Le traitement de la douleur cancéreuse est multimodal - La Semaine Vétérinaire n° 1303 du 22/02/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1303 du 22/02/2008

Thérapie multimodale

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Salah Eddine El Moustaghfir*, Eric Troncy**

Fonctions :
*Faculté de médecine vétérinaire de l’université de Montréal (Canada).
**Faculté de médecine vétérinaire de l’université de Montréal (Canada).

L’association du butorphanol et de la médétomidine est efficace et sûre lors d’utilisation répétée chez les carnivores domestiques atteints de tumeurs et traités par radiothérapie.

Le traitement de la douleur cancéreuse a fait l’objet d’une conférence dans le cadre du congrès conjoint de l’International Veterinary Academy of Pain Management, de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec et de la faculté de médecine vétérinaire de l’université de Montréal, en novembre dernier, à Montréal (Canada).

La douleur est ressentie par 30 à 90 % des patients cancéreux humains. Son contrôle fait appel aux opioïdes dans plus de 70 % des cas.

Tous les cancers sont susceptibles d’entraîner une douleur

Chez les animaux, la douleur serait associée à au moins la moitié des cancers. Il ne s’agit que d’une approximation, compte tenu de la difficulté de son diagnostic chez l’animal (symptômes peu spécifiques, évaluation difficile et réévaluation insuffisante). Sa prise en charge est parfois inadaptée (manque de connaissances sur les médicaments analgésiques, communication déficiente avec ou de la part des clients, etc.). Lors de suspicion de douleur chez l’animal, il convient d’effectuer un diagnostic thérapeutique. Les méthodes objectives d’évaluation de la douleur, fondées sur les paramètres physiologiques, sont peu fiables en environnement hospitalier. L’observation du comportement est cliniquement plus sûre. Les mécanismes de progression des tumeurs sont douloureux : invasion ou destruction de tissus (comme lors d’ostéosarcome), métastases (os, séreuses, méninges), compression ou dommage des voies nerveuses, étirement de la capsule des organes ou obstruction de flux, infections ou inflammations secondaires.

En termes de douleur, la thérapie anticancéreuse répond à des principes généraux. Tout d’abord, la chirurgie curative ou palliative exige une analgésie préventive et multimodale. Ensuite, la radiothérapie est le traitement de choix pour les tumeurs radiosensibles, mais encore trop peu disponible en milieu hospitalier vétérinaire. En outre, la chimiothérapie cytotoxique permet de lutter contre la douleur dans le cas de tumeurs chimiosensibles. Elle est parfois indiquée en phase postopératoire ou en association avec la radiothérapie.

Les agonistes a2 associés aux opioïdes sont particulièrement efficaces

Lors de douleur cancéreuse, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont utilisés en dérogation des notices d’emploi. Ils nécessitent une évaluation préalable des fonctions rénale et hépatique avant un usage de longue durée. Utiles notamment lors des cancers qui surexpriment la COX 2 (principalement les carcinomes), ils peuvent alors agir en tant qu’analgésiques au potentiel anticancéreux. L’utilisation du piroxicam dans le traitement du carcinome transitoire de la vessie est la mieux décrite.

Le paracétamol peut être employé chez les chiens qui tolèrent cet anti-COX 3. Il est particulièrement utile lors d’insuffisance rénale ou d’intolérance gastro-intestinale avec les AINS classiques, la fonction hépatique étant alors à évaluer périodiquement. Deux AINS différents ne doivent jamais être prescrits simultanément. De même, un AINS ne doit pas être associé à un anti-inflammatoire stéroïdien, car le risque est de provoquer une irritation gastro-intestinale, voire des ulcères. Il est donc nécessaire de connaître l’historique des traitements et des prescriptions préalables, y compris nutraceutiques.

