LE VÉTO RURAL, PARENT PAUVRE DE L’AIDE À L’INSTALLATION - La Semaine Vétérinaire n° 1311 du 18/04/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1311 du 18/04/2008

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Auteur(s) : Nicolas Fontenelle

En trente ans, le nombre de praticiens exerçant en milieu rural a été divisé par cinq. Le maillage vétérinaire atteint aujourd’hui son point de rupture. Or les aides à l’installation qui existent sont largement insuffisantes et essentiellement tournées vers les médecins.

Peu à peu, les vétérinaires désertent la campagne. En 1972, les ruraux représentaient 85 % de l’ensemble des praticiens. Ils sont moins de 20 % aujourd’hui. Et encore, cette catégorie comprend les praticiens mixtes. L’activité rurale “pure” est en effet en voie de disparition. « Moins de mille confrères exercent strictement cette activité », précise Michel Baussier, vice-président du Conseil supérieur de l’Ordre. Le constat est sans appel. Certains départements sont tout simplement désertés.

Le Territoire de Belfort, la Lozère, les Hautes-Alpes, l’Ariège, les Alpes de Haute-Provence, la Haute-Marne, l’Aube, la Meuse, l’Ardèche ou encore le Lot comptent moins de soixante-cinq praticiens. Conséquence : de plus en plus de vétérinaires ne trouvent pas de repreneur et doivent fermer. Ceux qui restent sont dans l’obligation de couvrir une zone géographique toujours plus vaste. Un problème insoluble en montagne. « Il n’est pas rare que je parcoure 30 à 40 km entre deux clients, et cela monte parfois à plus de 100 l’été, témoigne Jean-Marc Petiot, vétérinaire rural de montagne, installé à Albertville (Savoie). Aujourd’hui, quel jeune voudrait s’installer dans ces conditions ? » Le problème est patent, même dans les départements plus fournis. « En Gironde, 80 km me séparent du premier confrère qui s’occupe de vaches, relate Rémi Gellé, praticien à Blaye et président du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL). Dans le Lot ou la Drôme, cette distance est parfois de 120 km. »

Le maillage vétérinaire a-t-il atteint sont point de rupture ? « Il faut relativiser les chiffres, tempère Michel Baussier. Le taux de praticiens ruraux baisse, mais au sein d’une profession dont les effectifs ont triplé en trente ans. Le phénomène, au fond, est moins lié à une désertification du milieu rural qu’à une hyperconcentration en milieu urbain, directement associée à l’explosion de la canine, la tendance majeure des quarante dernières années. »

« Nous ne sommes pas encore dans l’urgence extrême, analyse dans le même sens Jacques Risse, membre de l’Académie vétérinaire. Lorsque j’ai rédigé un rapport sur le sujet à la demande du ministère de l’Agriculture en 2001, la situation était tendue. Or rien n’a été fait depuis pour l’améliorer. Beaucoup de confrères installés en milieu rural sont des baby boomers qui ne tarderont pas à partir en retraite. C’est maintenant qu’il faut réagir. Après, il sera trop tard. Si le maillage craque vraiment, notre pays n’aura plus de réseau de surveillance sanitaire et il sera difficile de le reconstruire. En tout cas, cela coûtera très cher. »

Les causes de cette désertification sont connues : activité moins rémunératrice, conditions de travail plus pénibles, manque de considération des éleveurs, concurrence des coopératives agricoles, formation initiale davantage orientée vers les animaux de compagnie, crainte de l’isolement géographique et culturel, féminisation accrue de la profession.

Les vétérinaires ne sont pas suffisamment médiatiques

« Le vétérinaire rural n’est plus un médecin de l’animal, mais un certificateur d’actes, résume, sans fard, Michel Baussier, lui-même praticien mixte à prédominance rurale. L’économie a pris le pas sur la passion du métier. On ne fait plus de chirurgie, mais des tâches administratives répétitives et frustes, on labellise la production animale. » Jusqu’ici, rien n’a été entrepris ou presque pour enrayer cette désaffection et redonner du souffle à la rurale. « Ce n’est pas faute d’avoir alerté les pouvoirs publics, régulièrement et depuis plusieurs années, peste Rémi Gellé. Mais nos propositions sont toujours restées lettre morte. Visiblement, nous ne sommes pas assez médiatiques. » Le président du SNVEL fait référence aux médecins qui souffrent eux aussi de déséquilibres démographiques marqués dans certaines zones rurales, mais qui bénéficient de l’attention et d’aides financières parfois importantes de l’Etat et des collectivités locales (voir article en page 29). Aujourd’hui, les seules aides financières disponibles pour les vétérinaires qui souhaitent exercer en zone rurale découlent de la loi relative au développement des territoires ruraux, adoptée en 2005. Le texte définit des zones de revitalisation rurale (ZRR). Un professionnel qui s’y installe peut profiter d’exonérations de taxe professionnelle et de baisses d’impôt sur les bénéfices ou les revenus (voir encadré en page 27). L’impact de ce texte est difficile à estimer avec précision. Le ministère de l’Agriculture ne dispose d’aucune statistique sur le sujet et renvoie vers les collectivités locales (communes, communautés de communes, conseils généraux, etc.). En effet, ce sont elles qui décident de l’application de l’exonération de la taxe professionnelle et peuvent, si elles le souhaitent, aller plus loin pour faire venir les professions de santé sur leur territoire. Or, si elles ne manquent pas d’imagination pour les médecins, le calme plat règne pour les vétérinaires. « Ce n’est pas la priorité des collectivités locales, concède Claude Halbecq, vice-président du Conseil général de la Manche et ancien praticien. Certes, il commence à y avoir un problème de démographie vétérinaire évident, mais ce n’est rien comparé aux difficultés d’accès aux soins médicaux rencontrées par nos concitoyens. Comme ailleurs, les médecins constituent la priorité de notre département. Nous tentons de les attirer en aidant à la création de maisons médicales et en développant les infrastructures de communication à haut débit. » « Voici deux ou trois ans, deux communes de la Creuse souhaitaient aider les confrères qui viendraient s’installer, notamment en proposant des locaux. Nous avons fait passer le message dans la profession, mais personne n’a répondu à l’appel », se souvient-on au SNVEL.

