Les poneys prédisposés à la fourbure possèdent des particularités métaboliques - La Semaine Vétérinaire n° 1311 du 18/04/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1311 du 18/04/2008

Syndrome métabolique

Formation continue

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Isabelle Desjardins

Une diminution de la sensibilité à l’insuline, une hausse des triglycérides sanguins et une hypertension sont notées chez les poneys atteints.

Parmi les populations de poneys, et particulièrement ceux qui sont gardés au pré, certains sont prédisposés à des épisodes récurrents de fourbure et sont insulino-résistants. L’hypothèse avancée est qu’ils souffrent du syndrome métabolique, analogue à celui observé en médecine humaine, et caractérisé par une insulino-résistance, une hypertension et une dyslipidémie. Chez l’homme, ce syndrome apparaît chez des individus génétiquement prédisposés, en raison d’une alimentation inadaptée et d’un manque d’activité physique. Cette affection constitue un facteur de risque important pour le développement ultérieur de maladies cardio-vasculaires.

Des dépôts adipeux excessifs au niveau de l’encolure et de la queue

Chez le poney, le syndrome métabolique pourrirait avoir des répercussions vasculaires (toxicité pour les cellules endothéliales et ischémie digitale) à l’origine de la fourbure chronique observée. Les animaux prédisposés à ces épisodes de fourbure ont un phénotype particulier, avec des dépôts graisseux au niveau du chignon et de la base de la queue.

Au pré, l’incidence de fourbures la plus élevée est notée au printemps et en été, sans doute en raison du contenu élevé en hydrates de carbone de l’herbe durant ces deux saisons. Les hydrates de carbone sont stockés dans l’herbe sous forme de polymères de fructose et leur concentration augmente dans des conditions climatiques favorables. En outre, il est démontré qu’une hausse de la consommation d’hydrate de carbone exacerbe l’insulino-résistance chez le cheval.

Pour le moment, il reste à savoir si ce phénotype est constamment associé à l’expression plus ou moins tardive d’une fourbure au sein de l’effectif des poneys en général.

Simon Bailey et ses collaborateurs(1) ont étudié un groupe de quatre-vingts poneys, représentatif de la population de ces animaux au Royaume-Uni, pour déterminer le phénotype métabolique des individus prédisposés à la fourbure et déterminer l’influence des saisons sur l’expression de ce phénotype.

Ces poneys sont gardés au pré toute l’année, avec du foin en complément l’hiver. Chez la moitié d’entre eux, au moins un épisode aigu de fourbure a été diagnostiqué au cours des trois années précédentes, mais ils ne présentent pas de signes cliniques de cette affection au moment de l’étude. L’autre moitié de l’effectif correspond au groupe “contrôle”. Les deux lots sont appariés selon leur âge, leur race et leur état d’embonpoint. Les poneys qui présentent une boiterie chronique, des signes radiographiques de maladie dégénérative articulaire, un dysfonctionnement pituitaire de la pars intermedia de l’hypophyse, une maladie de Cushing ou de l’obésité (indice corporel supérieur à 7 sur 9) sont exclus de l’étude.

Le poids des poneys est évalué à l’aide d’une mesure du tour du thorax et d’une formule barymétrique, complétées par la mesure de la distance entre la crête occipitale et le garrot, celle de l’épaisseur et de la hauteur du chignon au-dessus du ligament nuchal, et par l’évaluation de l’indice d’état corporel (codifié sur une échelle de 1 à 9). La pression artérielle (moyenne, systolique et diastolique) est estimée indirectement par une méthode oscillométrique (artère coccygienne).

Du sang veineux est prélevé entre 9 h et 16 h (pour diminuer les variations diurnes), afin de mesurer la concentration sérique en glucose, triglycérides, acide urique, insuline et corticotrophine (ACTH). La sensibilité à l’insuline est déterminée à partir des mesures sanguines en insuline basale, en glucose et via une équation (proxy measurements).

Une diminution non significative du poids corporel et de l’épaisseur du chignon est identifiée dans les deux groupes durant l’été, par rapport à l’hiver. En revanche, il n’existe pas, sur l’année, d’écart de poids ou d’embonpoint entre le groupe “contrôle” et celui des poneys prédisposés à la fourbure.

Une différence statistiquement significative est mise en évidence concernant la pression artérielle moyenne, plus élevée chez les poneys prédisposés à la fourbure, en période estivale.

Aucune différence n’est perceptible au niveau des concentrations en ACTH sanguine dans les deux effectifs. En revanche, la majorité des poneys des deux groupes présentent une augmentation de la concentration en ACTH pendant l’hiver, par comparaison avec l’été.

