LES ÉTUDIANTS NE DEMANDENT QU’À ÊTRE CONQUIS PAR LA RURALE - La Semaine Vétérinaire n° 1295 du 21/12/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1295 du 21/12/2007

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Auteur(s) : Agnès Faessel

La relève est là.

Presque 30 % des étudiants de dernière année sont motivés par la rurale. La formation dans les écoles vétérinaires laisse aujourd’hui une large place à la pratique, aux sorties sur le terrain, à la découverte de la réalité du métier. Il revient ensuite aux praticiens d’achever de les convaincre qu’ils font le bon choix.

Cent trente-deux, soit 28 %, des actuels étudiants vétérinaires en dernière année (T1) ont choisi l’orientation “animaux de production” (ruminants majoritairement). Ces jeunes, dont presque deux tiers de filles, pourraient venir grossir les rangs des praticiens ruraux et mixtes dès l’an prochain. Pourraient, bien entendu, car rien n’interdira à ces futurs vétérinaires de finalement choisir une autre activité, canine par exemple, pour laquelle ils ont bénéficié d’une formation égale à celle des autres étudiants au sein du tronc commun. Mais ces jeunes semblent bel et bien motivés à s’essayer à la rurale.

Cette motivation existe-t-elle déjà en première année ? D’après une étude menée sur la promotion entrée en 2005 dans les écoles vétérinaires, 32 % des étudiants (70 sur 217) disent envisager une activité “mixte” à leur arrivée dans l’école. Ils sont les plus nombreux. Seuls 15 % des répondants (33 sur 217) projettent une activité canine. « En cochant la case “mixte”, les premières années expriment peut-être aussi un non-choix », prévient Pierre Sans, enseignant-chercheur à l’ENV de Toulouse et impliqué dans l’étude. Un non-choix certainement légitime à ce stade précoce de leur formation. Le champ est alors libre pour que ces indécis se laissent séduire par la rurale. C’est le pari que font les équipes d’enseignement rural dans les écoles, en multipliant les sorties, les rencontres avec les praticiens et les éleveurs.

Le stage peut être une occasion de se découvrir rural

Notre confrère Pierre Sans est enseignant et responsable des stages à l’ENV de Toulouse. Il explique que le stage de première année est obligatoirement effectué en milieu rural. Il dure quatre semaines et se déroule délibérément en janvier afin de bénéficier d’une forte intensité de l’activité en clientèle rurale. En effet, l’étudiant passe trois semaines dans un cabinet vétérinaire et une semaine dans une exploitation agricole. « Nous lui demandons d’appréhender l’activité vétérinaire dans un contexte global, précise Pierre Sans, avec ses composantes économiques par exemple, ce qui impose d’effectuer des recherches au préalable. »

Pour son stage de deuxième année (six semaines au minimum), l’étudiant doit avoir une mission, participer à la résolution d’une problématique. Le stage s’effectue préférentiellement en entreprise, éventuellement au sein d’un groupement de producteurs ou chez un praticien qui travaille en réseau, comme il en existe dans les filières de production hors sol (réseau Cristal). Cela peut être l’occasion de découvrir une vocation, ou de fermer une porte, mais en connaissance de cause.

Le stage de troisième année est majoritairement réalisé en cabinet vétérinaire. Les étudiants peuvent se faire aider pour trouver le lieu qui répond le mieux à leurs attentes. Les contacts réguliers entretenus entre les écoles et les Groupements techniques vétérinaires (GTV) permettent d’ailleurs la mise à disposition d’une liste de praticiens ruraux ou mixtes accueillant des stagiaires, avec les conditions d’accueil (de logement, par exemple).

L’enseignement a évolué vers davantage de pratique

Outre les stages, l’enseignement rural dispensé dans les ENV prévoit de pouvoir « toucher le métier » au maximum. Une adaptation de son organisation est en cours, en rapport avec les modifications à venir de l’actuel cursus de formation, mais qui n’en changera pas l’esprit.

A Nantes, par exemple, l’enseignement pratique a évolué. Durant leur année clinique (actuelle D3), les étudiants apprennent les gestes de base, les principes de l’examen clinique des grands animaux. L’école dispose d’un troupeau pédagogique de quinze bovins à demeure. Et environ quatre cents bovins par an sont envoyés par les praticiens voisins pour le fonctionnement de la structure d’hospitalisation. Ces cas, incurables ou dont le traitement est coûteux, sont autant de cas cliniques étudiés par les élèves durant leur formation. Depuis 2005, une clinique “externalisée” vient compléter la formation des D3 aux cas courants (fièvre de lait, diarrhée néonatale, par exemple). Par groupe de quatre, les étudiants passent quatre jours dans l’une des six clientèles vétérinaires impliquées. « Le bilan est positif, constate Christine Fourichon, chef du département de santé des animaux d’élevage, autant par la diversité des cas présentés aux étudiants que par la vision globale qu’ils en obtiennent (diagnostic et traitement, mais aussi tâches administratives et relations avec l’éleveur). » A l’ENV de Lyon, outre la formation intra-muros dans les hôpitaux, les étudiants bénéficient d’une clientèle rurale propre. L’école a effectivement racheté celle d’une clinique vétérinaire rurale voisine. Un partenariat établi avec les GTV locaux et le soutien financier de laboratoires pharmaceutiques permettent aussi d’organiser des sorties ponctuelles dans des clientèles aux profils différents, en production bovine allaitante par exemple. A Toulouse, l’activité d’autopsie, complémentaire de celle des hôpitaux, fonctionne également de manière indépendante : environ quatre cents autopsies par an sont réalisées à l’école. Une clinique ambulante tourne aussi. A Alfort enfin, les étudiants passent plusieurs semaines sur le site de Champignelles, dans l’Yonne. Cette plate-forme de formation comporte, entre autres, un élevage bovin allaitant et une exploitation ovine. De nombreux bovins sont également hospitalisés sur le site parisien. « Plus de trois cent trente sont arrivés depuis le 27 septembre », précise Renaud Maillard, chef du département des productions animales. Dans le tronc commun, les étudiants passent neuf semaines en pathologie des bovins (médecine, chirurgie ou reproduction). L’ambulante les emmène aussi voir d’autres paysages, celui des Ardennes notamment (et du Cantal en T1).

