Un cas d’hydrocéphalie canine est traité chirurgicalement - La Semaine Vétérinaire n° 1316 du 23/05/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1316 du 23/05/2008

Neurochirurgie

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Pablo Rivier*, Jean-François Bardet**

Fonctions :
*praticien à Neuilly (Hauts-de-Seine)
**praticien à Neuilly (Hauts-de-Seine)

Le taux de succès de l’intervention, chez les chiens pour lesquels un shunt ventriculo-péritonéal est mis en place, varie de 50 à 90 %.

Une chienne de race caniche, âgée de huit ans, est présentée en consultation pour une tétraparésie sévère et une baisse de la vigilance. Six mois auparavant, une démarche raide des postérieurs était apparue, pour se transformer en parésie le mois précédant la consultation. L’animal avait été traité sans succès à l’aide d’anti-inflammatoires non stéroïdiens par le vétérinaire traitant.

Les propriétaires décrivent une apathie et un manque de vigilance apparus rapidement, la chienne passant alors la majorité de son temps à dormir. A l’examen clinique, l’animal présente une tétraparésie non ambulatoire avec une raideur extrême des postérieurs. L’examen des nerfs crâniens révèle une diminution bilatérale du réflexe de clignement à la menace. Aucune cervicalgie n’est observée. Les réflexes spinaux sont augmentés sur les quatre membres. Le reste de l’examen clinique ne décèle pas d’anomalie. L’examen neurologique permet de suspecter une lésion de l’encéphale en région supratentorielle.

Les résultats du bilan sanguin préanesthésique (biochimie et numération formule) sont conformes aux valeurs usuelles. Un examen tomodensitométrique de l’encéphale est réalisé avant et après l’injection intraveineuse d’un produit de contraste iodé : une hydrocéphalie sévère est notée. Les quatre ventricules apparaissent dilatés, le parenchyme cérébral occupe environ un cinquième du volume de la boîte crânienne. Aucune masse n’est observée. L’analyse du liquide céphalorachidien ne révèle pas d’anomalie.

Trois mois après l’intervention, seule la raideur musculaire persiste

Afin d’améliorer le statut neurologique de l’animal, il est décidé de placer un shunt ventriculo-péritonéal. La chienne est donc préparée à cette intervention de façon aseptique, depuis l’avant du crâne jusqu’en avant de la cuisse. Elle est placée en décubitus latéral droit à l’exception de la tête, positionnée en décubitus sternal et légèrement surélevée. Une craniotomie rostrotentorielle latérale limitée est réalisée à l’aide d’une fraise chirurgicale. La dure-mère est incisée. Le parenchyme cérébral est ponctionné à l’aide d’une aiguille spinale afin d’évaluer son épaisseur. L’analyse bactériologique et cytologique ne révèle pas d’anomalie. Le cathéter ventriculaire est avancé dans le ventricule et le liquide céphalorachidien perle alors à son extrémité libre. Le cathéter est fixé au périoste et au fascia du muscle temporal à l’aide d’un lassage chinois. La valve unidirectionnelle est connectée au cathéter. Le shunt est tunnelisé en direction caudale jusqu’au milieu de l’abdomen à droite et l’extrémité distale est alors introduite dans la cavité abdominale. L’extrémité distale du cathéter est fenestrée en de multiples endroits afin de diminuer le risque d’occlusion par l’omentum.

Une radiographie du corps entier est réalisée pour vérifier la localisation du shunt. Le scanner postopératoire immédiat de l’encéphale permet de visualiser la bonne position de l’extrémité proximale du cathéter. Une antibioprophylaxie à base de céfalexine est mise en place pendant vingt-quatre heures.

Au retrait des points, quinze jours après l’intervention, la chienne arrive à se lever. Les propriétaires rapportent un changement de comportement : elle dort moins, devient plus interactive. A la visite de contrôle, trois mois après l’opération, la chienne est alerte malgré la raideur persistante des postérieurs. Les propriétaires sont satisfaits de l’évolution clinique de leur animal qui a retrouvé une qualité de vie correcte du point de vue moteur et ses qualités affectives d’autrefois. Un an plus tard, la chienne conserve le même état clinique.

L’hydrocéphalie est en général congénitale, mais peut se manifester tardivement

L’hydrocéphalie se définit par l’accumulation excessive de liquide céphalorachidien dans la boîte crânienne, avec pour conséquence une dilatation des ventricules. L’hydrocéphalie peut être soit congénitale, soit acquise. En médecine vétérinaire, l’origine congénitale est la plus fréquente. Les races prédisposées sont le bichon maltais, le yorkshire, le bouledogue anglais, le chihuahua, le lhassa apso, le caniche nain, les cairn et boston terriers, le carlin et le pékinois.