Les opioïdes sont une classe dominante en médecine humaine, mais demeurent sous-utilisés en médecine vétérinaire. Bien que le butorphanol soit utilisé fréquemment, son emploi est déconseillé lors de douleur modérée à sévère en raison de son effet analgésique faible et de courte durée (une à deux heures) quand il est comparé aux opioïdes plus puissants (agonistes µ). Le tramadol est toutefois employé par les oncologues vétérinaires (3 à 5 mg/kg, per os, deux à trois fois par jour chez le chien et le chat). Les dosages peuvent varier. L’absence actuelle d’une formulation vétérinaire adaptée aux animaux de petite taille est regrettable. Les anesthésiques locaux sont à considérer lors de toute intervention chirurgicale et dans le cadre d’une véritable prise en charge anti-douleur permettant l’installation de cathéters périneuraux à long terme.

En ce qui concerne les agonistes α2 adrénergiques, il est possible d’utiliser quotidiennement la médétomidine chez les chiens et les chats âgés cancéreux lors de certaines procédures douloureuses (biopsies, opérations invasives, etc.). Son effet analgésique est particulièrement efficace lorsqu’elle est combinée à un opioïde. Cette association respecte les principes de l’analgésie préventive multimodale. La médétomidine, combinée par exemple avec le butorphanol (0,2 mg/kg, par voie intramusculaire) ou la morphine (0,1 mg/kg, par voie intramusculaire), peut être utilisée à dose réduite (2 à 12 µg/kg chez le chien et 5 à 20 µg/kg chez le chat par voie intramusculaire, ou par voie intraveineuse avec un dosage plus faible), ce qui permet d’en diminuer les effets délétères cardiovasculaires.

Les corticostéroïdes sont parfois utilisés en première intention

A ce titre, une étude menée par notre confrère Louis-Philippe de Lorimier montre que l’association du butorphanol, de la médétomidine et du glycopyrrolate est efficace et sûre lors d’utilisation répétée chez les chiens (âgés en moyenne de neuf ans, et recevant en moyenne douze doses) et les chats (âgés en moyenne de onze ans et recevant en moyenne quinze doses) traités par radiothérapie pendant un mois. Différentes classes de médicaments peuvent être employées en complément des thérapies précédemment citées : antagonistes des récepteurs du N-méthyl-D-aspartate (kétamine en perfusion intraveineuse lente à microdose, amantadine orale), antidépresseurs tricycliques (effet analgésique faible), anticonvulsivants (gabapentine, souvent utilisée lors de douleur chronique ou neuropathique), bisphosphonates (pamidronate et zoledronate sont des drogues de choix lors de douleur ostéolytiques), nutraceutiques (glucosamine, oméga 3). Les corticostéroïdes sont peu employés en raison de leurs effets secondaires. Il convient de toujours appliquer une période de retrait s’ils sont prescrits après ou avant un AINS. Ils sont toutefois utilisés en première intention lors de lymphome et de myélome multiple, ou en présence de tumeur affectant le système nerveux central. En outre, physiothérapie et acupuncture sont des thérapies complémentaires qui peuvent se révéler utiles.

Thérapie multimodale

Une thérapie multimodale est généralement recommandée pour toute douleur modérée à sévère. Certains scientifiques y ajoutent deux paliers supplémentaires lors de maladies avancées chez des patients cancéreux humains. Le 4e palier correspond à l’utilisation d’opioïdes par voie intratéchale, à la neurostimulation, ou à la neuro-ablation périphérique. Le dernier palier est représenté par les thérapies neuro-ablatives centrales. Les oncologues vétérinaires préfèrent parfois appliquer le principe de la pyramide inversée pour écarter le risque de sensibilisation centrale aboutissant à une douleur chronique pathologique.

Pour cela, l’approche multimodale est prescrite d’emblée, puis le nombre de classes d’analgésiques est progressivement diminué si besoin (une classe à la fois).

CONFÉRENCIER

Louis-Philippe de Lorimier, praticien à Brossard (Québec, Canada), diplomate de l’Acvim (oncologie).

Article tiré de la conférence « Approche de la douleur cancéreuse chez les animaux de compagnie » présentée lors du congrès « Unis contre la douleur », en novembre dernier à Montréal (Canada). Ont collaboré au programme scientifique la Société canadienne contre la douleur, le Conseil canadien de protection des animaux et l’Association vétérinaire pour l’anesthésie et l’analgésie animales (4A-Vet).

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr