Les ulcères cornéens indolents nécessitent de résoudre l’anomalie “mécanique” - La Semaine Vétérinaire n° 1308 du 28/03/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1308 du 28/03/2008

Ophtalmologie équine

Formation continue

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Isabelle Desjardins

Cette affection, assez fréquente, requiert généralement une kératotomie linéaire et un traitement médical.

Un ulcère cornéen indolent est un ulcère qui persiste de façon prolongée, sans explication apparente. Ce terme peut être employé dans la mesure où aucune évolution de la lésion n’est constatée pendant plus de dix à quatorze jours, malgré un traitement approprié et en l’absence de causes infectieuses mal ou non identifiées. L’ulcère devient amorphe, non évolutif, en raison de l’incapacité de l’épithélium cornéen à s’attacher sur le stroma. Plusieurs hypothèses pathogéniques sont avancées : la formation de membranes, une activité enzymatique insuffisante ou inappropriée, un signal chimique altéré ou séquestré. La connaissance du mécanisme exact n’est pas nécessaire, dans la mesure où la lésion disparaît lorsque l’anomalie “mécanique” est résolue.

L’examen nécessite une paupière éversée et une membrane nictitante rétractée

L’affection concerne généralement des chevaux d’âge moyen à avancé (de douze à vingt-cinq ans) ou des jeunes qui tolèrent mal l’application fréquente de traitements ophtalmiques. Aucune prédisposition de genre ou de race n’existe. L’ulcère persiste plus de deux à trois semaines, jusqu’à huit parfois.

Les symptômes caractéristiques sont un épiphora copieux, un blépharospasme substantiel et une hyperhémie conjonctivale variable. Souvent, les chevaux blessent eux-mêmes leur œil affecté. Les signes d’uvéite associés sont légers. La pupille répond bien au traitement mydriatique et aucune trace d’injection épisclérale n’est observée.

L’examen cornéen direct révèle un ulcère superficiel, sans perte de substance stromale, ainsi qu’une marge épithéliale irrégulière, opaque, “rabattue” ou retournée. Elle peut être aisément déplacée avec l’extrémité d’un coton-tige. Le stroma apparaît œdématié et grisâtre. La présence de petites bulles à la surface cornéenne suggère que le processus d’épithélialisation est en cours, mais que l’adhérence est incomplète. Il est rare de noter une fibrose de la lésion.

Une observation minutieuse permet de déceler la cause mécanique de l’ulcération indolente : présence d’un corps étranger (écharde, brin de foin, etc.), de cils ectopiques à la surface de la cornée, de lésions (congénitales ou traumatiques) de la paupière inférieure frottant sur la cornée, de distichiase (rangée supplémentaire de cils implantée à l’endroit où aboutissent les canaux excréteurs des glandes de Meibomius), etc. Pour cela, la paupière doit être complètement éversée et la membrane nictitante totalement rétractée.

L’identification de cils est facilitée par la coloration à la fluorescéine (qui engendre de petites bulles vertes à leur surface). Par ailleurs, une hyperpigmentation de la cornée est fréquente lors de cil ectopique. En outre, quand le cheval a été traité grâce à un système de lavage sous-palpébral, ce dernier est probablement la cause de l’ulcération persistante (frottements). Il faut alors le retirer et le replacer.

Plusieurs situations trompeuses sont à écarter dans le diagnostic de l’ulcère indolent. Ainsi, lorsque le stroma apparaît décoloré et/ou de consistance anormale (non ferme, voire liquéfié), une infection est probablement en cause. Il faut alors réaliser des prélèvements cyto-bactériologiques. Par la suite, une forme indolente peut être évoquée si la lésion stromale ne s’épithélialise pas dans les deux semaines qui suivent la résolution des signes précités (c’est-à-dire quand le stroma possède des bords fermes, qu’il n’existe pas d’infiltration et qu’aucune cause mécanique n’est mise en évidence).

Le traitement est à la fois chirurgical et médical

Le traitement le plus adapté consiste en une kératotomie linéaire (ou kératotomie en grille), dans laquelle le stroma cornéen est scarifié de façon superficielle avec une aiguille, en traçant des lignes parallèles, puis leurs perpendiculaires. Cet acte, simple et rapide, est réalisé sur un cheval debout, tranquillisé via une anesthésie du nerf auriculo-palpébral et une anesthésie locale du globe oculaire (à la tétracaïne, la lidocaïne étant plus épithéliotoxique). Cette technique permet de stimuler la cicatrisation, avec un tissu cicatriciel minimal. En revanche, elle est contre-indiquée lors d’ulcères cornéens infectés. Si un doute subsiste quant à la cause de la persistance de l’ulcère, un examen cytologique est indispensable. Il peut être nécessaire de répéter la procédure en l’absence de cicatrisation après au moins deux semaines d’observation, mais cela reste rare.

La réponse à la kératotomie est efficace en dix à quatorze jours dans la plupart des situations. Dans le cas contraire, une kératectomie associée à un flap conjonctival doit être envisagée.

Le traitement médical vise à entretenir une lubrification adéquate de l’œil (par du sérum autologue, des larmes artificielles), à prévenir les surinfections (antibiotiques topiques) et à diminuer la douleur (utilisation d’atropine à effet mydriatique et cycloplégique). Les médicaments locaux sont administrés toutes les six à huit heures. Des anti-inflammatoires non stéroïdiens sont aussi à administrer, par voie générale, deux fois par jour. Il est recommandé d’utiliser des collyres plutôt que des crèmes, car celles-ci, appliquées toutes les quatre heures, forment un film résiduel sur le stroma qui empêche la fixation de l’épithélium cicatriciel.

  • Source : T.J. Cutler : « Diagnosis and treatment of indolent corneal ulcers », proceedings du congrès annuel de l’American College of Veterinary Internal Medicine, 2007, Seattle (Etats-Unis).

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