La colistine reste d’actualité - La Semaine Vétérinaire n° 1307 du 21/03/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1307 du 21/03/2008

Entre nous

VOUS AVEZ LA PAROLE

Auteur(s) : Pascal Richez

Fonctions : Saint-Genies-des-Mourgues (Hérault)

Un article paru récemment dans La Semaine Vétérinaire(1) présente les résultats publiés par le réseau Resapath en évoquant, au sujet de la colistine, les résistances des Escherichia coli comme un phénomène récent, inhabituel et probablement sous-estimé. Cette interprétation doit être modulée au vu des faits.

L’étude Resapath décrit en effet un certain nombre de souches d’E. coli résistantes à la colistine : vingt-trois isolées de veaux, seize de porcs, cinq de volailles et une de lapins. Ces souches sont toutefois issues d’un effectif largement supérieur à cinq mille, ce qui limite le taux de souches résistantes à moins de 1 % de celles adressées aux laboratoires de référence durant les dernières années. L’approche de l’étude de E. Jouy et coll. (2007) était donc avant tout qualitative et non quantitative. Elle n’évoque donc pas de « résistance annoncée » et ne « révèle » pas l’existence de souches résistantes, un taux de résistance spontanée de l’ordre de 1 % étant connu depuis longtemps.

Il conviendrait par ailleurs, et l’article de E.Jouy et coll. le précise fort justement, de distinguer la notion de résistance fondée sur des valeurs seuils de CMI épidémiologiques (base de cette étude) de celle fondée sur des seuils cliniques. Les valeurs seuils cliniques sont déterminées après une approche pharmacodynamique (CMI) et pharmacocinétique (concentrations effectivement atteintes au site d’action) et n’ont pas été prises en compte dans le travail du Resapath. L’article d’origine le précise d’ailleurs en indiquant que le seuil de CMI retenu (2 µg/ml) peut ne pas représenter le seuil clinique quand la colistine est utilisée par voie orale (ce seuil est alors considéré comme égal à 8 µg/ml).

Une étude française publiée récemment (2007) montre que la résistance à la colistine des E. coli d’origine porcine est restée inchangée au cours des dix-sept dernières années (1989-2006), avec un taux qui n’excède pas 3 % en données cumulées. La valeur moyenne des CMI, représentée par la CMI50, est par ailleurs restée remarquablement stable entre 1989 et 2006 : respectivement 0,43, 0,25/0,5, 0,58 et 0,36 µg/ml en 1989/1992, 1994/1996, 2000/2001 et 2004/2006.

Ces résultats confirment bien que la résistance des E. coli à la colistine est un phénomène connu, marginal et stable, au moins depuis une vingtaine d’années, malgré une utilisation large en élevage. La colistine reste donc un antibiotique d’actualité en 2008.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1305 du 7/3/2008 en page 42.

  • Source : Andrew Levy, Daily Mail, 5/ 3/ 2008.

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Laurent Masson
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