S’efforcer de rester libre - La Semaine Vétérinaire n° 1310 du 11/04/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1310 du 11/04/2008

Entre nous

VOUS AVEZ LA PAROLE

Auteur(s) : Jean-Luc Roux

Fonctions : praticien à Saint-Etienne (Loire)

J’ai reçu, comme tous les confrères praticiens, une proposition pour une « formation évaluation dangerosité » à un « prix extrêmement bas pour une formation de cette qualité (…) ». Inutile, donc, d’attendre les soldes… Une ligne en bas du prospectus indique que « la formation à l’évaluation de la dangerosité est une manifestation unitaire ». Tous ensemble ! Avec en tête le SNVEL, suivi de près par Zoopsy, etc. Le logo de l’Ordre est présent, sans afficher son nom, pour une fois. Disons que c’est tant mieux.

Déjà, les ayatollahs nous avaient mis en garde : point de salut sans l’utilisation de leurs grilles d’évaluation et tant pis pour ceux à qui l’on avait enseigné, dans leur tendre enfance, que l’addition de pommes et de poires risquait de donner des scoubidous.

J’étais naïf à ma sortie de l’école, il y a une trentaine d’années. J’ignorais jusqu’à l’existence des american staffordshire trucs et des bull machins. Bêtement, je croyais qu’un chien était un animal susceptible de mordre ; stupidement, je croyais qu’un carnivore de 60 kg n’avait rien à faire dans un appartement, HLM ou autre. J’ignorais que les phéromones étaient susceptibles d’empêcher un félin de mordre ou de griffer la petite fille qui l’avait reçu en cadeau à Noël et le manipulait comme une poupée qu’il n’est pas. Je ne savais pas que la même petite fille recevrait un peu plus tard, toujours en cadeau, un cheval dont elle ne connaissait même pas l’odeur et qu’elle serait conduite à lui “brumiser” dans les trous de nez le même type de produit pour réussir, peut-être, à l’utiliser sans la formation normalement nécessaire. En résumé, j’étais idiot. Et quand on naît idiot, on le reste. J’ai oublié d’évoluer.

Quand la médecine humaine allopathique a montré ses limites, quelques charlatans ont songé à l’homéopathie. La psychiatrie ne résolvant pas tout, apparurent la psychanalyse, les psychothérapeutes, les psychosociologues… j’en passe et pas forcément des meilleurs. Nous savons ce que cela donne comme résultat. Récemment, Médor, à la suite d’une série d’infractions pénales de la part de ses détenteurs, a contracté la rage. Il a vaguement croisé Mirza, Snoopy et d’autres. Ils ont été euthanasiés. Il le fallait pour éviter tout risque de contagion humaine. Le délinquant à l’origine du massacre est sans doute prêt à recommencer. Peu importe, nous n’allons tout de même pas aller jusqu’à nous en prendre à lui !

Non, les policiers continueront à ne rien comprendre aux lois qu’ils sont en charge de faire appliquer. Gageons que si les politiques s’en aperçoivent, ils en promulgueront d’autres, qui s’ajouteront à celles qui existent déjà et qui, bien entendu, ne seront toujours pas appliquées afin, surtout, que le bons sens ne l’emporte pas.

Et dans cet environnement, on voudrait que je paye, entre autres, « neuf heures de théorie en séance plénière » ? Là, je dis non !

Quand j’aurai à évaluer la dangerosité d’un chien, je le ferai en conscience, fort de mon diplôme et de mon expérience. Je parviendrai, je crois, à me passer de cette manifestation unitaire. Je prendrai et assumerai la responsabilité qui sera alors la mienne. Je privilégierai la santé humaine, je ne chercherai pas à me camoufler derrière quelque verbiage que ce soit, je dirai ce qui me semble bon et ce qui me semble mal. Je continuerai cependant à me méfier de tout mercantilisme. Plus généralement, je continuerai à vivre sans entrer forcément dans un protocole de pratiques recommandées pour satisfaire mes fonctions vitales. En somme, je m’efforcerai de rester libre.

  • (1) PRESSEcontact n° 20, mars 2008, consacrée au rapport Attali.

Lu, vu, entendu

« La France, à l’aune des statistiques européennes, manque-t-elle de vétérinaires ? Ceux-ci sont-ils trop payés ? La question n’est pas explicitement posée dans le rapport [Attali], mais lui est sous-jacente (…). On peut se demander, en outre, si contrairement à ce que pensent les auteurs de la proposition, la création d’un statut d’infirmiers-vétérinaires, pour certains actes, ne se traduirait pas par une augmentation des actes et, en définitive, par une médecine vétérinaire plus chère ! »

« (…) Le principal problème posé par la profession vétérinaire aujourd’hui en France est sa féminisation excessive par rapport aux besoins, lesquels ne concernent pas seulement les animaux de compagnie, pour un exercice professionnel concentré dans les villes. Les animaux de rente, en clair les animaux de ferme, ont besoin de praticiens, capables d’exercer un travail physiquement éprouvant tout en acceptant de vivre, sinon dans le milieu rural, dans sa proximité immédiate. Une des questions qu’il convient, dès lors, de se poser est de savoir s’il ne faudrait pas créer des spécialités dans les écoles – à défaut de pouvoir instituer des quotas ! – en réservant, aujourd’hui, des places pour les hommes, avec obligation, à la sortie, d’exercer un certain nombre d’années en médecine vétérinaire rurale ! »

Extraits de l’intervention de Me Bernard de Froment, publiée dans la lettre de l’Ordre(1)
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