Le financement des études des futurs ruraux fait partie des pistes évoquées

Et si la profession demandait à bénéficier des mêmes aides que les médecins ? « Pourquoi pas ? Ces mesures vont dans le bon sens, mais elles sont insuffisantes. Je ne crois pas que seule la carotte fiscale ou financière suffise à favoriser l’installation des plus jeunes en milieu rural, analyse Michel Baussier. Il y a bien d’autres choses à mettre en place, par exemple favoriser le concours d’entrée aux BTS agricoles, faire passer un entretien de motivation pour les candidats au concours, revaloriser les filières de production dans les écoles ou défendre la rémunération de notre prestation intellectuelle plutôt que de nos actes. » D’autres pistes sont également évoquées : « La rémunération correcte du vétérinaire pour son rôle de sentinelle, en plus de son mandat sanitaire, suggère Jacques Risse. Il serait aussi envisageable de financer une partie des études des futurs vétérinaires qui souhaitent s’installer en milieu rural et de réserver aux ruraux des postes de contractuels dans le service public à partir de cinquante ou cinquante-cinq ans, lorsque le métier devient vraiment pénible. »

« Au moment du vote de la loi Sarkozy sur les heures supplémentaires, nous avons proposé la défiscalisation des astreintes et des heures de gardes ou l’exonération des taxes sur les transmissions de sociétés pour favoriser le rachat de clientèle en milieu rural. Sans réponse, regrette Rémi Gellé. Mais la mesure à prendre rapidement concerne le regroupement et la mise en réseau des compétences pour fédérer les petites clientèles et développer un maillage territorial plus dense. C’est sur ce point que l’Etat doit nous aider, fortement et maintenant. »

Les idées ne manquent pas. Faudra-t-il attendre une catastrophe sanitaire pour que les pouvoirs publics entendent enfin les vétérinaires ?

Aides à l’installation pour les vétérinaires

• En zones de revitalisation rurale (ZRR) :

- exonération de la taxe professionnelle pendant les cinq ans (sauf avis contraire des collectivités locales concernées) qui suivent l’installation ou le regroupement pour les vétérinaires ayant un exercice rural ;

- exonération totale d’impôts sur les bénéfices pour les entreprises exerçant une activité non commerciale créées en ZRR depuis le 1er janvier 2004. Pour les autres, exonération totale pendant cinq ans, puis 60 % pendant les cinq années suivantes, 40 % pendant deux ans et 20 % les deux années d’après ;

- exonération de la fiscalité directe locale (taxes foncière, professionnelle, pour frais de chambre des métiers ou de chambre d’industrie et de commerce) : au choix des collectivités, durant les deux à cinq années qui suivent la création de l’entreprise.

• Fonds de garantie à l’initiative des femmes : il permet de garantir un prêt bancaire dans le cadre d’une création d’entreprise par une femme (www.femmes-egalite.gouv.fr).

• Aide aux chômeurs créateurs repreneurs d’entreprises (ACCRE) : exonération de charges sociales pendant un an. Après avoir obtenu l’ACCRE, possibilité de versement d’une aide financière par l’Assedic (www.travail.gouv.fr et www.assedic.fr). La demande se fait auprès des Directions départementales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP).

N. F.

Cas des pharmaciens et des dentistes

Les pharmaciens d’officine sont les seuls professionnels libéraux de santé dont l’installation est réglementée par un numerus clausus : une pharmacie pour 2 500 habitants (3 500 en Alsace). Le réseau officinal dispose donc d’un atout exclusif : la proximité par rapport aux patients, notamment dans les zones rurales. Les pharmaciens peuvent, comme les vétérinaires, bénéficier de la loi sur les zones de revitalisation rurale. Aucune autre mesure d’aide spécifique à l’installation en zone rurale n’existe.

Les chirurgiens-dentistes ne sont pas non plus réellement soutenus. Mais l’aide à l’installation dans les zones déficitaires fait partie de la dernière convention signée avec l’assurance-maladie en 2006. Déjà, comme les médecins, des indemnités d’étude et de projet professionnel pour les titulaires du concours de médecine, inscrits en faculté de chirurgie dentaire, peuvent être distribuées par les collectivités locales.

Ces deux professions, comme toutes celles de santé humaine d’ailleurs, bénéficient de la surveillance pointilleuse de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS). Créé en 2003, il est chargé de rassembler des données chiffrées et de fournir des études prospectives sur ce thème. Chaque année, il publie un rapport qui oriente la politique de l’Etat.

N. F.
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