VÉTÉRINAIRES : QUAND IL S’AGIT D’UNE HISTOIRE DE FAMILLE… - La Semaine Vétérinaire n° 1317 du 30/05/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1317 du 30/05/2008

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Auteur(s) : Nicolas Fontenelle

Transmettre sa clinique à son enfant : beaucoup en rêvent, certains l’ont fait. Pour passer le flambeau dans de bonnes conditions, plusieurs d’entre eux ont opté pour une longue période de transition, d’autres ont choisi l’association avant le rachat. Chaque cas est en effet différent, comme le montrent ces cinq “histoires de famille”.

Jacques Perrot, Pierrefort (Cantal) : vétérinaires de père en fils depuis Napoléon Ier

Dans la famille Perrot, les transmissions de père en fils, on connaît. L’arrière-grand-père de Jacques était déjà vétérinaire dans le petit village du Cantal où lui-même exerce aujourd’hui : Pierrefort, mille habitants. Depuis quatre générations, le bistouri se lègue de père en fils. Une saga qui lui a inspiré sa thèse, soutenue en 1990 à Toulouse : « Evolution de la profession vétérinaire à travers trois générations de praticiens au cours d’un siècle ». « Je ne me suis pas spécifiquement attaché aux personnages. J’ai voulu montrer l’évolution de l’enseignement, du métier et de la place du vétérinaire dans la société. Mon arrière-grand-père avait une situation de notable confortable, tandis que mon grand-père a eu une carrière plus difficile. Il s’est tourné vers l’équine et sa situation sociale était certainement moins florissante. Quant à mon père, il a connu véritablement l’âge d’or de la profession, avec l’avènement de la canine. »

La dernière transition en date n’a pas été sans difficulté. Jacques Perrot avait vingt-cinq ans. Son père, âgé de soixante-quatre ans, était en conflit avec son associé. Ce dernier a fini par s’installer un peu plus loin, dans le village, emportant la moitié de la clientèle. « Ils se sont retrouvés devant le Conseil de l’Ordre, se souvient Jacques Perrot. Je suis arrivé au bon moment pour sauver la clinique. Mais il n’y a pas eu de période de transition. Cela aurait pourtant facilité les choses, vu le contexte. Heureusement, les clients qui restaient, essentiellement des éleveurs, se sont montrés fidèles. »

Aujourd’hui, la clinique de Jacques et de son associé se porte bien. « Lors du rachat, en 1990, je n’ai acquis que le matériel et les murs, mais pas la clientèle qui, selon nous, ne valait plus rien. Nous aurions pourtant dû en fixer la valeur. En effet, quand j’en ai revendu une partie à mon associé, j’ai payé une plus-value sur 100 %, comme s’il s’agissait d’une création. »

La saga familiale se poursuivra-t-elle ? Peut-être… Jacques Perrot a deux filles.

Jérôme et Paul Maire, Nancy (Meurthe-et-Moselle) : des coups de mains ponctuels

« Les choses se sont bien combinées. Mon fils est arrivé sur le marché au moment où je voulais passer la main. C’était il y a dix-sept ans. J’avais alors soixante-six ans, se souvient Paul Maire, retraité à Nancy. Il n’y a pas eu de période de transition. Jérôme est devenu tout de suite le patron. Je ne lui ai pas spécialement présenté la clientèle. Tout le monde savait que mon fils “faisait véto” et j’ai rapidement expliqué qu’il reprendrait la clinique. Je lui ai tout de même donné un coup de main. Pas comme un associé, mais comme un père aide son fils. » Pendant trois ans, Paul Maire est venu ponctuellement soutenir Jérôme. Une aide précieuse. « Avoir à ses côtés un vétérinaire d’expérience qui fait tout pour vous transmettre son savoir, vous épaule lors d’opérations difficiles et vous conseille sur la gestion de la clientèle et de la clinique, c’est inestimable, surtout quand on débute, reconnaît Jérôme. Le côté négatif vient de l’absence, ou de la faible retenue l’un vis-à-vis de l’autre. Nous sommes en famille. Certains mots, certaines réflexions sont parfois blessants. En outre, face à la clientèle, il faut être aussi bon que son père, sortir de son ombre, se faire un prénom. Mais, globalement, notre façon de procéder a été positive. J’ai eu beaucoup de chance. » Et côté financier, pas de cadeau. « Je lui ai vendu dans les mêmes conditions qu’à un tiers, témoigne Paul Maire. J’ai d’autres enfants, je ne pouvais pas les léser. »

Denis et Francis Dugardin, Lisieux (Calvados) : la transmission de la passion du cheval

Le passage de témoin entre Francis Dugardin et son fils, Denis, tient moins d’une transmission de parts de la clinique, où ils ont travaillé ensemble, que d’une véritable vocation pour l’équine. « Il a toujours été clair que je deviendrais vétérinaire, confie Denis. Et que je m’occuperais plus particulièrement des chevaux. » Quelques années après sa sortie d’Alfort, il entre, en 1996, comme assistant dans la clinique où son père est associé. « J’y suis resté un an. Comme il n’y avait pas de place pour un quatrième associé, je suis parti travailler sous d’autres cieux, notamment au Moyen-Orient. » En 2000, à son retour en France, la structure paternelle a prospéré et son entrée comme associé devient possible. « Je n’ai pas insisté pour qu’il vienne, tient à préciser Francis Dugardin. C’est vraiment le hasard des circonstances. » « A mon arrivée, mon père, alors âgé de soixante et un ans, a levé le pied. Il s’est mis en retrait, en faisant un boulot d’assistant, en s’intéressant à des sujets que personne ne voulait traiter. Petit à petit, j’ai repris sa clientèle équine. Il m’a aidé, pas à pas, en me présentant aux propriétaires. Nous avons travaillé trois ans ensemble. Il s’est un peu sacrifié pour moi. Finalement, il est parti en revendant ses parts à un autre vétérinaire. Je n’ai pas pu lui racheter, car je n’aurais pu assumer seul nos deux charges de travail. »

