L’ostéite septique de la phalange distale est une affection rare chez le poulain - La Semaine Vétérinaire n° 1318 du 06/06/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1318 du 06/06/2008

Lésions podales

Formation continue

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Isabelle Desjardins

Un traitement médico-chirurgical agressif garantit un bon pronostic de survie et n’est pas incompatible avec une carrière sportive. La progression rapide des lésions incite à agir précocement.

L’ostéite podale est une lésion inflammatoire qui engendre une déminéralisation de la troisième phalange. Le terme d’ostéite est préféré à celui d’ostéomyélite, car la troisième phalange ne contient pas de cavité médullaire. Cette affection peut être d’origine septique ou non. Dans le premier cas, un écoulement purulent est souvent présent, avec des signes radiographiques d’ostéolyse localisée de la troisième phalange.

Une affection qui touche surtout le cheval adulte

Chez l’adulte, l’ostéite podale est fréquente et est associée principalement aux abcès sous-solaires et aux plaies pénétrantes du pied. Parfois, les ablations de paroi, les fractures de la troisième phalange (P3) et les fourbures engendrent une ostéite de P3.

Chez le jeune, l’affection semble plus rare. Les lésions d’ostéomyélite chez le poulain sont majoritairement causées par la dissémination par voie hématogène de bactéries, même en l’absence de signes systémiques d’infection. Quand l’os est colonisé par les bactéries, la réaction inflammatoire aiguë entraîne une ischémie, une nécrose et, parfois, la formation de séquestres osseux. L’ostéomyélite s’accompagne souvent d’arthrite septique. Ces lésions apparaissent rapidement, en deux à trois jours le plus souvent.

Les auteurs d’une étude(1) ont été confrontés à vingt-deux cas d’ostéite podale “primaire” (c’est-à-dire sans évidence de contusion, d’abcès ou de plaie pénétrante du pied) chez des foals pur-sang présentés en consultation dans un hôpital privé australien.

Plusieurs incidences radiographiques sont réalisées : une vue oblique à 65° dorso-proximale palmaro-distale, une autre latéro-médiale, parfois un cliché dorso-palmaire à l’appui. Radiographiquement, les lésions d’ostéite septique de P3 sont définies comme des zones focales d’ostéolyse, de perte de densité osseuse localisée ou généralisée, d’irrégularités des bords de la zone lysée et/ou de présence de séquestre(s) osseux. Le diagnostic est confirmé en chirurgie par la présence d’os nécrotique et de sécrétions purulentes issues de P3.

Le but de cette étude rétrospective est de préciser les découvertes cliniques et radiographiques, la réponse au traitement, le taux de survie et les capacités athlétiques recouvrées face à cette affection inhabituelle chez le poulain.

Les signes cliniques chez le poulain sont aigus, avec une boiterie

L’âge moyen des poulains est de 40,8 jours (de trois jours à quatre mois). 95,5 % présentent une boiterie, de grade élevé (4/5 à 5/5) chez 80 % d’entre eux. Pour 85,7 %, cette boiterie remonte à moins de quarante-huit heures avant l’admission. Seuls trois poulains (13,6 %) ont été traités chez leur propriétaire pendant une période prolongée (dix à vingt-trois jours) avant d’être référés. 63,6 % des foals présentés sont fébriles (certains ont reçu des anti-inflammatoires avant leur admission).

A l’examen, 94,1 % montrent une douleur aiguë à la pression digitée ou au test de la pince exploratrice et 22,7 % présentent une distension de l’articulation interphalangienne distale. Les membres postérieurs sont plus souvent atteints que les antérieurs (69,2 % versus 30,8 %). Deux poulains sur vingt-deux (soit 9 %) souffrent d’ostéite de P3 multiple (deux phalanges pour l’un et quatre pour l’autre).

Les lésions d’ostéite septique de P3 sont majoritairement solaires

En majorité, les lésions radiographiques siègent au niveau du bord solaire de la troisième phalange en pince. Chez la moitié des poulains atteints de lésions solaires en pince, 50 % présentent des lésions extensives avec une perte de densité osseuse dans le corps de P3 et sa surface solaire. Pour 22,7 % des foals, la lésion se situe plutôt au niveau du processus extensorius. Trois poulains (13,6 %) montrent une lyse focale des processus palmaires de P3.

Les deux poulains atteints d’ostéite de P3 multiple présentent des lésions solaires en pince.

Un séquestre osseux est identifié dans 18,2 % des cas. Aucun signe radiographique de fracture de P3 ou de fourbure n’est identifié. En revanche, deux poulains possèdent d’autres sites d’ostéomyélite sur d’autres membres (hors P3) et 18,2 % sont aussi atteints d’arthrite septique (principalement de l’articulation interphalangienne distale).

L’ostéite septique de P3 s’accompagne de modifications hémato-biochimiques

Les résultats des examens sanguins ne sont disponibles que pour dix poulains sur vingt-deux. Six résultats sont anormaux (60 %) avec soit une neutrophilie, soit une neutropénie, soit un nombre élevé de neutrophiles immatures en circulation. De plus, 70 % des foals ont un fibrinogène sanguin anormalement élevé. Plusieurs présentent un taux en immunoglobulines maternelles (IgG) inadéquat.