D’un point de vue métabolique, il existe aussi une différence statistiquement significative entre les deux lots en été, les poneys prédisposés à la fourbure ayant une concentration augmentée en insuline, en triglycérides et en acide urique, mais pas en glucose. De même, la mesure “proxy” de la sensibilité à l’insuline est significativement diminuée en été chez les poneys à prédisposition pour la fourbure.

Plusieurs facteurs favoriseraient l’installation de la fourbure

Le fait que la glycémie demeure normale dans les deux groupes indique que l’insulino-résistance des poneys prédisposés à la fourbure est compensée.

L’association entre l’obésité et un état insulino-résistant est démontrée chez le poney et le cheval, mais les animaux de l’étude avaient un indice corporel inférieur à 7 sur 9. En outre, un état corporel constant est maintenu tout au long de l’année dans cette étude, et la baisse de poids estivale non significative pourrait être mise en relation avec un biais dans la mesure (poil d’été fin, alors que le poil d’hiver est épais). Les mesures de la taille et de l’épaisseur des dépôts adipeux n’ont pas varié dans les deux groupes durant toute l’année, contrairement à la sensibilité à l’insuline.

La concentration moyenne en ACTH, similaire entre les deux groupes, a augmenté pendant la période hivernale, confirmant des résultats déjà publiés à propos de l’influence automnale et hivernale sur l’axe hypothalamo-hypophysaire de poneys en bonne santé.

A l’image de ce qui est observé chez l’homme atteint de syndrome métabolique, les poneys prédisposés à la fourbure présentent une hypertension, par rapport au groupe “contrôle”. L’origine exacte de cette hypertension demande à être explorée. Il est connu que, dans la phase initiale de fourbure aiguë, un phénomène de vasoconstriction et un afflux de neutrophiles sont observés. Un dysfonctionnement des cellules endothéliales digitées pourrait exacerber le phénomène de vasoconstriction, favorisant le développement d’une fourbure, et constituerait un lien important entre le syndrome métabolique apparent des poneys et leur prédisposition à cette affection. Il est aussi démontré qu’un état de résistance à l’insuline engendre des dysfonctionnements des cellules endothéliales, directement et indirectement.

L’insulino-résistance pourrait également avoir des répercussions directes sur l’apparition de fourbures, en entravant la capture du glucose par les cellules épithéliales lamellaires dont le bon fonctionnement repose sur l’utilisation de quantités élevées de glucose.

L’augmentation de la concentration en triglycérides sanguins chez les poneys à prédisposition pour la fourbure pourrait indiquer la présence d’une dyslipidémie, probablement associée à l’insulino-résistance, bien que le lien entre les deux ne soit pas encore précisément connu.

Une ressemblance avec le syndrome métabolique humain confirmée

La recherche en médecine humaine a permis de montrer qu’une augmentation de la consommation de fructose est un facteur favorisant le développement d’un syndrome métabolique. A l’heure actuelle, il reste à déterminer si l’ingestion des hydrates de carbone contenus dans l’herbe engendre une absorption substantielle de fructose. Chez d’autres espèces, l’acide urique est un produit du catabolisme du fructose et peut favoriser une insulino-résistance et un dysfonctionnement endothélial. Or, la concentration sérique en acide urique est augmentée en été chez les poneys prédisposés à la fourbure, par rapport au groupe de contrôle.

Il semble donc exister une composante génétique claire au syndrome métabolique “préfourbure” chez le poney. La consommation d’herbe au pré en été induirait des réponses métaboliques anormales, conduisant à l’expression du phénotype “prédisposition à la fourbure”. La présence d’une diminution de la sensibilité à l’insuline, d’une augmentation des triglycérides sanguins et d’une hypertension chez les poneys prédisposés à cette affection confirme la ressemblance avec le syndrome métabolique humain.

  • (1) S.R. Bailey, J.L. Habershon-Butcher, K.J. Ransom, J. Elliott, N.J. Menzies-Gow : « Hypertension and insulin resistance in a mixed-breed population of ponies predisposed to laminitis », Am. J. Vet. Res., 2008, vol. 69, n° 1, pp. 122-129.

VOIR AUSSI

• A. Benamou-Smith : « Syndrome métabolique équin : état des lieux et éléments de comparaison avec l’homme », Pratique vétérinaire équine, 2007, vol. 39, n° 154, pp. 37-41.

• X. d’Ablon : « Fourbure, obésité et troubles endocriniens : syndrome métabolique équin ? », Pratique vétérinaire équine, 2004, vol. 36, n° 141, pp. 47-52.

• X. d’Ablon : « Fourbure, obésité et troubles endocriniens chez le cheval et le poney : rappels d’endocrinologie », Pratique vétérinaire équine, 2004, vol. 36, n° 141, pp. 41-46.

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