La Suisse réfléchit à préserver « la dignité des plantes »

Jusqu’à présent, il paraissait logique que les chercheurs qui se consacrent à la biologie des plantes ne soient confrontés à aucun problème d’éthique concernant l’objet de leurs études. En Suisse, cela va changer. Le Comité fédéral d’éthique, qui gère les conséquences des biotechnologies et vise à préserver « la dignité des créatures vivantes », vient en effet de décider que les travaux entrepris doivent sauvegarder « la dignité des plantes » et qu’il convient de se prononcer, dans ce contexte, sur l’acceptabilité de certaines pratiques. La loi sur la technologie, qui date de 2004, stipule que la « dignité des créatures » doit être prise en considération dans toutes les recherches. Il est ainsi évident que ce texte peut s’appliquer aux végétaux. Dorénavant, tous les projets sur les plantes doivent donc comporter un paragraphe soulignant que « leur dignité » sera parfaitement respectée. « Mais les chercheurs ignorent ce que cela signifie », constate Beat Keller, de l’Institut de botanique de l’université de Zurich, qui réalise actuellement des tests sur le premier maïs génétiquement modifié résistant, en vue de le faire homologuer. « Même les autorités qui ont pris cette décision ne savent pas ce qu’il faut entendre par “dignité des plantes” », renchérit l’un de ses confrères.

Le Comité fédéral a publié un arbre décisionnel qui présente les solutions à privilégier dans différents cas de figure. Mais il ne donne aucun exemple concret d’expériences à proscrire pour cause « d’atteinte à la dignité de la plante ». Il précise toutefois que les modifications génétiques ne se classent pas systématiquement dans la catégorie défendue. En revanche, tel est le cas si cela aboutit à « une perte d’indépendance », par exemple « une incapacité à se reproduire ».

Ce nouveau texte perturbe les botanistes généticiens qui font remarquer que les techniques traditionnelles d’hybridation de la rose, par exemple, qui n’ont jamais soulevé d’objection, ont pourtant nécessité la stérilisation des mâles et la production commerciale de sujets non fructifères. Certains estiment que les choses ne s’éclairciront que lorsque des cas précis seront traités par les tribunaux et qu’une jurisprudence pourra se mettre en place.

La définition de la dignité de l’animal, à première vue plus évidente, est toujours en cours d’élaboration par le tribunal de Zurich. C’est ainsi qu’un projet de recherches qui nécessite de séparer de jeunes ouistitis de leurs mères est provisoirement bloqué, dans l’attente d’une décision de justice. Une réponse est espérée cette année…

• Source : Alison Abot : « Swiss dignity law is threat to plant biology », Nature, 24/4/2008, p. 919.