Il y a bien une émergence de colibacilles résistants à la colistine - La Semaine Vétérinaire n° 1308 du 28/03/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1308 du 28/03/2008

Entre nous

VOUS AVEZ LA PAROLE

Auteur(s) : Patrick Pommier

Fonctions : Centre technique des productions animales, Ploufragan (Côtes-d’Armor).

C’est avec intérêt, mais aussi étonnement, que j’ai lu le courrier de notre confrère Pascal Richez, qui proteste contre la notion d’émergence de colibacilles résistants à la colistine(1) [évoquée dans un article signé par Patrick Pommier(2), Ndlr]. Tout en rappelant que je n’ai fait que rendre compte d’une conférence, je souhaite apporter quelques précisions sur un sujet qui m’intéresse. Comme la plupart des vétérinaires, j’ai appris que cette résistance résulte d’une mutation, et est donc rarissime. De fait, en bientôt trente ans d’activité, dont vingt en recherche clinique, je n’ai jamais vu de résultats d’analyses la relatant. Aussi, lorsqu’au cours d’un même congrès (celui de l’Association française de médecine vétérinaire porcine), huit chercheurs de l’Afssa d’une part et les vétérinaires du Laboratoire départemental d’analyses des Côtes-d’Armor (LDA 22) d’autre part, utilisent le terme d’émergence, j’ai tendance à leur accorder un certain crédit. L’étude signalée (et signée) par Pascal Richez est intéressante, mais extrapole un peu hâtivement des résultats obtenus à partir de quatre séries de vingt-cinq souches en tout et pour tout. Comme il l’indique avec pertinence, nous parlons de taux qui ne dépassent pas 1 ou 2 %. Or l’observation, comme le relate son étude, d’un passage de 0/25 à 1/25 paraît un argument un peu faible pour conclure à une stabilité. Statistiquement, un taux n’est réellement parlant que s’il est accompagné de son intervalle de confiance. Ainsi, l’observation de zéro souche résistante sur vingt-cinq signifie que le taux réel de résistance a quatre-vingt-quinze chances sur cent d’être compris entre 0 et 15 %… Les événements rares, pour avoir quelque chance d’être mis en évidence, nécessitent la prise en compte d’effectifs particulièrement importants. On peut penser que les quelque cinq mille souches étudiées par l’Afssa et les trois mille deux cent soixante-quinze souches du LDA 22 remplissent, elles, ce critère.

Personne ne remet en cause le fait que la colistine reste un antibiotique d’actualité cette année. Mais l’argumentation développée ne me paraît pas suffisante pour me dissuader d’évoquer, « au sujet de la colistine, les résistances des E. coli comme un phénomène récent, inhabituel et probablement sous-estimé ».

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1307 du 21/3/2008 en page 9.

  • (2) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1305 du 7/3/2008 en page 42.

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