela s’ajoute la menace des déchets flottants tels que les sacs en plastique, dont la ressemblance avec les méduses est la cause de leur ingestion accidentelle par les tortues, avec pour conséquence fréquente une occlusion digestive.

Un corps étranger sera fatal une tortue verte

Après l’examen des autres pensionnaires du centre de soins, une autopsie est au programme de Francis Schneider. Il s’agit d’une tortue verte femelle, morte récemment après une longue période d’anorexie. Le corps de l’animal, qui pèse environ 120 kg, est retourné dorsalement et le plastron est découpé pour permettre l’examen des organes internes. Malgré un amaigrissement global dû au jeûne prolongé, les réserves graisseuses naturellement grisâtres ne semblent pas anormalement réduites. Le passage en revue des différents organes révèle une hypertrophie du rein droit, un œdème pulmonaire et la présence d’un diverticule en partie cardiale de l’œsophage. L’ouverture de ce dernier met alors en évidence une occlusion due à un morceau de bois.

Cette découverte trouble Stéphane Ciccione et Eric, car le contrôle permanent des bassins est normalement censé exclure toute pollution de ce type. En réalité, la lenteur naturelle du transit digestif des tortues (quelques jours à plusieurs semaines) amène rapidement le clinicien à orienter ses questions sur une période bien antérieure à l’apparition des troubles. En quelques échanges, l’épisode de forte houle survenu un an auparavant apparaît comme la clé du décès. Des vagues anormalement hautes, dont certaines dépassaient 10 m, avaient alors submergé le littoral et les bassins du centre en juin 2007, charriant nombre de débris. Omnivore, la tortue avait ingéré accidentellement l’un d’entre eux.

Le rapport d’autopsie est rédigé sur place. Il est presque midi. Francis Schneider quitte le centre, car il est déjà attendu dans un élevage de volailles.

POUR EN SAVOIR PLUS

Quelques liens utiles parmi une foisonnante bibliographie :

• http://www.kelonia.org/tortues-marines/ocean-indien. html

• http://fr.wikipedia.org/wiki/Tortue_marine

• http://www.guadeloupe.ecologie.gouv.fr/pagepnsp/page_marin/especesproteges/tortues.htm

De la ferme Corail à Kélonia

Fondée à Saint-Leu en 1977 sous l’impulsion de l’Institut des Pêches, la ferme Corail est à l’origine un élevage “en ranch” à vocation commerciale. Lorsqu’en 1994, le ministère de l’Environnement décide d’arrêter l’élevage commercial des tortues marines, un moratoire est mis en place pour permettre la reconversion de la ferme. La région Réunion décide alors de transformer le ranch en un établissement de recherche et de sensibilisation. Kélonia est inauguré le 18 août 2006.

C. L. S.
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