Les brûlures du jabot sont fréquentes chez les oiseaux élevés à la main - La Semaine Vétérinaire n° 1305 du 07/03/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1305 du 07/03/2008

Pathologie aviaire

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Guillaume Douay*, Emmanuel Risi**

Fonctions :
*praticien au centre hospitalier vétérinaire Atlantia, à Nantes (Loire-Atlantique).
**praticien au centre hospitalier vétérinaire Atlantia, à Nantes (Loire-Atlantique).

Une fistule du jabot constitue une urgence quand sa taille est suffisamment importante pour permettre le passage de la majorité des aliments.

Un perroquet gris (Psittacus erithacus erithacus) âgé de quatre mois est présenté en consultation, car il présente une plaie située dans la région du cou, par laquelle les aliments et l’eau s’échappent. Selon ses propriétaires, cette lésion est présente depuis au moins une semaine. L’oiseau est élevé partiellement à la main et de façon autonome. Il vit dans une cage aux dimensions acceptables, qui contient de nombreux perchoirs et plusieurs jouets. Le perroquet a tout loisir d’en sortir lorsque ses propriétaires sont présents. Son alimentation se compose de graines, complétées par des fruits et des légumes (bananes, carottes, haricots, salades, etc.). Une fois par jour, il reçoit également une bouillie d’élevage (aliment complet pour perroquet en croissance) qui est préalablement réchauffée au four à micro-ondes.

L’examen clinique révèle un bon état général, malgré un embonpoint moyen. Lors de l’auscultation, aucun bruit suspect n’est audible. L’inspection de la zone lésée laisse entrevoir une plaie cutanée. Une plaie du jabot sous-jacente est fortement suspectée en raison de la présence de graines dans l’orifice observé. L’examen rapproché met en évidence une marsupialisation de la plaie du jabot avec la plaie cutanée (voir photo 1). Le praticien oriente donc son diagnotic vers une fistule du jabot.

Au regard de l’anamnèse et des commémoratifs, l’origine envisagée est une brûlure causée par la bouillie d’élevage réchauffée au four à micro-ondes. Une intervention chirurgicale est programmée le jour même.

L’intervention consiste à parer la plaie et à suturer le jabot, puis la peau

L’analgésie est gérée par l’administration de butorphanol (Torbugesic® à la dose de 1 mg/kg injecté par voie intramusculaire) en prémédication. L’anesthésie est ensuite induite au masque à l’aide d’isoflurane (à raison de 0,2 à 1 l/min) et d’isoflurane à 5 %. La pose d’une sonde trachéale sans ballonnet (Cook®) de 2,5 mm de diamètre permet le maintien de l’animal sous isoflurane à 2 % de moyenne et sous oxygène (à la dose de 1 l/min). Un cathéter intraveineux est placé dans la veine alaire et maintenu par une bande adhésive. L’animal est perfusé avec une solution de chlorure de sodium à 0,9 % à raison de 10 ml/kg/h (voir photo 2).

Le monitorage cardiaque fait appel à un électrocardiogramme, les électrodes adhésives étant positionnées en regard des muscles pectoraux droit et gauche et du flanc gauche. En outre, la fonction respiratoire est contrôlée par capnographie et via un examen au stéthoscope.

Le perroquet est placé en décubitus dorsal sur un tapis chauffant. La zone lésée est plumée, puis préparée chirurgicalement à l’aide de chlorexhidine.

Dans un premier temps, un parage des marges cutanées et du jabot est réalisé. Une exérèse des tissus cicatriciels et nécrosés est effectuée aux ciseaux (voir photo 3). Le jabot est ensuite suturé en deux plans par un surjet simple perforant (fil monofilament résorbable de décimale 1,5, Monocryl®), suivi d’un surjet en U enfouissant et non perforant (voir photo 4). Les instruments de chirurgie sont changés entre la phase septique et la phase stérile (c’est-à-dire entre les deux surjets).

En dernier lieu, la peau est refermée à l’aide d’un surjet simple (voir photo 5).

La douleur est gérée par l’administration de méloxicam (Metacam® à la dose de 0,5 mg/kg administré per os deux fois par jour pendant cinq jours). Une couverture antibiotique est en outre mise en place. Elle consiste en l’administration d’enrofloxacine (Baytril® 2,5 %, 15 mg/kg per os deux fois par jour pendant une semaine).

L’alimentation est également adaptée. Les graines sont retirées pendant une semaine et remplacées par de la bouillie d’élevage, administrée à l’animal plusieurs fois par jour, en petite quantité, afin d’éviter toute surcharge du jabot. Par ailleurs, cette bouillie est désormais réchauffée au bain-marie et non plus au four à micro-ondes.

Les plumes empêchent les propriétaires de visualiser l’érythème

Les brûlures du jabot constituent des lésions fréquemment observées chez les oiseaux élevés à la main, particulièrement chez les psittacidés. La plupart du temps, elles sont dues à la présence de particules excessivement chaudes qui persistent au sein d’une bouillie mal mixée et réchauffée au four à micro-ondes.

Comme la douleur est difficile à observer chez les oiseaux et que la brûlure est parfois lente (la nécrose des tissus prend du temps), ils avalent l’aliment sans manifester de mécontentement particulier. De plus, l’érythème cutané occasionné par le passage de la bouillie n’est généralement pas visible à cause des plumes. Tous ces éléments expliquent pourquoi le premier signe qui alerte les propriétaires est l’apparition d’une plaie par laquelle s’écoule les aliments ingérés.

Des soins locaux suffisent souvent pour une fistule de petite taille

Cependant, une fistule ne constitue une urgence que dans le cas où elle est suffisamment grande pour permettre à la majorité des aliments de s’échapper, et que l’animal se trouve en danger de déshydratation et de sous-nutrition sévères. Quand la fistule est de petite taille, la réalisation de soins locaux suffit généralement.

Dans certains cas, les brûlures n’évoluent pas jusqu’à l’apparition d’une fistule cutanée. Les aliments s’accumulent alors entre la peau et le jabot. Cette situation représente une réelle urgence, en raison des risques infectieux et d’amaigrissement induits.

Chez d’autres espèces, comme le pigeon, il est possible d’observer des fistules du jabot lors de surgavage naturel ou artificiel ou après l’obstruction du jabot distal par un granulome parasitaire, lors de trichomonose (voir photo 6). Pour toutes les espèces, des traumatismes physiques internes ou externes peuvent également occasionner des plaies ou des fistules du jabot (voir photo 7).

BIBLIOGRAPHIE

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  • • Le Point Vétérinaire, 1999, vol. 30, numéro spécial “nouveaux animaux de compagnie”, collectif.
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