Un enchaînement inédit de cas de rage canine en France - La Semaine Vétérinaire n° 1305 du 07/03/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1305 du 07/03/2008

Zoonose. Circulation du virus rabique

Actualité

Auteur(s) : Michel Bertrou

Le virus de la rage canine circule dans l’Hexagone depuis fin octobre 2007, mais il n’a été identifié que fin février dernier.

Trois mois après le premier cas de contamination rabique d’un chat domestique par une chauve-souris en France et en Europe(1), la rage réapparaît dans l’Hexagone. Le 26 février dernier, l’Institut Pasteur a diagnostiqué avec certitude la présence de l’affection chez une chienne croisée âgée de neuf mois vivant à Grandpuits, en Seine-et-Marne, euthanasiée le 19 février. L’analyse de l’isolat démontre qu’il s’agit d’une souche de rage canine en provenance du Maroc. Le précédent cas de rage canine déclaré en France date d’août 2004, en Gironde. Il s’agissait alors d’un jeune chien illégalement importé du Maroc. En octobre dernier, l’importation illégale d’un chiot marocain a également engendré un cas en Belgique(2).

Si ces cas sont exceptionnels sur le territoire français, indemne de rage autochtone canine et vulpine depuis 2001, ils sont les plus susceptibles de se produire et démontrent, à une époque où la mobilité s’accélère, l’insuffisance des contrôles vétérinaires pratiqués aux portes de l’Europe.

Le nouvel épisode est inédit. Cracotte, la chienne euthanasiée, ne pouvait être le cas initial, puisqu’elle n’avait pas circulé hors du territoire. L’enquête vétérinaire a rapidement permis de remonter au cas index (premier), un chien croisé border collie revenu en France le 27 ou le 28 octobre dernier après un séjour au Maroc. Le virus de la rage a donc circulé en France pendant presque quatre mois, des Hautes-Pyrénées à la Seine-et-Marne en passant par le Gers et le Calvados, mais n’a été identifié qu’à la fin du mois de février. Selon les éléments connus, l’enchaînement des contaminations impliquerait trois chiens : Gamin, Youpi puis Cracotte. Il n’est pas exclu que d’autres soient porteurs du virus.

Monique Eloit, directrice générale adjointe de l’Alimentation, et Didier Houssin, directeur général de la Santé, ont tenu une conférence commune le 29 février pour présenter la situation. L’enquête a identifié une quarantaine de personnes ayant eu un contact avec au moins l’un des trois chiens concernés, dont quatre vétérinaires. Ils ont été pris en charge par les centres antirabiques. En raison du passage de la chienne Cracotte dans une école de Seine-et-Marne, une centaine d’enfants ont par ailleurs été vaccinés le 1er mars. Quatre individus en contact avec le premier chien et repartis au Maroc font actuellement l’objet de recherches. Les autorités sont en quête de toute personne ou animal susceptible d’avoir approché au moins un des chiens atteints pendant les périodes à risque de contamination(3).

En Seine-et-Marne, un arrêté préfectoral a activé un périmètre de vigilance qui inclut trente-cinq communes. Le chat vivant dans la même famille que la chienne Cracotte a en outre été euthanasié. Dans le Gers, un arrêté restreint la circulation des animaux à Montestruc. Le 29 février, six chiens, non identifiés ou non valablement vaccinés, y ont été euthanasiés. Quatre autres sont placés sous surveillance. C’est également le cas de huit chiens dans les Hautes-Pyrénées et le Calvados, parmi lesquels la chienne Babouche, qui voyageait avec Gamin.

Du Maroc à la Seine-et-Marne en passant par le Gers, les Hautes-Pyrénées, etc.

Les premiers résultats de l’enquête et les témoignages des quatre vétérinaires en rapport avec les chiens enragés permettent de reconstituer l’enchaînement des faits.

En janvier 2007, un jeune homme part au Maroc avec ses deux chiens, identifiés et valablement vaccinés, Babouche et Gamin. Ce dernier, le plus jeune, a reçu une primo-vaccination le 11 décembre (dont la rage), ainsi qu’une injection de rappel avant son départ. En juillet, le propriétaire rentre en France, laissant les animaux au Maroc, à la garde de personnes différentes. Gamin, moins bien surveillé, divague. Début octobre 2007, le maître retourne chercher ses chiens, accompagné de son amie. Elle est propriétaire d’un jeune croisé labrador, Youpi, qui, non vacciné, ne fait pas partie du voyage et est hébergé dans une famille du Gers. Au Maroc, le couple récupère Babouche et Gamin, ce dernier présentant un mauvais état général. Un vétérinaire de Casablanca le traite pour une piroplasmose. La santé du chien s’améliore. Le couple, qui voyage en camion, quitte le Maroc le 20 octobre avec les deux animaux. Il entre sans encombre dans l’espace européen, malgré l’absence des titrages d’anticorps qui attestent la validité de la vaccination antirabique. Après une semaine en Espagne et au Portugal, propriétaires et chiens regagnent la France. Le 28 octobre, après une courte halte à Tarbes (Hautes-Pyrénées), ils rejoignent la maison communautaire de Montestruc où ils retrouvent le chien Youpi. Ils y restent une dizaine de jours au milieu de nombreuses personnes et de plusieurs autres chiens. Gamin rechute et est conduit chez une consœur à Auch. Elle note un mauvais état général, une fièvre et de vives douleurs articulaires. L’administration d’un anti-inflammatoire n’apporte qu’une amélioration temporaire. En raison de la dégradation de la santé de l’animal, le propriétaire opte pour l’euthanasie. Il signe une demande d’incinération.

Par la suite, le couple se sépare. La jeune femme, accompagnée de Youpi, se rend chez sa mère à Grandpuits. Après un bref intermède qui conduit propriétaire et chien à Lisieux (Calvados) entre le 15 et le 17 décembre, ce dernier tombe malade le 2 janvier. Trois jours plus tard, dans un état critique, il est conduit chez un confrère qui note un syndrome abdominal aigu. Le chien ne présente apparemment pas de troubles nerveux. Il aurait grogné à l’encontre d’enfants de la famille. La propriétaire et sa mère supposent un empoisonnement et demandent que ses souffrances soient abrégées. L’euthanasie est pratiquée, puis le corps est incinéré. Le 18 février, la chienne Cracotte, qui appartient aux mêmes personnes, est conduite chez un autre praticien des environs. Ce dernier établit un diagnostic d’inflammation du liquide céphalorachidien. Il évoque l’hypothèse de la rage, en raison de l’absence de vaccination et d’identification. Il propose un traitement et précise que le chien ne devra être mis en contact avec aucun autre animal. Il veut également le revoir. Le lendemain, Cracotte tente de fuguer et une fillette se fait mordre. Les propriétaires n’appellent le vétérinaire que le soir. Dans l’impossibilité de les recevoir, il les adresse à une autre clinique en leur demandant de signaler que la chienne a mordu. La consœur de garde note des symptômes neurologiques sévères avec des pertes d’équilibre, une mandibule pendante et les troisièmes paupières apparentes. Le chien essaie de mordre avec des mouvements ralentis. La praticienne propose l’hospitalisation. Le coût et le pronostic sombre conduisent les clients à demander l’euthanasie. Jamais ils n’évoqueront la morsure. Ils signent le document de demande d’euthanasie qui certifie que l’animal n’a ni mordu ni griffé dans les quinze derniers jours.

Le lendemain, la consœur évoque l’étrangeté du cas avec ses collègues. Ils prennent la décision de faire une recherche de rage au moment même où le confrère précédent, prévenu de l’euthanasie par la propriétaire, appelle pour signaler que la chienne a mordu.

Plusieurs confrères estiment que l’information n’a pas circulé assez vite

Il faut espérer que l’histoire en restera là. Elle est suffisamment éloquente pour rappeler aux praticiens combien il importe d’être vigilant. Elle souligne également la difficulté de faire la part des choses face à certains cas désespérés et en présence de clients occasionnels, avec des commémoratifs peu fiables. L’euthanasie, souvent réclamée par les propriétaires lorsque leurs animaux souffrent, reste cependant un acte d’exception dont les conséquences, surtout en l’absence de diagnostic de certitude, doivent être mûrement mesurées. L’épisode démontre également le bien-fondé des règles d’intro-duction des animaux dans l’espace européen, notamment l’examen sérologique pour la rage. Gamin, le cas index était valablement vacciné. L’insuffisance des contrôles vétérinaires aux portes de l’Europe n’est pas nouvelle, mais reste visiblement d’actualité.

Comme en Gironde en 2004, ce nouveau cas souligne en outre que la profession gagnerait à ce que l’information circule mieux entre vétérinaires et services vétérinaires. De nombreux praticiens se sont plaints de ne pas avoir été prévenus assez vite. Ainsi, le confrère qui a euthanasié Youpi le 5 janvier a été mis au courant de la situation par la télévision et a alors pris contact avec sa DSV. A leur décharge, les services vétérinaires sont accaparés par leurs enquêtes, la publication des arrêtés et l’application des mesures. Pourtant, les nouvelles technologies de l’information et la réactivité des médias semblent réclamer, tous les jours davantage, que la communication fasse désormais partie intégrante de leurs missions.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1292 du 30/11/2007 en page 19.

  • (2) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1289 des 2 et 9/11/2007 en page 16.

  • (3) Voir le communiqué disponible à l’adresse http://agriculture.gouv.fr/sections/presse/communiques/cas-rage-animale

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