L’hydrocéphalie congénitale est généralement de nature obstructive. Une inflammation prénatale ou postnatale entraîne une sténose de l’aqueduc mésencéphalique (communication entre le troisième et le quatrième ventricules). Lors d’hydrocéphalie, divers changements neuropathologiques sont observés tels que des lésions neuronales, une altération de la vascularisation cérébrale, la destruction focale de l’épithélium épendymaire (épithélium tapissant les cavités ventriculaires). Certaines malformations du cervelet sont également associées à l’hydrocéphalie congénitale, comme la malformation de Chiari de type I qui affecte particulièrement le cavalier King Charles.

L’hydrocéphalie acquise peut être d’origine obstructive (tumeur, inflammation, kyste), due à une atrophie du parenchyme cérébral ou, plus rarement, liée à une production excessive de liquide céphalorachidien par une tumeur du plexus choroïdien. Dans le cas présenté, le scanner n’a pas permis de mettre en évidence de processus néoplasique, même si cela ne peut être complètement exclu. L’autre hypothèse est une hydrocéphalie congénitale avec apparition tardive des premiers symptômes.

Les animaux atteints d’hydrocéphalie sont souvent les plus petits de leur portée

Lors d’hydrocéphalie, les signes neurologiques sont variés. Les dysfonctionnements neurologiques peuvent être sévères chez les jeunes qui présentent une hydrocéphalie congénitale. Les symptômes les plus communément observés sont une apathie, un changement du comportement, des convulsions, des déficits locomoteurs. Le motif de consultation le plus fréquent est un problème de comportement. Les animaux atteints d’une hydrocéphalie congénitale sont souvent les plus petits de leur portée. Une augmentation de volume du crâne est fréquemment visible, ainsi qu’un strabisme bilatéral ventrolatéral. Les animaux âgés qui souffrent de la forme acquise présentent généralement des symptômes liés à la maladie sous-jacente plutôt qu’à l’hydrocéphalie.

L’examen clinique et le signalement de l’animal permettent souvent de suspecter une hydrocéphalie (surtout d’origine congénitale). Le scanner et l’imagerie par résonance magnétique confirment alors le diagnostic. L’échographie (à travers les fontanelles) est intéressante lors d’hydrocéphalie congénitale.

En général, le traitement médical ne permet qu’une amélioration temporaire

Le traitement de l’hydrocéphalie doit prendre en compte l’affection sous-jacente. Dans la majorité des cas, le traitement médical permet uniquement une amélioration temporaire des signes cliniques. Il est surtout valable lors d’hydrocéphalie congénitale et vise à diminuer la production et le volume de liquide céphalorachidien via l’utilisation de diurétiques (furosémide à la dose de 0,5 à 4 mg/kg, per os, deux fois par jour ; acétazolamide à raison de 10 mg/kg, per os, trois fois par jour) et de glucocorticoïdes (prednisolone à la posologie de 0,25 à 0,5 mg/kg, per os, deux fois par jour). Il est important de contrôler les concentrations en sodium et en potassium, ainsi que l’état d’hydratation de l’animal pendant le traitement médical.

La technique chirurgicale la plus communément utilisée est le shunt ventriculo-péritonéal. Ce traitement est indiqué lors d’obstruction et d’accumulation du liquide céphalorachidien associées à des déficits neurologiques. L’hydrocéphalie congénitale est l’indication la plus fréquente de placement d’un shunt ventriculo-péritonéal. Lorsqu’une masse intracraniale est à l’origine d’une hydrocéphalie obstructive, la mise en place d’un shunt en urgence facilite le traitement de l’hypertension intracrânienne. Le but de shunter le liquide céphalorachidien est d’arrêter l’évolution de la maladie et d’améliorer l’état neurologique de l’animal. La principale contre-indication est la présence d’une infection ou d’une inflammation du liquide céphalorachidien.

Les deux principales complications rencontrées sont une obstruction du shunt (tissu, caillot, omentum, séparation des différents éléments du shunt) et une infection. Cette dernière est significativement réduite par une asepsie chirurgicale rigoureuse.

Le pronostic est bon à réservé lors de la mise en place d’un shunt ventriculo-péritonéal et dépend de la sévérité de la maladie sous-jacente. Il est plus réaliste d’envisager une amélioration des signes cliniques plutôt qu’une résolution complète des déficits neurologiques. Seule la substance blanche a un pouvoir de régénération après la mise en place d’une dérivation du liquide céphalorachidien. Les taux de succès, chez les chiens opérés d’une hydrocéphalie via la mise en place d’un shunt, varient de 50 à 90 % selon les publications. Ce taux est fortement dépendant de l’expérience du chirurgien et de la qualité de l’asepsie lors du placement du shunt.

BIBLIOGRAPHIE

  • • J.R. Coates, T.W. Axlund, C.W. Dewey et coll. : « Hydrocephalus in dogs and cats », Compend. Contin. Educ. Pract. Vet., 2006, vol. 28, pp. 136-146.
  • • M.L. Harrington, R.S. Bagley, M.P. Moore : « Hydrocephalus », Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract., 1996, vol. 26, n° 4, pp. 843-856.
  • • A.B. Few : « The diagnosis and surgical treatment of canine hydrocephalus », Javma, 1966, vol. 149, pp. 286-293.
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