L’hypertension artérielle touche 0,5 à 10 % des chiens - La Semaine Vétérinaire n° 1299 du 25/01/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1299 du 25/01/2008

Pathologie cadiovasculaire canine et féline

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Eric de Madron

Fonctions : diplomate de l’American College of Veterinary Internal Medicine (Acvim) et de l’European College of Veterinary Internal Medicine (Ecvim), praticien à l’Alta Vista Animal Hospital d’Ottawa (Ontario, Canada)

L’American College of Veterinary Internal Medicine émet des recommandations chaque année. Il définit notamment la conduite à tenir lors d’hypertension artérielle.

Les instruments utilisés pour mesurer la pression artérielle chez les chiens et les chats mettent en œuvre la méthode sphygmomanométrique (Doppler : Parks Model®, Vet-Dop®), oscillométrique (Cardell®, Memoprint®) ou photophléthysmographique (VetSpecs®). Les appareils Doppler permettent de mesurer la pression artérielle systolique (et diastolique avec de l’entraînement). Les deux autres catégories d’appareils mesurent les pressions systolique, diastolique et moyenne, ainsi que la fréquence cardiaque. Les instruments oscillométriques sont silencieux et offrent la possibilité d’opérer en mode automatique. Ceux de type Doppler sont moins chers, sûrs, mais nécessitent une contention de l’animal. Plusieurs règles importantes sont à respecter pour obtenir des mesures fiables (voir encadré). La mesure de la pression artérielle peut être gênée par le stress, l’excitation, l’effet “blouse blanche”, la déshydratation, le mauvais choix de brassard ou une mauvaise technique.

L’hypertension artérielle a de multiples origines

Les paramètres normaux de la pression artérielle sont bien standardisés chez les carnivores domestiques (voir tableau 1). L’hypertension peut être liée à l’effet “blouse blanche”. Elle est alors déclenchée par la peur ou l’excitation, et doit être distinguée d’une hypertension chronique pathologique. Elle ne nécessite aucun traitement. Cependant, chez certains chats en insuffisance rénale chronique, l’effet “blouse blanche” peut être plus marqué que chez les individus sains. Toutefois, la plupart des cas d’hypertension artérielle chez le chien et le chat sont associés à une affection sous-jacente (voir tableau 2).

L’hypertension idiopathique fait référence à une hypertension artérielle chronique en l’absence de maladie sous-jacente. Chez l’homme, c’est le type le plus fréquent. La cause présumée est une hypersensibilité génétique au sel. Chez les chiens et les chats, ce type d’hypertension est plutôt rare. Les analyses hémato-biochimique et urinaire sont typiquement normales. La présence d’une densité urinaire inférieure à 1 030 n’indique pas nécessairement une insuffisance rénale, car une hyposthénurie peut être induite par l’hypertension artérielle per se.

L’hypertension strictement systolique ou diastolique est uniquement évoquée lorsque les valeurs systoliques ou diastoliques sont élevées. Cette forme entraîne la même morbidité que les hypertensions systolo-diastoliques et nécessite une approche similaire. Cela souligne l’importance de ne pas se contenter de la pression systolique seule et de mesurer également la pression diastolique.

Les effets sont délétères sur de nombreux organes

L’hypertension artérielle est une “tueuse silencieuse”. Elle endommage progressivement certains organes (lésions de l’organe cible ou LOC), ce qui entraîne une morbidité spécifique. Le rein peut être à la fois sa cause et sa cible, ce qui entraîne un cercle vicieux (voir tableau 3 en page 34).

Il existe deux situations dans lesquelles la mesure de la pression artérielle est clairement indiquée. Elle est ainsi nécessaire lorsqu’une lésion est détectée sur un organe cible et quand une maladie connue pour être associée à une hypertension est présente (par exemple, un syndrome de Cushing, une protéinurie, une insuffisance rénale chronique). La prévalence globale de l’hypertension artérielle chez le chien varie de 0,5 à 10 % selon les publications. Chez le chat, elle s’élève à 2 %. La prévalence tend à augmenter avec l’âge.

Un classement en quatre catégories, selon la valeur de la pression artérielle

Les données qui suivent présupposent des mesures fiables de la pression artérielle et la prise en compte de l’effet “blouse blanche”.

En cas de risque minimal de LOC (pression artérielle systolique inférieure à 150 mm Hg et diastolique inférieure à 95 mm Hg), aucun traitement spécifique n’est recommandé. Un suivi est à réaliser tous les trois à six mois. Si le risque de LOC est léger (pression systolique de 150 à 159 mm Hg et diastolique de 95 à 99 mm Hg), aucun traitement particulier n’est indiqué, sauf si des lésions oculaires ou cérébrales sont mises en évidence. En cas de risque modéré de LOC (pression systolique de 160 à 179 mm Hg et diastolique de 100 à 119 mm Hg), un traitement est instauré, surtout s’il peut ralentir la progression naturelle de la maladie (par exemple une insuffisance rénale chronique ou une néphropathie avec protéinurie) ou retarder l’apparition de lésions oculaires ou neurologiques. La maladie sous-jacente est prise en charge. Si le risque de lésions est sévère (pression systolique supérieure à 180 mm Hg et diastolique supérieure à 120 mm Hg), un traitement antihypertenseur est recommandé pour éviter des lésions sévères.

