Une arche est créée pour sauver les amphibiens de l’extinction due à une redoutable mycose - La Semaine Vétérinaire n° 1315 du 16/05/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1315 du 16/05/2008

2008, l’année de la grenouille

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Stéphanie Bourgeois

Un champignon pathogène, Batrachochytrium dendrobatidis, agent de la chytridiomycose, est mis en cause.

Les amphibiens sont apparus voici 370 millions d’années, et comptent actuellement six mille espèces à travers le monde. La destruction de leur habitat, l’introduction d’espèces exotiques, le commerce, la pollution et le réchauffement climatique n’ont pas ménagé ces animaux sensibles, qui constituent de bons indicateurs de la santé de l’écosystème. Selon les estimations, cent soixante-cinq espèces se seraient éteintes en un siècle et près de deux mille seraient menacées de disparition. Plus alarmantes encore, les menaces qui pèsent sur la survie de quelque cinq cents espèces ne pourront sans doute pas être contrées suffisamment tôt pour les sauver.

Les extinctions massives récentes sont attribuées à un champignon pathogène. Les représentants du genre Batrachochytrium étaient plutôt considérés comme des saprophytes, jusqu’à ce qu’une nouvelle espèce, B. dendrobatidis, soit identifiée comme l’agent responsable d’une maladie mortelle pour les amphibiens, la chytridiomycose. Ce champignon provoquerait, directement ou via des toxines, le dysfonctionnement des pores, entraînant une mort rapide par déshydratation. Des symptômes comme la léthargie, l’anorexie, des taches sur la peau, la desquamation, l’œdème des pattes et des postures anormales sont rapportés chez des individus captifs.

Il n’existe aucun moyen d’arrêter la propagation de la maladie

Dans le milieu naturel, la présence du champignon se manifeste par une mortalité de masse qui entraîne des extinctions rapides. La prévalence augmente vite et une étude indique que 50 % des espèces et 80 % des individus peuvent disparaître en un an lorsque la maladie apparaît dans une zone intacte(1). La propagation se fait en peu de temps le long des cours d’eau (28 à 100 km/an) et l’épizootie concerne aujourd’hui tous les continents. Il existe peu d’espèces résistantes. Il s’agit en général d’espèces invasives qui joueraient alors probablement un rôle de réservoir. Les bains à l’itraconazole seraient efficaces pour traiter les animaux atteints, mais il n’existe pour l’instant aucun moyen d’arrêter la propagation de l’affection parmi les individus sauvages.

Partant de ce constat, des scientifiques du Groupe spécialiste des amphibiens (ASG) et du Groupe spécialiste de la reproduction des espèces sauvages (CBSG) de l’Union mondiale pour la nature (UICN) et de l’Association mondiale des zoos et aquariums (WAZA) ont créé l’Arche des amphibiens(2) en 2006. L’objectif du projet est de collecter cinq cents individus de chacune des cinq cents espèces dont la survie, selon eux, nécessite une intervention ex situ. Les animaux prélevés seront élevés et maintenus en captivité jusqu’à ce que les conditions nécessaires à leur préservation soient assurées dans la nature.

L’Arche des amphibiens prévoit ainsi d’aider les zoos à sauver autant d’espèces que possible, en assurant une coordination globale et une aide technique. Le but est aussi d’apporter un soutien aux pays concernés pour développer la capacité d’accueil de leurs propres espèces, plutôt que de les conserver dans les zoos nord-américains et européens. L’arche se définit donc comme un plan d’urgence pour empêcher l’extinction massive de centaines d’espèces d’amphibiens. 2008 a ainsi été déclarée “année de la grenouille”. A travers cette campagne, l’arche incite les zoos du monde entier à sensibiliser leur public.

Seule la réintroduction des espèces dans la nature assurera le succès de l’opération

Une telle initiative soulève de nombreuses questions et controverses en termes de conservation des espèces menacées(3). Le projet illustre l’importance de mener les efforts de conservation sur une échelle globale. En effet, les projets régionaux visent souvent à la création d’aires de sauvegarde qui ne protègent pas des agents pathogènes. Une coordination mondiale est alors indispensable. La conservation ex situ aboutit rarement au retour des espèces dans la nature. Le faible succès des programmes s’explique par la difficulté de recréer des conditions favorables à l’élevage des animaux. La mise en place de l’Arche des amphibiens nécessite de recréer autant de conditions différentes qu’il y a d’espèces concernées. Les défenseurs de la conservation in situ mettent également en garde contre l’impact sur l’opinion publique, car présenter la voie ex situ comme une solution idéale peut porter préjudice au combat contre la détérioration de l’habitat naturel.

Seul le retour des espèces dans la nature permettra d’affirmer que l’Arche des amphibiens est une opération couronnée de succès. Cela passe nécessairement par la compréhension des facteurs environnementaux qui favorisent le développement et la propagation de l’agent pathogène, ainsi que par la préservation de l’habitat naturel des animaux concernés.

  • (1) K.R. Lips, F. Brem, R. Brenes, J.D. Reeve, R.A. Alford, J. Voyles, C. Carey, L. Livo, A.P. Pessier et J.P. Collins : « From the cover : emerging infectious disease and the loss of biodiversity in a neotropical amphibian community », PNAS, 2006, n° 103, pp. 3165-3170.

  • (2) www.amphibianark.org

  • (3) V. Gewin : « Riders of a modern-day ark », PLoS Biol, 2008, vol. 6, n° 1, p. 24.

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