Les chimpanzés façonnent des armes pour chasser - La Semaine Vétérinaire n° 1301 du 08/02/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1301 du 08/02/2008

Intelligence animale

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Alain Zecchini

C’est la première fois que ce constat est fait chez un autre vertébré que l’homme.

Un nouveau type de comportement, jusque-là réservé à l’espèce humaine, vient d’être décrit au Sénégal : l’élaboration et l’utilisation, par des chimpanzés, d’objets pour chasser(1). Les primates (chimpanzés d’Afrique occidentale, Pan troglodytes verus) sont ceux de la communauté de Fongoli, au sud-est du Sénégal. Les observations couvrent la période de mars 2005 à juillet 2006. Les outils utilisés sont des branches qui ont été taillées pour en faire des lances.

Les chimpanzés sont connus pour l’efficience de leur quête alimentaire. Ils récoltent notamment des termites et des fourmis, parfois en s’aidant de brindilles afin d’agrandir les nids trop étroits pour laisser passer un doigt ou une main. Ils utilisent des pierres pour casser les noix trop dures. Ils peuvent chasser aussi d’autres primates mais, dans ce cas, ils ne doivent compter habituellement que sur leurs ressources physiques.

La branche taillée est utilisée pour immobiliser la proie

Pourtant, à Fongoli, ils ont fait preuve d’innovation, dans le cadre de la chasse au galago du Sénégal (Galago senegalensis), une proie de petite taille (masse moyenne de 200 g). Ils ont créé des armes.

Vingt-deux épisodes de chasse ont pu être enregistrés, pour un seul succès. Mais les étapes du façonnage des lances et de la chasse proprement dite sont respectées dans la plupart des cas. Ces étapes sont les suivantes : la localisation, dans un arbre, de la cavité du nid potentiel d’un galago (lequel, nocturne, dort durant la journée) ; le repérage d’une branche de taille appropriée ; la cassure de la branche et l’élagage des feuilles et des rameaux ; l’affinage des deux extrémités, parfois en s’aidant des dents ; puis la projection de cette arme, tenue d’une main, plusieurs fois, dans la cavité, à la recherche de la proie.

Ces armes sont longues de 63 cm en moyenne, pour une section de 1 cm. Le diamètre moyen des cavités est de 11 cm, donc suffisamment large pour insérer un bras. Mais la branche taillée n’est pas qu’un simple prolongement du bras. Elle est utilisée comme une lance. C’est une jeune femelle qui a réussi à tuer un galago. Elle a dévoré sa proie sans la partager, bien qu’étant entourée par plusieurs de ses congénères. Deux autres chimpanzés, un mâle adulte et une femelle adulte, ont aussi été observés mangeant aussi des galagos, mais sans que les chercheurs aient pu déterminer comment ils les ont attrapés.

La capacité cognitive des premiers hominidés est probablement sous-estimée

La plupart des observations se rapportent à des femelles et à des juvéniles, ce qui contraste avec la prédominance des mâles adultes lors des chasses habituelles aux autres primates. Selon les chercheurs, cela montre l’exploitation, essentiellement par des femelles, d’une niche alimentaire délaissée par les mâles. Ces dernières seraient à l’origine de cette technique de chasse.

L’importance de cette étude vaut aussi par les éclairages qu’elle projette sur les tout premiers ancêtres de l’homme, qui se sont séparés des autres primates il y a 5 ou 6 millions d’années.

Repérer chez des non-humains actuels des traits comportementaux humains permettrait de relier ces traits à nos ancêtres. Les plus vieilles lances, qui ressemblent à des javelots, sont datées de 400 000 ans. Elles ont appartenu à des chasseurs du paléolithique.

Les premières pierres taillées par des hominidés remontent à 2,5 millions d’années. Mais déjà, à partir de 5 et 6 millions d’années, les pierres devaient être utilisées pour broyer des noix, pour être jetées sur des proies ou des prédateurs, et les branches devaient être taillées pour dénicher des insectes, voire pour tuer des animaux, comme les chimpanzés de Fongoli l’ont montré.

  • (1) J. Pruetz et P. Bertolani : « Savanna chimpanzees, Pan troglodytes verus, hunt with tools », Current Biology, n° 17, 7/3/2007.

  • (2) J. Mercader et coll. : « 4 300 year-old chimpanzee sites and the origins of percussive stone technology », Proceedings of the National Academy of Sciences, Etats-Unis, 27/2/2007.

L’âge de pierre des chimpanzés

En Côte d’Ivoire, l’origine de nombreuses pierres manifestement taillées, et auxquelles adhéraient encore des restes de nourriture, a été attribuée à des chimpanzés(2). Le site, le parc national de Taï, est bien connu pour l’étude de cette espèce. Ces pierres servaient de marteaux, de percuteurs, pour briser la coque des fruits. Elles sont supérieures en longueur et en poids à celles utilisées par les hommes préhistoriques dans le même but. Les fragments de fécule recueillis à leur surface correspondent principalement à ceux des noix et, dans une fourchette de 17,5 à 42,5 % des cas (selon les différences d’appréciation entre les chercheurs), d’espèces de noix consommées exclusivement par des chimpanzés. Les ethnies forestières actuelles dépendent largement des tubercules et des légumineuses, bien que certaines, dans le cadre de pratiques agricoles, récoltent aussi des noix. Un biais serait donc possible. Les chimpanzés auraient pu imiter des humains cassant des noix. Mais dans la région étudiée, à l’époque de référence, soit il y a 4 300 ans, l’agriculture n’existait pas. Les auteurs de ce travail en déduisent donc que la percussion des pierres est bien due aux chimpanzés. Elle marquerait le début d’un « âge de pierre chimpanzé », qui s’est perpétué jusqu’à nos jours, soit sur plus de deux cents générations.

A. Z.
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