L’EXPERTISE VETERINAIRE ENTRE DANS UN CADRE JURIDIQUE - La Semaine Vétérinaire n° 1297 du 11/01/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1297 du 11/01/2008

À la une

Auteur(s) : Christian Diaz

Le projet de loi sur les “chiens dangereux” sera une nouvelle fois examiné par le Sénat dans les jours qui viennent. En attendant les nouveaux textes, les anciens sont déjà en application. Même si des modifications importantes sont à attendre dans les prochaines semaines, un état des lieux se révèle nécessaire, en ce début d’année, pour que les praticiens soient conscients du cadre juridique dans lequel ils interviennent.

Par rapport au niveau des discussions à l’Assemblée nationale, où certains parlementaires ont tenu des propos dignes du café du commerce, les débats menés au Sénat sur le projet de loi relatif aux chiens dangereux ont été d’une certaine richesse, même si les “sages” ne sont pas allés au bout de leur logique. Par exemple, quand le sénateur et confrère Dominique Braye admet « vous l’aurez compris, je reste persuadé, comme tous les spécialistes canins, que la catégorisation a été une ineptie… », ses propos sont malheureusement suivis de « pour autant, je suis bien conscient qu’il est impossible d’y renoncer, car un tel revirement serait incompris… ».

En attendant les nouveaux textes, d’ici à quelques semaines, certains élus n’hésitent pas à utiliser les anciens en application à des fins électorales. Le thème de l’insécurité – même virtuelle – est porteur et la mort d’un chien représente un investissement inférieur à un boulodrome chauffé et couvert…

Les expertises peuvent être réalisées dans plusieurs situations

Tout d’abord, les praticiens ne sont pas forcément conscients du cadre juridique dans lequel ils opèrent, et leurs mandants non plus. Les vétérinaires peuvent en effet être conduits à effectuer des expertises dans différentes situations : à la demande du Parquet dans le cadre d’une procédure pénale ; à celle du maire qui exige une évaluation comportementale telle que prescrite par l’article L. 211-14-1 du Code rural ; sur désignation du directeur des services vétérinaires dans le cadre des procédures de l’article L. 211-11 du Code rural ; à la demande de particuliers dans un cadre officieux (pour déterminer la catégorie dont relève le chien, pour se rassurer face à la psychose médiatique, pour tranquilliser les voisins, etc.).

Comme cela a déjà été dit et répété, tous les vétérinaires sont experts de jure, de par leur diplôme et, même si certains sont inscrits sur les listes des cours d’appel, ils n’ont pas l’exclusivité des expertises, y compris en matière pénale.

Aucune de ces procédures ne relève du mandat sanitaire, même dans le cadre de l’article L. 211-11 où le vétérinaire est désigné par le directeur des services vétérinaires pour donner un avis.

La diagnose de catégorie doit se référer à l’arrêté du 27 avril 1999

Cette expertise est le plus souvent demandée par les propriétaires de chiens issus d’animaux de deuxième catégorie, soit spontanément, soit à la demande des maires. Il est important de préciser que, contrairement à une idée répandue, la plupart des jeunes animaux de première catégorie ne sont pas issus de parents de première catégorie, théoriquement stérilisés, mais de géniteurs appartenant à la deuxième catégorie, voire à aucune.

Le premier effet de la loi du 6 janvier 1999 a été la multiplication des portées d’animaux de deuxième catégorie. Ainsi, le nombre de naissances annuelles déclarées dans la race american staffordshire terrier est passé de 348 en 1995 à 5 931 en 2006, soit une multiplication par dix-sept. Seulement un quart environ d’entre eux seront confirmés, mais tous sont LOF (inscrits au Livre des origines français) et, à ce titre, relèvent de la deuxième catégorie pour laquelle la stérilisation n’est pas obligatoire.

Les croisements de ces chiens entre eux ou avec d’autres races sont à l’origine des jeunes pitbulls qui existent encore aujourd’hui et qui naissent de façon tout à fait légale. A l’âge de deux ou trois mois, ils ne présentent évidemment pas les caractéristiques morphologiques définies par l’arrêté du 27 avril 1999 nécessaires à leur classement en première catégorie et leur cession n’est donc pas (encore) interdite.

C’est ainsi qu’en toute bonne foi et sans enfreindre la loi, des gens se retrouvent heureux possesseurs d’un jeune pitbull ou présumé tel.

Cependant, tous les chiots issus d’american staffordshire terrier ne seront pas forcément des pitbulls une fois adultes ; les critères sont morphologiques et il convient en particulier de prendre en compte ceux liés à la taille.

Lors de l’identification du chiot, le praticien, conformément aux dispositions du Code de déontologie vétérinaire, ne doit certifier que des choses dont il est certain. Aussi, en raison de l’incertitude quant à l’origine et à l’apparence définitive du chien, il est recommandé d’inscrire celui-ci comme étant de race “croisée”, sans autre précision, même si le propriétaire insiste fortement pour que son chien soit un “croisé boxer”, ce qui de toute façon n’évitera pas le classement en première catégorie si l’animal en présente les caractéristiques morphologiques. A l’inverse, un praticien qui inscrit « de type pitbull » ou « race american staffordshire terrier », pour des animaux qui n’en ont pas l’apparence dans le premier cas ou qui ne sont pas inscrits au LOF dans le deuxième, engagerait lourdement sa responsabilité en cas de procédure judiciaire ultérieure.

La Cour de cassation, par un arrêt de février 2005, a confirmé que la classification en première catégorie repose bien sur ces critères morphologiques et a procédé à la révision d’un jugement condamnant un possesseur de chien de première catégorie (déclaré spontanément) pour défaut de stérilisation, une expertise effectuée après le jugement définitif ayant révélé que ce chien ne présentait pas, en fait, les caractéristiques d’un animal de première catégorie.

Il est donc de la plus haute importance de bien connaître les termes exacts de l’arrêté du 27 avril 1999 et de s’y référer lors de ces diagnoses de catégorie.

Des contradictions au niveau de l’expertise morphologique

L’application littérale des textes, outre l’aspect éthique soulevé par la notion associant morphologie et comportement déviant, qui n’a apparemment pas gêné le législateur, ne va pas sans incohérence : ainsi, dans une même portée, issue des mêmes parents, un chien plus grand que les autres (le pitbull serait un petit dogue) échappe à la classification, contrairement à d’autres membres de sa fratrie. Par exemple, face à des mâles qui mesurent entre 55 et 60 cm au garrot et des femelles entre 45 et 50 cm, seules ces dernières relèvent de la première catégorie, les premiers n’étant soumis à aucune contrainte. Cette expertise, purement morphologique, peut être effectuée par des non-vétérinaires, en particulier les juges des races concernées et autres cynologues.

Ce n’est pas le cas des appréciations qui concernent la dangerosité réelle ou supposée des chiens. Dans ce cadre, un examen clinique, destiné à détecter une maladie organique ou psychiatrique, constitue la base de l’expertise. Ce volet médical, conformément aux dispositions du Code rural (article L. 243-1), impose que ce type d’évaluation ne soit effectué que par un vétérinaire, toute autre personne qui s’y risquerait se rendant coupable d’exercice illégal de la médecine vétérinaire.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr