Les phénomènes moléculaires varient en phase précoce de mammite aiguë ou subclinique - La Semaine Vétérinaire n° 1318 du 06/06/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1318 du 06/06/2008

Pathologie mammaire

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Stéphanie Padiolleau

Les réactions locales de défense immunitaire, induites par E. coli, sont rapides et violentes en raison de la présence plus longue du germe dans les quartiers infectés.

Les mammites constituent toujours l’une des affections majeures en élevage laitier et sont à l’origine de lourdes pertes économiques. Les germes pathogènes responsables sont majoritairement des bactéries (Staphylococcus aureus, Escherichia coli), puis des levures ou des champignons.

Les colibacilloses mammaires ont souvent des conséquences cliniques sévères, parfois mortelles. Les staphylocoques, quant à eux, provoquent des troubles moins graves, qui évoluent sur un mode chronique, avec peu (ou pas) de symptômes cliniques apparents, associés à une détection dans le lait intermittente, malgré un taux de cellules parfois important.

Zoom sur les vingt-quatre heures qui suivent l’inoculation d’E. coli ou S. aureus

De nombreuses expérimentations ont été conduites, lors de mammites d’origine naturelle ou induite, pour étudier les changements de la composition du lait, le temps d’apparition des effecteurs cellulaires dans le lait et leur capacité fonctionnelle, ou l’expression des médiateurs immunitaires solubles. Une nouvelle étude(1) se penche sur les phénomènes qui se produisent dans les premières vingt-quatre heures après une inoculation d’E. coli ou de S. aureus, dans le but de déterminer les mécanismes moléculaires durant la première phase d’une infection mammaire.

Le modèle d’étude porte sur des vaches âgées de vingt-six à trente mois, trois à cinq mois après le vêlage, qui produisent de 15 à 25 l de lait. Elles sont également synchronisées pour éliminer les effets du cycle hormonal et n’ont jamais eu de mammite clinique ou subclinique. Toutes affichent un taux de cellules inférieur à cent mille par millilitre dans les trois semaines qui précèdent le test.

Les souches choisies proviennent de sécrétions d’animaux atteints de mammites cliniques. Les quatorze vaches de l’essai sont réparties en quatre groupes. Dans deux lots, elles reçoivent Staphylococcus aureus dans les quartiers droits et une solution saline dans les gauches, et sont abattues soixante-douze heures et quatre-vingt-quatre heures après l’inoculation. Dans les deux autres lots, la moitié des vaches sont inoculées par Staphylococcus aureus, l’autre moitié par les deux souches, en temps décalé sur trois quartiers, le dernier servant de témoin, puis elles sont abattues vingt-quatre heures après l’inoculation. Diverses données sont collectées : la quantité de lait produite, la consommation alimentaire, le taux de cellules somatiques dans le lait, la température corporelle. Elles sont analysées via un test statistique de Friedman, de même que les concentrations en ARNm spécifique de la β-défensine et des toll-like receptors (TLRs, voir encadré). Des coupes froides sont effectuées dans la mamelle, les nœuds lymphatiques locaux et périphériques et sont soumises à des analyses histologiques, immunohistochimiques (pour visualiser l’expression des TLRs) et à une polymerase chain reaction (PCR).

Des différences significatives entre les deux souches bactériennes

L’un des premiers objectifs de l’étude est d’établir des paramètres cliniques susceptibles de caractériser les infections chroniques et aiguës après des inoculations expérimentales. Les résultats diffèrent pour les deux souches utilisées.

La colibacillose est rapidement flagrante avec des symptômes cliniques évocateurs tels que de la fièvre (entre 39,2 et 40,4 au cours des douze premières heures), une forte réaction inflammatoire associée à une leucopénie significative (maximale dix-huit heures après l’inoculation), un écart de production laitière de 16 % entre les quartiers infectés et les quartiers témoins. Un processus aigu et purulent domine dans les tissus mammaires, associé à des œdèmes interstitiels et à une hyperplasie folliculaire dans tous les nœuds lymphatiques examinés. D’un point de vue moléculaire, l’inoculation d’E. coli stimule l’expression de TLR2 et TLR4, ainsi que celle des β-défensines dès les premières heures qui suivent l’inoculation. Il y a une régulation positive significative (p < 0,001) et massive de l’expression de ces gènes, sans régulation négative pour les gènes des autres TLRs qui demeurent inchangés dans les quartiers témoins comme dans les quartiers malades.