De nombreuses molécules sont disponibles pour le traitement

L’évaluation de l’état de l’animal doit identifier toute affection sous-jacente qui pourrait être à l’origine de l’hypertension et d’éventuelles lésions. Le niveau de risque de LOC doit être établi.

Il convient d’aborder avec le propriétaire la fréquence des réévaluations, car l’hypertension artérielle est une maladie progressive.

Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) et les inhibiteurs calciques (IC) représentent les médicaments les plus utilisés en médecine vétérinaire pour traiter l’hypertension (voir tableau 4 en page 34). Chez les chiens, les IECA sont privilégiés en raison de leur effet bénéfique sur les protéinuries. Cette classe de médicaments offre l’avantage de réduire l’hypertension glomérulaire, ce qui abaisse la protéinurie et ralentit la progression de la dysfonction rénale. Chez les chats, les IC sont souvent utilisés en premier lieu, bien que les IECA aient aussi des actions bénéfiques pour la fonction rénale. Une association d’IECA et d’IC pourrait être particulièrement avantageuse chez les chats en insuffisance rénale chronique. Les IECA ont un effet antihypertenseur modeste (réduction de la pression artérielle de 20 mm Hg) et nécessitent plusieurs semaines avant d’atteindre leur effet thérapeutique maximal.

Les IC, pour leur part, ont un effet beaucoup plus rapide (quelques heures) et peuvent réduire la pression artérielle de 40 mm Hg.

En présence de certaines maladies, des médicaments ou des approches plus spécifiques, moins souvent utilisés, sont indiqués (par exemple spironolactone et chirurgie lors d’hyperaldostéronisme, bêta-bloquants, phénoxybenzamine, et chirurgie en cas de phéochromocytome, bêta-bloquants, thiamazole et iode radioactif pour l’hyperthyroïdie, diurétiques en présence d’hypertension due à une surcharge hydrique ou d’insuffisance rénale aiguë oligurique).

Le traitement répond au principe de l’escalade thérapeutique

Le but thérapeutique est de faire descendre la pression artérielle en dessous de 150 mm Hg (systolique) et 95 mm Hg (diastolique). Pour y parvenir, un ou plusieurs médicaments peuvent être nécessaires. Dans la plupart des cas, au moins deux produits différents sont utilisés. Le principe d’escalade thérapeutique est fondé sur l’addition progressive des médicaments, jusqu’à ce que la pression artérielle cible soit atteinte.

Classiquement, le traitement est amorcé avec un IECA ou un IC. La pression artérielle est vérifiée sept à dix jours après dans le cas d’un IC, deux à trois semaines après avec un IECA. Le traitement est modifié si la pression est toujours trop élevée. Il faut toutefois veiller à ce qu’elle ne diminue pas trop (moins de 120 mm Hg). Des mesures complémentaires peuvent être prises. Elles incluent le traitement étiologique de la maladie sous-jacente, le contrôle du poids et une restriction modérée de l’apport sodé. Puisque l’hypertension est la manifestation d’une maladie souvent progressive, un suivi régulier est nécessaire afin de s’assurer du bon contrôle de la pression artérielle. La fréquence des contrôles dépend de la nature de la maladie sous-jacente (par exemple, tous les trois à six mois pour un chat qui présente une insuffisance rénale chronique).

Le traitement d’urgence d’une hypertension dangereusement élevée (pression systolique supérieure à 240 mm Hg) peut nécessiter l’emploi de médicaments administrés par voie intraveineuse comme le nitroprussiate de sodium(1) (perfusion constante de 5 à 20 µg/kg/min). Une normalisation trop brutale de la pression artérielle peut déclencher des signes d’hypotension, car le corps s’est habitué à fonctionner avec des pressions hautes.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1296 du 4/1/2008 en pages 28-29.

  • Source : S. Brown, C. Atkins, R. Bagley et coll. : « Guidelines for the identification, evaluation, and management of systemic hypertension in dogs and cats », J. Vet. Intern. Med., 2007, n° 21, pp. 542-558.

Bien mesurer la pression artérielle

• L’appareil doit être calibré au moins deux fois par an.

• La procédure doit être standardisée.

• L’environnement doit être calme, à l’écart des autres animaux, de préférence en présence du propriétaire.

• La contention, si nécessaire, doit être minimale. L’animal doit être calme et tranquille.

• La largeur du brassard doit correspondre à 40 % de la circonférence du membre chez le chien, 30 à 40 % chez le chat.

• La taille du brassard, le site de mesure (membre ou queue), le type de machine utilisée, ainsi que le comportement de l’animal pendant la mesure doivent être notés afin que toute mesure ultérieure puisse être reproduite de la même manière.

• La même personne devrait effectuer les mesures ultérieures.

• Une moyenne de cinq à sept mesures consécutives et comparables (variation de la pression artérielle systolique inférieure à 20 %) sont réalisées. La première ne devrait pas être prise en compte.

• En cas de doute sur la fiabilité d’une mesure, elle doit de nouveau être réalisée.

E. de M.
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