L’utilisation d’analgésiques n’est pas requise chez le fœtus in utero - La Semaine Vétérinaire n° 1308 du 28/03/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1308 du 28/03/2008

Analgésie chez les fœtus et les nouveau-nés

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Salah Eddine El Moustaghfir*, Eric Troncy**

Fonctions :
*Faculté de médecine vétérinaire, université de Montréal.
**Faculté de médecine vétérinaire, université de Montréal.

Les stimulations nociceptives ne peuvent amener le fœtus à un état de sensibilité consciente.

Il est communément admis que les fœtus humains et animaux sont conscients, de par leur capacité in utero à répondre au toucher, aux sons et à la douleur, ainsi que par leur degré de réponse à ces mêmes stimuli à terme (dans le dernier quart de la gestation chez la femme) ou encore à la reconnaissance de la voix de leur mère pour la majorité des bébés à la naissance.

En contradiction avec la littérature scientifique publiée depuis trente-cinq ans, et malgré les conclusions des chercheurs qui différencient la physiologie fœtale de la physiologie néonatale, la plupart des comités de bien-être animal ont récemment statué sur la perception de douleur chez les fœtus, recommandant en conséquence l’analgésie.

Le développement neurologique passe par des niveaux d’inconscience

Etre vivant, posséder un cortex mature capable de traduire la douleur et avoir une sensibilité consciente (connexion entre le thalamus et le cortex cérébral) sont les prérequis pour une perception douloureuse, selon notre confrère David J. Mellor, de l’Animal Welfare Science and Bioethics Centre (Nouvelle-Zélande).

Durant son développement, le fœtus passe par quatre niveaux d’inconscience. L’électro-encéphalogramme (EEG) est d’abord silencieux, puis montre des pics sporadiques. Des vagues d’activité sont ensuite visibles, sur fond de silence électrique, suivies par des ondes de sommeil continues, incompatibles avec un état de conscience.

La maturation du cortex s’exprime par la suite via une aptitude à la sensibilité consciente. Tout d’abord, une alternance entre des phases de sommeil MOR (mouvement oculaire rapide) et non-MOR apparaît sur l’EEG. Elle marque le début des capacités fonctionnelles du cerveau. Puis l’EEG traduit une répétition de phases de sommeil et d’éveil. L’absence de conscience durant la vie fœtale est documentée, depuis les années 60, au moyen d’études d’EEG, d’oculo-encéphalogramme, d’électromyogramme des muscles cervicaux et de pression trachéale chez les poulets, puis chez les brebis. A travers un hublot d’observation, des fœtus ovins n’ont montré aucun niveau de conscience(1), malgré une différenciation nette des ondes MOR et non-MOR à partir de 80 % de la durée de gestation.

L’apparition de la conscience est en rapport avec la parturition ou l’éclosion

L’âge d’apparition de la sensibilité consciente diffère selon le stade de maturité du nouveau-né. Ainsi, il peut être immature, comme chez le wallaby (vingt-huit à trente-deux jours de gestation) qui demeure dans la poche marsupiale pendant deux cent cinquante jours. L’EEG reste silencieux jusqu’à cent ou cent vingt jours, puis il reste continu jusqu’à cent cinquante ou cent soixante jours. De cent soixante à cent quatre-vingts jours, l’EEG, compatible avec la sensibilité consciente, est relié aux manifestations comportementales.

Chez les nouveau-nés moyennement immatures, l’âge d’apparition de la sensibilité consciente se situe entre quatre et quatorze jours post partum (quatre jours pour les lapereaux, sept pour les chatons, dix pour les ratons et les souriceaux, quatre à quatorze pour les chiots selon la race, six à quatorze pour les pigeonneaux). Les nouveau-nés matures à la naissance (tels que les agneaux, les chevreaux, les veaux, les faons, les poulains, les porcelets ou encore les cochons d’Inde) sont conscients après la parturition seulement, malgré leur maturité neurologique in utero vérifiée à l’EEG. L’état de non-conscience est donc activement maintenu chez le fœtus par des facteurs neuro-inhibiteurs utérins. En présence d’un cortex mature, ceux-ci empêchent la transduction des influx nociceptifs.

L’état de non-conscience du fœtus est avéré

Trois preuves scientifiques majeures attestent de l’état de non-conscience du fœtus. En premier lieu, en fin de gestation, les études d’EEG démontrent un état comparable au sommeil néonatal, avec des signes de sommeil profond prédominants durant la parturition.

En outre, au moins huit facteurs utérins sont reconnus comme neuro-inhibiteurs : l’adénosine (neuro-inhibiteur et sédatif puissant protecteur du cortex cérébral en cas d’hypoxie), l’allopregnanolone et la pregnanolone (stéroïdes anesthésiques, analgésiques et sédatifs), la prostaglandine D3 (hormone sédative puissante), les peptides placentaires, et enfin les sensations comme la chaleur, une stimulation tactile amoindrie et un état de “flottaison”.

En outre, in utero et à la différence du post-partum, les stimulations nociceptives (hypercapnie induite, sons aigus douloureux et incisions chirurgicales) ne peuvent amener le fœtus à un état de sensibilité consciente, malgré la maturité de son cortex cérébral. A la naissance, sous l’influence de neuro-stimulants (noradrénaline, œstradiol 17ß, gravité, froid) et de la stabilisation de la respiration (hausse de l’oxygène et baisse du gaz carbonique), le nouveau-né développe progressivement ses capacités sensitives (après trois minutes chez l’agneau).

En raison de cet état de non-conscience, l’utilisation d’analgésiques n’est donc pas requise chez le fœtus in utero. Lors d’interventions chirurgicales invasives, l’anesthésie générale et/ou l’épidurale de la mère contribuent de toute façon à le maintenir dans cette non-conscience. Par ailleurs, en l’absence d’études d’innocuité, l’usage des analgésiques est même à proscrire chez le fœtus. A cet égard, les effets toxiques de la morphine (dépression persistante du système respiratoire) et des anti-inflammatoires non stéroïdiens (augmentation de l’incidence des hémorragies cérébrales) sont avérés.

  • (1) H. Rigatto, M. Moore et D. Cates : « Fetal breathing and behavior measured through a double-wall Plexiglas window in sheep », J. Appl. Physiol., 1986, n° 61, pp. 160-164.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr