Un manifeste est lancé pour sensibiliser les gouvernements à la disparition des primates - La Semaine Vétérinaire n° 1312 du 25/04/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1312 du 25/04/2008

Biodiversité. Déclin des grands singes

Actualité

Auteur(s) : Valentine Chamard

Il est minuit moins cinq pour les grands singes », selon Hedwige Boesch, de la Wild Chimpanzee Foundation (Leipzig, Allemagne). Les spécialistes sont unanimes : si rien n’est entrepris pour lutter contre la déforestation, gorilles, chimpanzés et bonobos auront disparu d’ici au milieu du siècle. Pour les orangs-outans, la situation est encore plus dramatique. Dans vingt ans, ils pourraient bien ne survivre que dans des zoos. « Chaque année, près de dix millions d’hectares de forêts disparaissent, rasées, brûlées, massacrées. Les grands singes comptent parmi les premières victimes de ce crime contre la biodiversité, ainsi que les hommes qui vivent dans et de la forêt », témoigne Emmanuelle Grundmann, primatologue. « La situation sur le terrain continue de se dégrader et il est impératif de faire appel aux gouvernements pour qu’ils cessent de soutenir l’exploitation anarchique et illégale des forêts tropicales, ainsi que le commerce de viande de brousse », poursuit Christophe Boesch, de l’Institut Max Planck pour l’anthropologie évolutive (Leipzig).

Un million de signatures sont souhaitées pour une action de poids

Cet appel vient de se concrétiser par le lancement du manifeste mAn (manifesto for apes and nature), assorti d’un objectif ambitieux : recueillir le soutien d’un million de personnes à travers le monde. Ses auteurs, tous spécialistes des grands singes, espèrent que le nombre de signatures obtenues leur permettra de taper du poing sur la table des gouvernements, mais aussi des organisations internationales et des dirigeants des multinationales impliquées dans la déforestation. Parmi la centaine de signataires officiels figurent des primatologues de tous les continents engagés sur le terrain pour la protection des espèces et des écosystèmes. Des professeurs d’université en psychologie, en sociologie, en anthropologie, en anatomie, en éco-éthologie et, bien entendu, en primatologie, soutiennent aussi cette action. Un site Internet (www.apesmanifesto.org) a été créé afin de récolter les signatures de soutien de tous ceux qui souhaitent que la régression des populations de grands singes soit stoppée.

Sauver les grands singes pour sauver l’homme

Sauver les grands singes ne revient pas seulement à préserver ces animaux. Cela signifie aussi protéger les forêts tropicales, essentielles pour la planète. La disparition à grande échelle de ces forêts, qui résulte d’une exploitation effrénée, menace non seulement la survie de cet écosystème et de sa biodiversité, mais aussi celle des peuples indigènes qui en dépendent. Elle engendre par ailleurs de graves problèmes environnementaux. La déforestation est en effet une cause majeure d’émission de gaz à effet de serre, donc du réchauffement climatique. « Si les grands singes venaient à disparaître, l’humanité ne s’en relèverait pas », conclut Blaise Mulhauser, du Natural History Museum (Neuchâtel, Suisse).

Le manifeste

« Nous, citoyens de la Terre, demandons à nos gouvernements et aux instances internationales d’accepter comme devoir suprême de sauvegarder et protéger les primates et de tout mettre en œuvre pour :

1. Exiger une gestion durable et respectueuse de l’environnement des forêts tropicales, habitats des grands singes.

2. Interdire toute importation de bois tropicaux non reconnus comme provenant d’un commerce respectueux de l’environnement répondant aux critères établis par la certification FSC(1).

3. Contribuer à la mise en place d’exploitations de ressources minières (or, pétrole, diamant, coltan, fer, etc.) respectueuses de l’environnement et des populations locales.

4. Faire cesser le braconnage de grands singes, ainsi que le trafic de “viande de brousse” associé et celui de jeunes individus vendus comme animaux de compagnie.

5. Réaliser des contrôles sévères afin de respecter les points 2, 3 et 4 de ce manifeste auprès des entreprises travaillant en zone tropicale, notamment celles dont le siège social est établi dans nos pays occidentaux respectifs.

6. Engager des moyens financiers importants pour la mise en application des clauses 1 à 5, en développant notamment des projets de gestion durable avec les populations locales. »

(1) Forest Stewardship Council.

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