Le tuatara est un fossile vivant, à l’évolution moléculaire incroyablement rapide - La Semaine Vétérinaire n° 1316 du 23/05/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1316 du 23/05/2008

Particularités des sphénodons

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Caroline Goutal

Une étude montre que les changements génétiques ne sont pas corrélés aux modifications morphologiques.

Le tuatara est un animal endémique de la Nouvelle-Zélande, protégé depuis 1895. Menacé par la destruction de son habitat et l’introduction du rat polynésien (Rattus exulans) sur les terres néo-zélandaises, ce petit vertébré aux allures de lézard est une espèce dite fossile, puisqu’elle aurait plus de deux cents millions d’années. Il aurait donc côtoyé les premiers dinosaures et serait parvenu à traverser les ères successives sans changement morphologique notable. En revanche, son évolution génétique est impressionnante.

Le tuatara n’est pas le nom scientifique de ce membre de l’ordre des Sphenodontia. Ce terme renferme en réalité deux espèces distinctes : le Sphenodon punctatus et le Sphenodon guntheri. Tuatara, littéralement “épines sur le dos”, est l’appellation donnée à cet animal par le peuple Maori, pour qui il serait un messager du dieu de la mort et du désastre.

Le tuatara est considéré aujourd’hui comme l’amniote le moins “spécialisé” encore vivant. S’il est morphologiquement proche des lézards et des serpents, son cerveau et son mode de locomotion se rapprochent de ceux des amphibiens. Son cœur est le plus primitif jamais décrit chez les reptiles.

D’une couleur brun verdâtre qui leur permet de se confondre avec le milieu environnant, ces animaux (dont les plus grands peuvent atteindre 80 cm de la tête à l’extrémité de la queue) possèdent une crête épineuse sur le dos. Les épines dorsales sont constituées de formations triangulaires de peau. Cette crête est d’ailleurs généralement plus longue chez les mâles de ces deux espèces de sphénodons, pour lesquelles le dimorphisme sexuel est bien établi.

Un animal doté d’une dentition originale et d’un troisième œil

Le tuatara possède de nombreuses caractéristiques morphologiques exceptionnelles. Tout d’abord, sa dentition est unique. La mâchoire supérieure comprend deux rangées de dents distinctes, tandis que la mâchoire inférieure n’en possède qu’une seule. Parfaitement ajustées, les dents inférieures se placent dans l’espace laissé libre entre les deux rangées supérieures lorsque l’animal ferme la gueule. Une telle conformation n’a été décrite chez aucun autre reptile.

Comme chez les serpents, les mâchoires ne sont pas soudées, mais unies par un ligament qui autorise les mouvements d’avant en arrière lors de la mastication. La force de cette mâchoire permet au tuatara de broyer des matériaux particulièrement solides comme les os.

Par ailleurs, au même titre que les lézards, les sphénodons possèdent une capacité d’autotomie caudale. Cela signifie qu’ils ont la faculté de perdre l’extrémité de leur queue en cas de danger.

Plus original, le tuatara possède trois yeux ! Les deux principaux peuvent adapter leur vision de façon indépendante et chacun est doté d’une rétine “duplex” qui contient deux types de cellules pour une vision optimale, nocturne et diurne, ainsi qu’un tapetum lucidum qui reflète la lumière vers la rétine pour améliorer la vision nocturne. Le troisième œil, ou œil pinéal, est situé sur le sommet de la tête. Il possède un cristallin, une cornée et une rétine, mais les connexions nerveuses à l’encéphale semblent avoir disparu à la suite d’un processus dégénératif. Cela suggère que l’œil pinéal est issu d’un œil véritable (avec une capacité de vision). Généralement, il est difficile à déceler, car il est peu à peu recouvert d’écailles opaques et de pigments. Sa fonction reste inconnue, même si plusieurs hypothèses sont avancées. Ainsi, il pourrait avoir une utilité dans l’absorption des rayons ultraviolets afin de générer la vitamine D ou encore posséder un rôle dans la thermorégulation.

Le système auditif du tuatara est également original. Comme les tortues, les sphénodons possèdent les organes auditifs les plus primitifs connus actuellement chez les amniotes. Ils n’ont notamment aucune oreille externe et l’oreille moyenne est comblée par du tissu à dominance adipeuse. Pourtant, malgré le développement limité de cet appareil, ce “dinosaure vivant” semble capable de capter des fréquences sonores de 100 à 800 Hz.

L’ADN de tuataras actuels est comparé à celui d’ancêtres vieux de huit mille ans

Le professeur David Lambert et son équipe, du Centre Allan Wilson pour l’écologie moléculaire et l’évolution (Massey University, Auckland, Nouvelle-Zélande), ont entrepris une étude ADN pour montrer les changements génétiques survenus chez le tuatara au fil des ans(1). Pour cela, ils ont utilisé le matériel ADN d’os de tuatara ayant jusqu’à huit mille ans !

Fondée sur les convictions du biologiste Allan Wilson, qui suggérait l’absence de corrélation entre l’évolution moléculaire et morphologique, cette étude a été initiée dans l’espoir de prouver l’importance de la modification génétique du tuatara en dépit de la lenteur de son évolution morphologique, de son métabolisme, de sa reproduction, etc. Dix années sont nécessaires avant que les sphénodons atteignent la maturité sexuelle. Par ailleurs, les femelles ne semblent capables de pondre que tous les quatre ans.

Les résultats semblent confirmer l’avis controversé émis voici quarante ans par ce biologiste en avance sur son temps… En effet, l’évolution moléculaire mise en évidence chez le tuatara est la plus importante et la plus rapide jamais décrite jusqu’à présent.

Au-delà de l’intérêt d’une telle trouvaille pour la gestion de la conservation de cet animal, l’équipe espère étendre ce genre d’étude à d’autres espèces… Les recherches sur les os humains permettraient d’ailleurs des avancées conséquentes dans la connaissance de l’évolution génétique moléculaire humaine.

  • (1) J.M. Hay, S. Subramanian, C.D. Millar, E. Mohandesan et D.M. Lambert : « Rapid molecular evolution in a living fossil », Trends in Genetics, 2008, vol. 24, n° 3, pp. 106-109.

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