Blue tongue : on aura tout entendu !

Exerçant en clientèle rurale depuis trente ans, issu d’une famille d’éleveurs, je ne sais comment interpréter la position des organisations professionnelles agricoles concernant la vaccination contre la fièvre catarrhale ovine. Quel que soit l’objectif recherché (éradication ou protection individuelle), demander que la vaccination puisse être réalisée par les éleveurs relève soit de l’inconscience (je ne le pense pas), soit d’une déconnexion complète des élites avec la base (ce qui arrive dans d’autres professions peut arriver même dans la nôtre !), soit d’une stratégie politico-commerciale pour négocier le tarif (« finalement, on vous la laisse en contrepartie d’un effort sur le prix »).

Les antécédents sont nombreux et, sans remonter aux anciennes prophylaxies, le formidable décalage en matière de sérieux existant entre différentes approches relatives, par exemple, à l’éradication du varron, à la vaccination contre la rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR) ainsi que les récentes attestations de désinsectisation, devraient suffire à éclairer les lanternes sans qu’il soit besoin de s’étendre sur le sujet et d’invoquer les aspects réglementaires.

Je suis également un peu surpris par la confiance totale placée dans l’efficacité et l’innocuité d’un vaccin toujours en fabrication, au point que toute autre approche est passée aux oubliettes. Quelle que soit la stratégie vaccinale adoptée, les moucherons ne s’arrêtant pas aux barbelés, mieux la vaccination sera réalisée, plus l’épidémie sera jugulée. On aura tout entendu : en juin dernier, il s’agissait d’une maladie économique dans le cadre de laquelle seule une réglementation inadaptée à une affection assez bénigne perturbait le commerce, puis ce fut une catastrophe sanitaire sans précédent nécessitant aides, subventions et indemnisations, pour finir avec une vaccination seule planche de salut placée sous le signe de la bonne volonté, voire de l’amateurisme. Soyons sérieux. Le sérieux des éleveurs sera jugé sur leur capacité à réaliser la contention de leurs animaux. Qui peut croire qu’un éleveur dans l’impossibilité de réaliser une contention correcte fera seul une vaccination de qualité dans un délai plus rapide que son vétérinaire ? Un tiers de mes clients, voire plus, réaliseraient cette vaccination dans de bonnes conditions. Pour le reste… Et ce sont ceux-là, qui ne veulent pas être pénalisés par l’incompétence de certains de leurs voisins, qui demandent que les vétérinaires réalisent les vaccinations pour que le résultat global soit optimisé.