PLÉTHORE ET RÉMUNÉRATION NE FONT PAS BON MÉNAGE - La Semaine Vétérinaire n° 1301 du 08/02/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1301 du 08/02/2008

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Auteur(s) : Agnès Faessel

La Belgique est caractérisée par la bipolarité. Les communautés, néerlandophone et francophone, se différencient par leur langue et leur culture, mais aussi par leur type de production d’élevage. La pratique canine, avec ses vétérinaires en surnombre, est aussi à l’opposé d’un exercice rural qui se désertifie.

Enjeux de la vaccination contre la fièvre catarrhale ovine ou prévention des morsures canines : les sujets proposés sur la page d’accueil du site Internet de l’Union professionnelle vétérinaire (UPV, syndicat vétérinaire belge pour la région francophone) montrent que l’actualité vétérinaire belge est parfois bien comparable à celle de la France. Le métier de vétérinaire au quotidien présente pourtant de nombreuses différences des deux côtés de la frontière. En premier lieu, la Belgique est viscéralement et administrativement séparée en deux communautés principales : francophone et néerlandophone. Cette communautarisation se retrouve dans les instances représentatives de la profession. Par exemple, l’équivalent de l’UPV en région flamande est le Vlaamse Dierenartsen Vereniging (VDV). L’Ordre belge est aussi structuré en deux conseils régionaux, un par région linguistique, c’est-à-dire un francophone (le CRFOMV) et un néerlandophone (le NGROD). Au niveau national, le Conseil supérieur de l’Ordre est présidé par un magistrat nommé par le roi, qui doit être « parfait bilingue ».

Le praticien belge travaille seul et sans auxiliaire

« Le praticien belge est trop individualiste. » Ce constat, exprimé uniformément, se traduit par une habitude de travail en solitaire. Les vétérinaires du plat pays exercent majoritairement seuls, et les auxiliaires sont rares. En rurale, c’est encore bien souvent l’épouse qui répond au téléphone. Former une association est pourtant autorisé et encadré (l’emploi d’un salarié vétérinaire n’est en revanche pas prévu). Mais les confrères belges se passent du confort de travail à plusieurs, ce qui signifie des gardes récurrentes, des vacances parcellaires, une formation complémentaire et une spécialisation malaisées, un matériel plus difficilement rentabilisé, etc. La plupart des structures sont ainsi des cabinets. Les cliniques, dont l’équipe médicale compte au moins trois praticiens, sont peu nombreuses (une vingtaine pour la région francophone). Un nouveau type de structure, le “centre vétérinaire”, a pourtant été créé. Il s’agit de la principale évolution de la mouture 2007 du Code de déontologie, en vigueur depuis octobre dernier, qui réforme celui de 2001. Il indique que l’équipe du centre vétérinaire est constituée d’au moins deux praticiens. Les locaux répondent par ailleurs à certains critères minimaux (deux salles de consultation, un local d’hospitalisation, une salle de chirurgie, un local d’imagerie, etc., par exemple en canine). Deux centres vétérinaires sont aujourd’hui reconnus par le conseil régional de l’Ordre francophone, mais la reconnaissance de nombreuses autres structures est attendue cette année.

Dix clients par jour constituent une bonne moyenne

L’association pourrait en effet être une solution pour pallier la principale difficulté pour la profession : la pléthore. « Nous atteignons la saturation », s’alarme un confrère belge. En pratique canine, il est possible de dénombrer cinq vétérinaires dans un bourg de cent habitants, ou quatre croix bleues dans une rue bruxelloise de 2 km de long. « Voir dix clients dans la journée peut être considéré comme une bonne moyenne », déplore un autre confrère. Evidemment, cela pose un réel problème de rémunération, parfois de survie. En réaction, outre la sensibilisation des étudiants au danger de s’installer immédiatement sans expérience, la section “animaux de compagnie” de l’UPV mène un programme d’incitation du grand public à davantage médicaliser les chiens et les chats. Cette médicalisation est aujourd’hui estimée à 36 %. L’organisme soutient également la mise en place d’une mutuelle de santé animale, espérant grossir la clientèle des vétérinaires en mutualisant les frais des soins aux animaux.

Vers une pénurie de praticiens dans le secteur bovin ?

Cette saturation du nombre de vétérinaires instaure parfois un climat de concurrence délétère. Dans le secteur bovin, en région wallonne, l’activité vétérinaire se résume bien souvent à effectuer des césariennes. L’obstétrique peut représenter jusqu’à 90 % de l’activité du praticien et la concurrence entraîne une chute des tarifs. Les barèmes qui régulaient autrefois les prix vétérinaires ont été supprimés par une réglementation européenne. Certains confrères facturent une césarienne 90 € (ou 65 € sans facture…). Et des éleveurs profitent de la situation, allant jusqu’à appeler plusieurs vétérinaires : le premier sur place opère, les autres peuvent repartir !

La pénibilité du travail, mais aussi la féminisation de la profession (66 % des étudiants de la faculté de Liège sont des filles), pourraient néanmoins inverser la tendance dans les années à venir. Les jeunes diplômés attirés par la rurale viennent nombreux en France trouver des conditions de travail plus agréables et mieux rémunérées. Le nombre des “ruraux”, parfois poussés à développer une activité complémentaire pour vivre, pourrait rapidement devenir insuffisant.

En Belgique, les vétérinaires ont “droit de publicité”

L’autorisation de la publicité est une différence notable entre les Codes de déontologie belge et français. Côté belge, l’article 9 indique ainsi que « toute information objective destinée au public est autorisée, quel qu’en soit le support ». En pratique, la publicité comparative comme les annonces à caractère purement commercial sont interdites. Mais rien n’empêche le praticien d’insérer une publicité dans le journal local, voire de diffuser un spot publicitaire à la télévision ! Anciennement interdite, cette “réclame” est parfois mal acceptée par les confrères des anciennes générations, ce qui peut créer de nouveaux sujets de tension.

L’explosion des contraintes administratives n’a pas de frontières

D’autres différences culturelles existent entre les deux côtés de la frontière. En canine, par exemple, les visites à domicile sont bien souvent la règle, et les consultations sur rendez-vous peuvent faire l’objet d’une majoration de tarif. En rurale, le vétérinaire facture rarement son déplacement.

Mais de nombreuses préoccupations quotidiennes sont aussi partagées entre les deux pays. Les contraintes administratives, alourdies, sont dénoncées par les praticiens belges. Les ordonnances sont obligatoirement sécurisées et la délivrance des médicaments vétérinaires est consignée dans un registre qui comporte, entre autres, le numéro de lot des produits délivrés. Les praticiens doivent aussi faire face à la concurrence des pharmaciens et des animaleries ou jardineries pour la vente des médicaments et celle des produits alimentaires et d’hygiène.

En productions animales, l’éleveur désigne un vétérinaire « de guidance », qui peut lui déléguer certains actes et traitements, en contrepartie d’un suivi régulier de l’exploitation. La Belgique a vu apparaître des affairistes, qui emploient des “vétérinaires d’autoroute” et proposent des prix cassés pour les médicaments ainsi mis à disposition. Les urgences et les gardes restent, bien entendu, à la charge des praticiens locaux. Les confrères se sentent également insuffisamment reconnus dans leur mission sanitaire. L’éventualité d’une grève « comme celle suivie en France il y a peu » est ainsi évoquée.

Carte d’identité de la Belgique

• Avec ses 30 278 km2 de terres et ses 10,6 millions d’habitants, la Belgique est mitoyenne de la France, de l’Allemagne, du Luxembourg et des Pays-Bas. Elle est séparée en trois régions : Bruxelles (161 km2), les Flandres (13 522 km2, cinq provinces) et la Wallonie (16 844 km2, cinq provinces). Elle regroupe surtout deux communautés, l’une francophone, l’autre néerlandophone.

• En communauté francophone, 2 232 vétérinaires sont inscrits au tableau de l’Ordre, dont 36 % de femmes environ. En communauté flamande, ils sont 2 842, dont 38 % de femmes (elles sont aussi 38 % en France).

• D’après l’institut national de statistique (INS), la Belgique recensait en 2005 :

- 2,7 millions de bovins dont 1 million de vaches, également réparties entre les productions laitières et “viandeuses”. La production laitière (races pie-noire et pie-rouge) se situe plus au nord et la production allaitante (blanc-bleu-belge) au sud ;

- 6,3 millions de porcs, presque exclusivement en Flandres ;

- 35,6 millions de volailles, à 85 % en Flandres ;

- 176 000 ovins et caprins, dont les deux tiers en Flandres ;

- 32 000 chevaux et poneys, en majorité en région flamande.

• D’après l’Association d’identification et d’enregistrement canins (Abiec), le nombre de chiens actuellement identifiés est de 874 000. Le jack russell terrier, le bichon et le labrador sont les trois premières races. Selon les estimations, l’obligation d’identifier les chiens est respectée à 75 % environ, ce qui porterait l’effectif canin réel à plus de 1,1 million. En 2000, une enquête de l’INS recensait 1,064 million de chiens et 1,675 million de chats (dont l’identification n’est pas obligatoire).

A. F.
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