Au contraire, les animaux inoculés avec Staphylococcus aureus montrent peu ou pas de signes cliniques. Les seuls éléments marquants sont la baisse de la production de lait (jusqu’à 50 % dès douze heures après l’inoculation), qui se stabilise à environ 70 % de la production initiale, et la faible augmentation du comptage cellulaire dans les quartiers infectés comme dans les quartiers témoins. Le temps nécessaire à l’installation de la bactérie, puis à l’apparition des signes de mammites, est plus long (entre vingt-quatre et soixante-douze heures). Il n’y a pas de stimulation de l’expression des gènes de TLRs, donc pas de défense locale immédiate. Dans le cas de la défensine, au moins au cours des premières vingt-quatre heures, des variations individuelles entre quartiers sont notées : chez une même vache, la hausse de la concentration de β-défensine est visible dans un quartier inoculé et inexistante dans un autre. Après un temps de présence du germe plus long dans les tissus mammaires, le système immunitaire de défense peut parfois réagir. Ces résultats diffèrent de ceux observés in vitro, où l’induction de médiateurs immuns ou de molécules du complément est plus prononcée. La variabilité des résultats observés dans cette expérimentation peut s’expliquer par la souche choisie. L’absence d’expression des gènes de défense innée et des cytokines pro-inflammatoires, par exemple, peut être à l’origine de l’absence de fièvre et de leucopénie. Mais la possibilité d’interactions avec des facteurs humoraux présents dans le lait est possible, ceux-ci altérant alors la capacité des bactéries à se fixer sur l’épithélium ou leur survie dans les macrophages.

La chute de lait est indépendante des réactions immunitaires innées

Escherichia coli induit une défense immunitaire locale immédiate, alors que Staphylococcus aureus a un effet systémique tardif. La leucopénie et la fièvre sont généralement attribuées à l’endotoxine LPS d’E. coli. La stimulation des TLR2 et TLR4 dans la mamelle se produit après l’augmentation des cellules dans le lait, la fièvre et la baisse de la production qui varient dès les premières heures. Les réactions induites dans les quartiers infectés en premier interfèrent avec la défense des quartiers infectés par la suite. La chute de lait est indépendante des réactions immunitaires innées. La modulation de l’expression des pattern-recognition receptors (PRRs) et la synthèse de molécules de défense sont des événements plutôt tardifs dans la phase initiale de l’infection, régulés par des médiateurs solubles locaux. Le contrôle moléculaire déterminant de la régulation et de l’expression de TLR2, de TLR4 et des β-défensines est inconnu. Il est peut-être associé aux taux élevés de cytokines pro-inflammatoires qui ne se produisent que dans le cadre d’une infection à E. coli.

Les changements d’expression des TLRs ont une spécificité spatiale, sont limités aux quartiers infectés, de même que leur régulation. Ils sont corrélés avec la durée de la présence du germe pathogène dans le quartier, pas chez l’animal. Cela explique la faible expressivité clinique locale lors d’infection par Staphylococcus, qui est de nouveau isolé après les infections de manière plus faible et moins homogène qu’E. coli, celui-ci étant massivement isolé plus de douze heures après une inoculation. Au niveau moléculaire, les effets différents de ces deux germes dans les tissus mammaires expliquent les variations cliniques observées. Les traitements des mammites induites par ces deux agents pathogènes doivent tenir compte de l’intensité des signes cliniques, mais aussi, sur un plan local, de la durée de la présence du germe dans les tissus, qui conditionne les réactions de défense innée.

  • (1) W. Petzl, H. Zerbe, J. Günther, W. Yang, H.M. Seyfert, G. Nürnerg et H.J. Schuberth : « Escherichia coli, but not Staphylococcus aureus triggers an early increased expression of factors contributins to the innate immune defence in the udder of cows », Vet. Res., 2008, n° 39, p. 18.

Toll-like receptors

Les toll-like receptors (TLRs) sont des récepteurs de signalisation de surface, de la famille des pattern recognition receptors (PRRs) qui sont des protéines transmembranaires de reconnaissance du système immunitaire servant à identifier les molécules associées aux germes pathogènes. Les TLRs reconnaissent des motifs universels sur les germes, appelés pathogen-associated molecular patterns (PAMPs). L’interaction entre TLRs et PAMPs déclenche une cascade d’activation du facteur NF-κB, activateur transcriptionnel de gènes de la réponse inflammatoire et de la défense contre les infections (complément, défensines, molécules d’adhésion, cytokines). Il existe une spécificité bactérienne des TLRs, qui se rencontrent sous forme de dimères homologues à l’exception de TLR2 qui peut se lier avec TLR1 et TLR6. En permettant une meilleure reconnaissance de la bactérie, l’augmentation de l’expression des TLRs consécutive à une infection est bénéfique pour l’animal, mais cela provoque une réponse inflammatoire violente.

S. P.
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