Le putois à pieds noirs est réintroduit avec succès

Les réintroductions dans la nature d’animaux éteints ou presque éteints sont loin d’être possibles et a fortiori probantes. Elles supposent des budgets généralement importants. Elles exigent aussi, et surtout, que les conditions qui ont mené les animaux à leur perte aient disparu, c’est-à-dire que l’habitat soit de nouveau viable. De plus, issus de la captivité, les candidats à la réintroduction présentent souvent les handicaps liés aux petites, voire aux très petites populations, en particulier la consanguinité. Il est donc méritoire que celle du putois à pieds noirs (Mustela nigripes) aux Etats-Unis puisse désormais être considérée comme réussie⁽¹⁾. Cette espèce tenait le titre peu enviable de mammifère le plus menacé d’Amérique du Nord. Son aire de répartition était jadis immense, s’étendant du Canada jusqu’au Mexique. Elle habitait les grandes plaines, en association avec le chien de prairie à queue blanche (Cynomis leucurus), sa proie principale. Elle n’a cessé de décliner jusqu’à frôler l’extinction, en raison des éliminations systématiques des chiens de prairie par des campagnes d’empoisonnement en masse. Les éleveurs soupçonnaient en effet ces derniers d’être des concurrents alimentaires pour le bétail.

Une grande fécondité permet un rétablissement plus rapide

La dernière population de putois, découverte en 1981 dans l’état américain du Wyoming, a permis de constituer un petit noyau pour l’élevage en captivité. A partir des sept fondateurs de 1987, quatre mille huit cents juvéniles ont vu le jour, dont un grand nombre ont été réintroduits dans l’habitat d’origine, lors des années 1991 à 1994.

Mais des affections (des épisodes de yersiniose et de maladie de Carré) ont presque réduit ces efforts à néant. Il ne restait que cinq putois en 1997. Leur disparition totale semblait imminente. Toutefois, en 2003, les recherches font état de cinquante-deux animaux. Depuis cette dernière date, toutes les observations montrent que le rétablissement est en bonne voie. Dans la zone étudiée, qui ne couvre pourtant que 8 100 ha, deux cent vingt-trois individus sont présents. Le taux de croissance démographique est estimé à 35 % pour la période de 2003 à 2006, en dépit de trois menaces. La première est le goulet d’étranglement subi par l’espèce dans les années 80, qui a réduit la variabilité génétique, la deuxième est une possible dépression de consanguinité et la troisième une non moins possible altération des traits phénotypiques. Les deux dernières sont liées à la captivité, mais ne semblent pas s’être concrétisées. Ce putois a pu se reproduire durant sept générations et demi jusqu’à maintenant, ce qui prouve bien qu’il s’est de nouveau acclimaté. Si les auteurs soulignent que la vulnérabilité de l’espèce à d’autres épisodes de maladies, ainsi que les faibles densités de chiens de prairie sont préoccupantes, ils indiquent que même une petite population survivante peut largement progresser si son environnement est de nouveau favorable.

• (1) M.B. Grenier, D.B. McDonald et S.W. Buskirk : « Rapid population growth of a critically endangered carnivore », Science, 10/8/2007.