Les résultats des examens bactériologiques de l’os sont positifs dans cinq cas sur six, avec diverses bactéries isolées : Streptococcus spp, Escherichia coli, Staphylococcus aureus, Proteus spp, Actinomyces spp, Pseudomonas spp. 80 % des résultats sont représentés par des infections mixtes. Les quatre poulains atteints d’arthrite septique concomitante présentent une bactériologie positive avec une seule bactérie isolée du liquide synovial.

Le traitement chirurgical est associé à une thérapie antibiotique

La technique chirurgicale sous anesthésie générale correspond à un débridement de l’os nécrotique et à une exérèse des séquestres, soit par l’approche solaire (pour les lésions solaires), soit par une arthrotomie interphalangienne distale (pour les lésions du processus extensorius). La sole est fenestrée dans les cas de lésions solaires.

Un traitement antibiotique parentéral à base de pénicilline, de gentamicine et de métronidazole est instauré en parallèle, de même qu’une infusion loco-régionale de gentamicine, ou l’implantation de billes de polyméthyl métacrylate imprégnées de gentamicine dans le site d’arthrothomie. Des applications locales de métronidazole sont aussi réalisées (des populations bactériennes substantielles subsistent malgré la désinfection préchirurgicale du sabot).

Les poulains reçoivent en phase postopératoire des anti-inflammatoires non stéroïdiens, un flush quotidien de soluté physiologique iodé stérile à 2 %. Le bandage est changé chaque jour jusqu’à l’apparition du tissu de granulation.

La réponse au traitement est évaluée par le degré d’amélioration de la boiterie, de la suppuration du site opératoire, du développement du tissu de granulation, des signes radiographiques.

Une deuxième opération est nécessaire dans un nombre non négligeable de cas (22,7 %, soit cinq poulains sur vingt-deux) en raison de l’aggravation des signes radiographiques d’ostéomyélite une semaine après l’intervention initiale.

La durée moyenne du traitement antibiotique est de dix-neuf jours (de quatre à quarante-deux jours).

Avec un traitement précoce, le taux de survie est bon

Quelle que soit la localisation des lésions, le taux de survie des poulains de l’étude est de 86,4 %. Trois sur vingt-deux sont euthanasiés en raison de la progression de l’ostéite infectieuse de P3 et de l’absence de réponse au traitement. Parmi eux, deux avaient été traités longtemps avant d’être référés pour être opérés.

Parmi les dix-sept poulains suivis, aucune boiterie n’est constatée quatre mois après l’intervention, bien que le site de la lésion osseuse ne soit pas comblé.

Onze des poulains survivants ont eu une carrière sportive (soit environ les deux tiers), ce qui est comparable aux résultats de la population totale des pur-sang en Australie.

Une dissémination par voie hématogène des bactéries expliquerait les lésions podales

L’ostéite septique de P3 est donc une affection rare. D’ailleurs, dans trois études précédentes décrivant des lésions d’arthrite septique et d’ostéomyélite chez deux cent vingt-huit poulains, seul un cas d’arthrite septique interphalangienne distale était évoqué.

Un cas d’ostéolyse de la portion distale de la troisième phalange est rapporté chez le poulain, secondairement à des contractures tendineuses, mais il s’agit de lésions d’ostéite non septique. Dans l’étude de Kirsten Neil et de ses collaborateurs, deux foals avec des sites lésionnels d’ostéite multiples présentent un syndrome de contracture ou de laxité tendineuse du membre affecté et du membre controlatéral.

Les infections bactériennes mixtes sont fréquentes chez les poulains septiques et/ou en septicémie. Les bactéries responsables sont les mêmes que celles qui ont été isolées dans le liquide synovial, le sang et l’os des poulains de l’étude. Cela confirme l’hypothèse d’une dissémination par voie hématogène des bactéries pour expliquer les lésions podales observées.

Les auteurs rappellent que, chez le poulain, le réseau vasculaire des régions épiphysaire et métaphysaire osseuses ralentit le flux sanguin et que la tension basse en oxygène favoriserait le développement des bactéries sur ces sites. Il serait intéressant de savoir si l’anatomie du réseau vasculaire extensif de la phalange distale favorise la sédimentation des bactéries lors de dissémination hématogène. Pourtant, chez le cheval adulte, malgré la durée des épisodes d’ostéite septique, les lésions demeurent superficielles dans la majorité des cas.

Le débridement chirurgical est crucial dans le traitement des ostéites septiques, car la portion d’os touchée par une ischémie devient avasculaire, favorisant la prolifération des micro-organismes et empêchant la diffusion adéquate de l’antibiotique. La fenestration de la sole est indispensable pour permettre le drainage du site infecté, tout en conservant un support structural pour le pied. Une antibiothérapie parentérale à spectre large est essentielle, car les poulains ont souvent un taux d’immunoglobulines sanguines insuffisant, et un foyer bactérien mixte et latent est probablement présent. En raison de la difficulté à isoler les bactéries anaérobies en général, l’ajout de métronidazole parentéral et local est recommandé. La progression rapide de ces lésions incite à un traitement le plus précoce possible, afin de minimiser les complications.

  • (1) K.M. Neil, J.E. Axon, P.G. Todhunter, P.L. Adams, J.P. Caron, A.R. Adkins : « Septic osteitis of the distal phalanx in foals : 22 cases », Javma, 2007, vol. 230, n° 11, pp. 1683-1690.

VOIR AUSSI

E. Cauvin : « Diagnostic et traitement des ténosynovites septiques chez le cheval », Pratique vétérinaire équine, vol. 37, n° 145, pp. 41-49.

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