L’harpagophytum devient un anti-inflammatoire interdit en courses hippiques - La Semaine Vétérinaire n° 1317 du 30/05/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1317 du 30/05/2008

Dopage et compléments nutritionnels trop actifs

Formation continue

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Eric Vandaële

Un délai d’attente (non) officiel de quarante-huit heures est recommandé avant une épreuve.

Mi-avril, la Fédération nationale des courses françaises (FNCF) crée une petite surprise en classant, parmi les substances dopantes prohibées, deux plantes largement utilisées dans les compléments nutritionnels pour les équidés : l’éleuthérocoque (Eleutherococcus senticosus) et surtout l’harpagophytum (Harpagophytum procumbens).

Les compléments nutritionnels qui contiennent ces plantes ne sont pas interdits à la vente pour autant. La FNCF précise qu’« aux doses habituellement prescrites, ces substances s’éliminent rapidement », normalement en moins de vingt-quatre heures. Elle souligne néanmoins que « leur administration est interdite par le Code des courses dès que le cheval est déclaré partant. L’attention des professionnels doit être attirée sur le fait que ces plantes contiennent des substances qui entrent dans les catégories des substances prohibées et que leur usage est susceptible d’occasionner des contrôles positifs ».

Pourquoi considérer aujourd’hui ces deux plantes comme dopantes ? La FNCF estime tout d’abord que ces substances, contenues dans des compléments alimentaires (sans AMM), sont effectivement dotées de propriétés pharmacologiques, voire thérapeutiques. Les Haras nationaux et la fédération ont donc cofinancé une thèse doctorale(1) afin de mettre au point les méthodes d’analyses physico-chimiques de ces substances, en collaboration avec le Laboratoire des courses hippiques de Chatenay-Malabry (LCH).

L’éleuthérocoque augmenterait-il les performances de 7 % des chevaux ?

La thèse passe en revue les preuves de l’activité pharmacologique de l’éleuthéroside E (contenu dans l’éleuthérocoque), une « substance dite adaptogène, douée de propriétés antistress ». Il agirait notamment sur les hormones du stress, les catécholamines. En phytothérapie humaine, il est indiqué « dans le cas d’une baisse des capacités physiques et mentales (fatigue, faiblesses passagères, pertes de concentration ou convalescence) ».

Les Russes ont mené des « études à grande échelle (plusieurs milliers de personnes) dans des écoles, des usines, des centres sportifs ou militaires. Les résultats révèlent qu’après la prise d’éleuthérocoques, les patients améliorent leur concentration, leur résistance au stress et appréhendent mieux les efforts physiques (surcharge de travail, déplacement, bruit, chaleur). Cela permet également d’accroître les performances athlétiques, ainsi que le rendement horaire pour des opérations qui requièrent de l’attention et de la tension nerveuse », comme celles menées par les cosmonautes russes.

Chez les chevaux, compte tenu de la présence de cette plante parmi les contaminants alimentaires, la thèse rapporte que des traces d’éleuthéroside E ont été retrouvées chez environ un quart de ceux qui ne reçoivent pas de compléments alimentaires. Un seuil de positivité a donc été fixé à 1 ng/ml. Dans une série de cent quarante-quatre échantillons d’urine prélevés en course ou en compétition, dix (7 %) se sont révélés positifs, avec une quantité en éleuthéroside E supérieure au seuil de 1 ng/ml.

En courses ou en sport, l’harpagoside est présent dans 3 % des prélèvements d’urine

L’Harpagophytum procumbens et son constituant majoritaire, l’harpagoside, possèdent des « propriétés anti-inflammatoires et analgésiques. L’harpagoside inhiberait de manière dose-dépendante la synthèse des prostaglandines (comme les anti-inflammatoires non stéroïdiens), des leucotriènes et la formation du facteur de nécrose tumorale α (TNFα) ».

Là encore, la thèse rapporte que, sur deux séries de trois cent dix-sept échantillons au total prélevés lors de courses de trot, de galop ou d’épreuves sportives, neuf (3 %) se sont révélés positifs.

A notre connaissance, c’est la première fois que des substances, qui entrent intentionnellement dans la composition de compléments alimentaires, sont considérées comme dopantes et susceptibles de modifier les résultats d’une compétition. C’est une reconnaissance inattendue de l’efficacité de ces produits. Cela induit aussi un double risque. Celui du contrôle antidopage positif est désormais connu. L’autre, beaucoup plus hypothétique, serait de revoir le statut de ces produits contenant des substances pharmacologiquement actives pour les considérer comme des médicaments (avec autorisation de mise sur le marché). Mais personne ne semble vouloir s’engager dans cette voie difficile, ni chez les industriels, ni même parmi les autorités nationales ou européennes.

  • (1) Thèse doctorale de Cyril Colas : « Développement de méthodes physico-chimiques pour le contrôle de la médication par l’Harpagophytum et l’Eleutherococcus, principes actifs utilisés en phytothérapie équine », 2006, consultable à l’adresse http://www.imprimerie.polytechnique.fr/Theses/Files/Colas.pdf

Avertissements aux clients

Dans le domaine professionnel et vétérinaire, au moins trois fournisseurs, Audevard, Vétoquinol et Twydil, ont réagi. Ainsi, « Vétoquinol rappelle à ses clients que l’harpagophytum contient [des] substances prohibées susceptibles d’être détectées lors des contrôles antidopages. Par précaution, l’avis d’un vétérinaire est recommandé […] ». Audevard recommande « un temps d’attente de quarante-huit heures avant la compétition pour s’assurer de l’élimination des harpagosides ». De même, Twydil indique que « les compléments [avec les deux substances] sont officiellement certifiés comme pouvant être utilisés sans risque jusqu’à quarante-huit heures avant une compétition ». Ce délai, bien que non officiel, est tout à fait adapté à la cinétique d’élimination de ces substances.

E. V.
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