Lors de dermatite atopique, traiter signifie désensibiliser - La Semaine Vétérinaire n° 1319 du 13/06/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1319 du 13/06/2008

Dermatologie

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Bénédicte Gay-Bataille

Fonctions : consultante en dermatologie, Saint-Martin Bellevue(Haute-Savoie).

La sélection des allergènes à injecter dans le cadre d’une immunothérapie spécifique est une étape déterminante, permise par les tests allergologiques.

Deux écoles existent pour qualifier l’étiopathogénie de la dermatite atopique : la première la définit comme un défaut primaire d’altération de la barrière cutanée, la seconde comme une déviation primitive du système immunitaire. Une dermatite atopique intrinsèque est évoquée lorsque des signes cliniques sont présents et s’accompagnent d’une production d’IgE. La forme extrinsèque correspond en revanche à la présence de signes cliniques sans possibilité de mettre en évidence des IgE. L’immunothérapie spécifique reste la pierre angulaire du traitement de la dermatite atopique(1).

Plusieurs théories expliquent le mécanisme d’action de l’immunothérapie spécifique

Le, ou plutôt les mécanismes réels d’action de la désensibilisation demeurent inconnus, mais plusieurs théories sont avancées. La première est que les anticorps, dont les taux augmentent au cours de l’immunothérapie, agiraient comme des anticorps “bloquants”, en pontant les sites récepteurs aux antigènes sur les mastocytes et les basophiles. Selon la deuxième hypothèse, le processus de réaction retardée lors d’hypersensibilité serait inhibé par la désensibilisation, entraînant une baisse du nombre d’éosinophiles et des médiateurs qu’ils synthétisent, ainsi que des lymphocytes CD 4. La troisième théorie est l’inhibition de la réactivité des organes cibles. L’induction d’une tolérance lymphocytaire est également avancée : les lymphocytes T (et non les B) deviendraient anergiques vis-à-vis de l’allergène. La dernière des suppositions, selon laquelle certaines chimiokines seraient induites par la désensibilisation, permet d’expliquer également les bons résultats obtenus avec un processus accéléré.

Le choix des allergènes conditionne la réussite de la désensibilisation

La vaccination anti-allergènes, autre terme utilisé pour désigner la désensibilisation ou l’immunothérapie spécifique, a pour principe l’administration régulière d’extraits allergéniques auxquels l’animal est allergique. Le traitement débute avec une dose très faible, puis la posologie est augmentée progressivement jusqu’au maximum.

Les aéro-allergènes les plus importants chez le chien et le chat sont les acariens des poussières, les acariens de stockage, les moisissures et les pollens. Les extraits d’aéro-allergènes utilisés en médecine vétérinaire sont des extraits retards à usage humain, adsorbés sur du phosphate de calcium ou sur de l’hydroxyde d’aluminium.

Le choix correct des allergènes est l’un des éléments qui permet de garantir une meilleure efficacité de la désensibilisation. Il s’est considérablement affiné, notamment en raison de leur purification, de leur standardisation, mais aussi grâce à la possibilité d’opter pour des allergènes modifiés ou recombinants. Plutôt que d’utiliser des poussières de maison, véritables nids d’acariens, ou encore des mélanges d’allergènes, il est possible de sélectionner des matières premières, de produire les allergènes in vitro pour éviter les contaminations, ou encore d’extraire différentes souches de moisissures. Afin de tester un maximum de déterminants antigéniques, et pour disposer d’allergènes standardisés, ceux-ci sont généralement comparés avec des extraits de référence (par la réalisation de tests cutanés). Pour stabiliser au mieux les extraits, il est conseillé d’éviter le stockage des allergènes dans des seringues en plastique et de garder une température de conservation constante.

Les tests cutanés permettent de choisir des allergènes adaptés

La sélection des allergènes à inclure dans le flacon est une étape déterminante. Elle se fonde sur les tests allergologiques, les intradermoréactions et le dosage des IgE spécifiques. Ce choix est l’élément majeur pour optimiser les résultats futurs. Les tests cutanés sont effectués dans cette optique, et non dans le but d’établir un diagnostic de dermatite atopique, ce dernier étant clinique. Les tests cutanés constituent la référence pour identifier les allergènes responsables, s’ils sont mis en œuvre correctement et en particulier si tout est fait pour limiter les faux positifs.

Le praticien ne doit pas inclure tous les allergènes responsables d’une sensibilisation. Il retient ceux pour lesquels les symptômes sont compatibles avec leur présence dans l’environnement, et pour lesquels toute éviction est impossible. Une enquête minutieuse est donc nécessaire pour sélectionner tous les allergènes pertinents dans l’historique clinique du chien. Désensibiliser un animal à l’aulne s’il vit dans le sud de la France et ne voyage jamais est inutile !

La réponse clinique à la désensibilisation est spécifique. Si les allergènes sont choisis de façon arbitraire, par exemple Dermatophagoides farinae et Dermatophagoides pteronyssimus qui sont le plus souvent incriminés, les chances de succès sont moindres.

