Jean-Claude Delécolle, entomologiste, est le spécialiste en France des Culicoides - La Semaine Vétérinaire n° 1296 du 04/01/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1296 du 04/01/2008

Blue tongue. L’homme qui comptait les culicoïdes…

Actualité

Auteur(s) : Michel Bertrou

Chercheur à l’université de Strasbourg, il traque les moucherons vecteurs de la maladie.

Il fait froid et les culicoïdes se font rares dans les pièges à lampe ultraviolette de la surveillance entomologique pour l’épizootie de fièvre catarrhale ovine. Jusqu’aux dernières semaines de décembre, ils arrivaient par cartons entiers dans le laboratoire de Jean-Claude Delécolle où ils étaient méticuleusement triés, identifiés et comptés. L’entomologiste, chercheur à l’université Louis-Pasteur de Strasbourg (Bas-Rhin), est l’un des rares spécialistes mondiaux des Culicoides, minuscules moucherons hématophages et vecteurs désignés de la blue tongue, qui bénéficient depuis peu d’un intérêt imprévu. Jean-Claude Delécolle est même actuellement le seul systématicien suffisamment expérimenté pour effectuer le tri et la détermination de ces espèces en France.

L’avenir donne raison à l’obstination du chercheur

L’entomologiste fréquente les culicoïdes depuis plus de trente-cinq ans. Sa carrière débute à l’Institut de parasitologie et de pathologie tropicale (IPPTS) de la faculté de médecine de Strasbourg qui, à l’époque, initie et développe des recherches sur ces petits cératopogonidés vecteurs de nombreuses arboviroses en Afrique tropicale et subtropicale. « Des quatre ou cinq spécialistes que nous étions alors, je reste le seul encore en activité », précise Jean-Claude Delécolle. Avec le temps, la systématique ou la taxinomie sont délaissées pour de nouvelles disciplines plus porteuses, comme la génétique ou la biologie moléculaire. En 1985, il quitte le laboratoire de parasitologie pour être rattaché à la faculté des sciences et au musée zoologique où il monte son petit laboratoire d’entomologie. « Je n’ai jamais abandonné l’idée que les Culicoides auraient un jour leur importance en France et j’ai poursuivi mes recherches sur ces petits moucherons », affirme le chercheur.

L’avenir lui donne raison. En octobre 2000, la Direction générale de l’alimentation (DGAL) fait appel au spécialiste pour la première fois, juste quelques semaines avant la déclaration des premiers foyers de fièvre catarrhale ovine en Corse. Avec notre confrère Stephan de La Rocque, du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), il confirme la présence sur l’île de Culicoides imicola, d’origine afro-tropicale et vecteur de la maladie. En 2001, il forme des techniciens au sein des directions des services vétérinaires (DSV) corses aux procédés de piégeage. Il forme également un chercheur de l’Entente interdépartementale pour la démoustication (EID) et un autre du Cirad pour qu’ils puissent assurer la surveillance du littoral méditerranéen (vingt-six sites). Avec eux, il met en évidence l’arrivée du vecteur (sans le virus !) dans le Var, à partir de 2003. A la suite de la présence signalée de C. imicola au pays Basque espagnol en 2005, la DGAL le mandate une nouvelle fois pour faire un inventaire des espèces locales. En outre, avec l’apparition de la blue tongue aux Pays-Bas en 2006, une entomo-surveillance est mise en place sur toute la frontière belge et des techniciens sont formés pour assurer le piégeage, ainsi qu’un prétri des insectes récoltés. L’épizootie gagne du terrain en 2007 et le nombre de pièges est étendu à l’Alsace, au Centre, à l’Auvergne, à la Bourgogne. Le rythme des piégeages devient hebdomadaire pour déterminer la période de fin d’activité des vecteurs(1).

Ses recherches sont nécessaires et attendues sur le terrain

L’entomo-surveillance des vecteurs de la fièvre catarrhale ovine se généralise sur tout le territoire et l’entomologiste ne peut plus assurer seul l’ensemble du travail. « Il y a dans le monde, à l’heure actuelle, près de mille trois cents espèces différentes de culicoïdes et il faut les pratiquer des années pour les connaître et les reconnaître. La systématique ne s’apprend pas du jour au lendemain », explique Jean-Claude Delécolle. Bruno Mathieu (EID à Montpellier) s’occupe déjà de l’entomo-surveillance du pourtour méditerranéen continental. D’autres scientifiques ou vétérinaires du Cirad(2) sont en cours de formation et, « avec eux, nous formerons d’autres techniciens, d’autres chercheurs et nous impliquerons aussi des doctorants », annonce l’entomologiste qui, depuis le début de l’année, a réintégré l’équipe du laboratoire de parasitologie de l’IPPTS où il peut relancer ses recherches en entomologie médicale et vétérinaire. Ces travaux sont nécessaires et attendus par les acteurs du terrain. « Jusqu’à présent, nos observations se faisaient à l’extérieur, en pleine nature. Elles se sont modifiées, car nous travaillons maintenant aussi dans les élevages. Début décembre, malgré des conditions assez fraîches, il y avait davantage de Culicoides dans les pièges lumineux à l’intérieur qu’à l’extérieur », précise Jean-Claude Delécolle. L’hypothèse d’une hibernation des Culicoides au stade adulte reste à démontrer. Jusqu’ici, peu d’études ont évalué en laboratoire l’effet des insecticides sur ces populations d’insectes : des essais sont en cours au Cirad et à l’EID. Les connaissances restent également trop limitées pour envisager une lutte ciblée des gîtes larvaires dont certains demeurent encore énigmatiques.

Pour l’heure, les pièges sont vides et au lieu d’un repos mérité, l’entomologiste compte mettre à profit la période hivernale pour terminer une étude de plusieurs milliers de Cératopogonidés originaires de Guadeloupe.

  • (1) La période d’inactivité vectorielle est décrétée quand, pendant deux semaines consécutives, les piégeages n’ont pas dépassé le seuil de cinq femelles pares par nuit et par piège.

  • (2) Thierry Baldet, Thomas Balenghien, Hélène Guis, Fabienne Biteau-Coroller, Aurélie Perrin et Catherine Cétre-Sossah.

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