Aujourd’hui à la retraite, Francis Dugardin donne encore un coup de main à son fils, de temps à autre. « Lorsque Francis est entré comme associé, certains m’ont dit : “Attention, si tu travailles avec ton fils, tu vas te fâcher avec lui.” Au contraire, cela s’est bien passé. Aujourd’hui, je suis fier qu’il ait repris le flambeau. »

Philippe et Jean-Marie Maroille, Garches (Hauts-de-Seine) : l’association avant la transmission

Jean-Marie Maroille et son fils Philippe sont associés dans une société civile professionnelle (SCP) depuis 2003. « Je viens tout juste de finir de rembourser la moitié des parts », sourit Philippe. Sorti en 1999 de Maisons-Alfort, il fait quelques mois d’assistanat à Paris, avant le service militaire. En 2001, retour à l’assistanat, cette fois dans la clinique paternelle. « Depuis que je me suis installé, en 1973, j’ai toujours travaillé seul, avec un assistant, explique Jean-Marie. Par choix et par passion, nous sommes disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour la clientèle. J’ai donc usé un certain nombre de confrères. Au moment où Philippe était disponible, j’en cherchais justement un. » L’idée d’une association vient naturellement avec le temps. « Mais nous avons fait cela dans le strict respect des règles fiscales et notariales, car j’ai aussi une fille », explique Jean-Marie. Philippe contracte alors un emprunt pour racheter la moitié des parts de son père sur une période de cinq ans. « Travailler avec lui n’a jamais été difficile. Nous nous entendons bien. J’ai profité de son expérience sur le plan clinique, mais surtout en termes de gestion de la clientèle et de la structure, deux aspects du métier qui ne sont pas enseignés à l’école. »

Et la suite ? « J’ai aujourd’hui soixante-cinq ans et je compte bien passer la main. Mais pas du jour au lendemain, prévient Jean-Marie. Je me donne cinq ou six ans pour revendre les parts qui me restent à Philippe. Je ne serais plus le patron, c’est la vie. » Une nouvelle fois, pas question d’arrangements. La transmission se fera dans les règles. Quant à Philippe, il ne prévoit pas de s’associer avec un autre confrère après son père. « Comme lui, je travaillerai sans doute seul avec un assistant. »

Pierre et Georges Daniel, Lannion et Trebeurden (Côtes-d’Armor) : le père vend à son fils et devient son concurrent

En 1998, tout juste sorti de l’école d’Alfort, Pierre Daniel travaille quelques mois à Orléans (Loiret), puis décide de s’installer en Suisse, à Sion, avec son épouse, également vétérinaire. Son père, Georges, est encore en pleine activité à Lannion (Côtes-d’Armor), mais la clientèle est insuffisante pour trois praticiens. Le temps passe. « Je n’y croyais plus, confie Georges. J’avais fait une croix sur cette possible succession. » En 2005, Pierre, jeune papa, décide de rentrer en France pour se rapprocher de sa famille. La reprise de la clientèle paternelle s’impose alors. Cela tombe bien, car Georges, âgé de soixante-deux ans, souhaite prendre un peu de recul, travailler moins. Pierre et son épouse créent alors une société d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) qui rachète la clientèle. « Grâce à la loi Sarkozy qui venait d’être votée, il n’y avait pas de plus-value à payer, se souvient Pierre. Mais le Fisc nous a poursuivis, arguant qu’une transmission entre père et fils nécessitait de la régler. Nous nous sommes défendus bec et ongles face à cette décision discriminatoire, allant jusqu’à écrire au ministre de l’Economie. Finalement, nous avons obtenu gain de cause. » Georges, qui ne souhaite pas cesser complètement son activité, « pour avoir une bonne raison de se lever le matin », aurait pu prendre quelques parts de la SELARL et continuer d’exercer à temps partiel. Mais « mon fils était suffisamment mûr et qualifié pour reprendre seul la clientèle, estime-t-il. Et puis je ne voulais pas le gêner, encore moins ma belle-fille. Je souhaitais qu’ils se sentent vraiment chez eux ». La période de transition est quasi inexistante : trois mois. Puis Georges crée une petite clinique à Trebeurden, une station balnéaire située à une dizaine de kilomètres de Lannion… et devient le concurrent de son fils ! « Très peu de mes clients m’ont suivi. Il faut dire qu’ils connaissaient Pierre depuis de longues années, puisqu’il venait travailler à la clinique pendant ses vacances. Aujourd’hui, j’exerce moins. Je ne fais que de la canine. J’en profite pour aider mon fils lorsqu’il en a besoin, pour des vêlages difficiles, par exemple. » Une situation que Georges a déjà vécue. Mais c’était lui que son beau-père venait aider. Ce denier lui avait vendu sa clinique et en avait créé une autre. C’était en 1967.

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