Aucune étude contrôlée ne permet de valider objectivement l’intérêt de la désensibilisation. L’obtention d’un résultat thérapeutique nécessite en moyenne six mois. Cela peut être rapide (trois mois) mais, a contrario, il faut parfois attendre dix-huit mois. En pratique, 50 à 85 % des animaux présentent une amélioration significative des symptômes après neuf à dix-huit mois : espacement entre les crises, extension moins importante des lésions, diminution de leur intensité, épargne médicamenteuse, etc.

A l’avenir, la désensibilisation s’orienteravers de nouveaux protocoles

Il existe un consensus selon lequel les résultats seraient meilleurs avec des pollens plutôt qu’avec des acariens. Par ailleurs, une sensibilisation concomitante aux insectes serait un facteur défavorable. Certaines races présenteraient en outre de meilleures réponses (golden retriever) comparées à d’autres (westy, boxer, bichon). Une chose est certaine : les meilleurs résultats obtenus en désensibilisation sont corrélés à un niveau de connaissance élevé du vétérinaire prescripteur, un choix correct des allergènes (réalisation des tests et sélection des allergènes à inclure) et un suivi au long cours régulier et motivé de l’animal.

La désensibilisation s’orientera-t-elle à l’avenir vers des protocoles simplifiés, accélérés (rush-thérapie) ? Sera-t-elle sublinguale ou orale ? Fera-t-elle appel à des allergènes recombinants ? Il reste aussi à déterminer les allergènes majeurs chez le chien…

La désensibilisation reste le seul traitement étiologique de la dermatite atopique

La désensibilisation a été critiquée, notamment en allergologie médicale, en raison d’une absence de standardisation et de purification des allergènes. Ces dernières années, les avancées dans ce domaine ont été importantes. L’immunothérapie spécifique demeure aujourd’hui le seul traitement spécifique et étiologique de la dermatite atopique. Efficace et représentant une épargne médicamenteuse, elle pourrait mener à la “guérison” dans 10 % des cas d’allergie.

  • (1) « Canine atopic disease » in : C.E. Griffin, K.W. Kwochka, R.W. Mc Donald, Current Veterinary Dermatology, 1993,Mosby Year Book, St Louis, pp. 99-120.

Questions fréquentes

• A partir de quel âge désensibiliser ?

Les effets semblent plus probants chez les jeunes animaux. Il est déconseillé de désensibiliser après l’âge de dix ans.

• Faut-il désensibiliser avec plusieurs extraits les chiens qui présentent une polysensibilisation ?

Théoriquement, le risque est de diluer de façon excessive la concentration en allergènes, entraînant une perte en allergénicité. Mais au final, rien ne prouve que ces mélanges nuisent à l’efficacitéde la désensibilisation, hormis le mélange moisissures-pollens (les protéases des premières détruisent l’antigénicité des seconds).

• Combien d’allergènes faut-il choisir ?

Auparavant, il était empiriquement conseillé de ne pas retenir plus de dix allergènes par flacon. En France, le problème ne se pose plus : un flacon de désensibilisation ne peut associer plus de quatre allergènes.

• Faut-il inclure les acariens de stockage ?

Il existe une controverse sur leur rôle précis et leur implication clinique. En l’absence de plus amples précisions, il est conseillé de les inclure.

• Peut-on utiliser les corticoïdes pendant la désensibilisation ?

Un traitement symptomatique concomitant est souvent nécessaire en début de désensibilisation, tant que son effet n’est pas observé. Aucun argument ne s’oppose à l’utilisation raisonnée des corticoïdes dans le cadre de la gestion au long cours du chien atopique, à partir du moment où cela ne gêne pas l’épreuve diagnostique d’allergie alimentaire par un régime d’éviction ou l’observation des effets d’épargne médicamenteuse de l’immunothérapie.

• Combien de temps faut-il désensibiliser ?

Le risque de rechutes à l’arrêt du traitement est élevé, même s’il a été long. Il est donc préférable de le poursuivre à vie, en raison de la quasi-innocuité à long terme.

• Faut-il modifier la composition en allergènes au fur et à mesure des années ?

Si l’animal est bien contrôlé, cela n’est pas nécessaire. En revanche si l’animal, correctement contrôlé pendant les deux premières années de sa désensibilisation, présente une récurrence de certains des symptômes associés à la dermatite, il est souhaitable de réitérer les tests cutanés et d’ajuster la composition du mélange d’allergènes selon les résultats. En effet, une évolution de la sensibilité de l’organisme aux allergènes environnementaux peut exister.

• Faut-il parler aux propriétaires de probables effets secondaires ?

Une intensification des signes cliniques peut être observée dans les heures qui suivent l’injection. Ces réactions syndromiques sont peu fréquentes (5 à 20 % des cas) : érythème et/ou prurit dans les deux jours. Les chocs anaphylactiques existent chez l’homme, mais aucun cas de choc mortel n’est rapporté dans la littérature vétérinaire. Des réactions locales sont constatées, et sans conséquence, dans 10 % des cas (nodule, œdème).

B. G.-B.
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