La formation ne se cantonne pas aux seuls soins aux animaux

La formation vétérinaire ne se limite pas aux affections individuelles. « L’organisation des filières de production est abordée dès les premières années, avec notamment le volet économique et la politique agricole commune, rappelle le professeur Francis Enjalbert, directeur du département élevage et produits de l’ENV de Toulouse. Ensuite, la médecine collective est particulièrement abordée dans le cadre des visites d’élevage puisque ce sont souvent des cas étudiés à la demande de confrères de terrain. » Les notions de conseil, de suivi, sont développées en T1 : des suivis de reproduction sont menés en élevage, par exemple. « Comment proposer un conseil en élevage, comment le préparer, comment dépouiller les données et rendre une analyse, sont autant de sujets traités dans le module “médecine des populations” de T1 », explique le professeur Théodore Alogninouwa, chef du département “productions animales”à l’ENV de Lyon. Des intervenants extérieurs, avec leur expertise personnelle, participent d’ailleurs à l’animation de certains modules de troisième cycle.

En T1, la formation théorique reste incontournable : chirurgie des ruminants (complétée en pratique par des travaux dirigés), maladies réglementées, bien-être animal, agriculture biologique, mais aussi gestion de clientèle, stratégies de développement des cabinets, rôle et interaction des Groupements de défense sanitaire, etc. La formation sort largement des soins aux animaux. Mais le programme laisse la part belle à la pratique. A Nantes, par exemple, outre les audits d’élevage, les T1 partent et restent sur le terrain dès la rentrée de janvier, enchaînant stage professionnel puis stage de thèse. « La thèse est nécessairement appliquée, ajoute le professeur Henri Seegers, responsable de l’enseignement T1 à l’ENVN. Nous expliquons aux élèves qu’ils ont intérêt à se constituer une bonne carte de visite, avec des points forts différenciés. »

Les productions hors sol ne séduisent aujourd’hui qu’un nombre restreint et variable d’étudiants, peut-être parce qu’ils ont tout à découvrir. A l’ENV de Nantes, en deuxième cycle, quinze jours d’enseignement sont intégralement dédiés à l’approche des espèces porcines et avicoles (une semaine pour chacune, incluant des visites d’élevage). « Nous allons bien moins loin que pour les ruminants, reconnaît Christine Fourichon, mais la découverte de ces filières très organisées amène certains élèves à s’y destiner. »

Les emplois sont plus nombreux et mieux rémunérés en rurale

La mise en situation des étudiants dès le deuxième cycle est bénéfique à leur motivation pour choisir une orientation rurale en dernière année. Parvenir à leur transmettre l’envie de travailler en clientèle rurale ou mixte nécessite un travail de longue haleine. En année clinique à Nantes, les élèves suivent une séquence de formation de deux semaines dans une exploitation référée pour un problème de qualité du lait ou de parasitisme, par exemple. Leur travail comprend la description de la situation, l’analyse des risques à partir de données factuelles (résultats du contrôle laitier, analyses de sang, etc.) jusqu’à la rédaction de recommandations destinées à l’éleveur. « Les élèves travaillent alors beaucoup en autonomie : ils retournent seuls dans l’élevage à deux reprises. Cette formation à l’approche du troupeau plaît aux élèves, même à ceux qui sont plutôt attirés par les animaux de compagnie », se réjouit Christine Fourichon.

Praticiens et enseignants ont un rôle de motivation à jouer envers les étudiants

La “promotion” de la rurale s’effectue en outre par le corps enseignant, notamment au moment de la présentation des T1 et de la prise de décision des étudiants. « Nous incitons les élèves à plutôt achever leur formation rurale en fin de parcours, car un complément est nécessaire pour acquérir une autonomie de travail, explique Théodore Alogninouwa. Cette formation leur permettra aussi de trouver plus aisément un premier emploi. » Certains arguments sont plus directs : « Le salaire initial d’un assistant autonome en bovine est bien plus élevé qu’en canine », est-il écrit sur le document de présentation de la T1 “médecine des animaux d’élevage” à l’ENV de Nantes. « Les élèves ont davantage à apprendre en bovine qu’en canine à la fin du tronc commun, constate Henri Seegers. Un étudiant autonome, capable d’assurer une garde, a un véritable boulevard d’opportunités devant lui. » Selon ce professeur, même les élèves qui placent la dominante rurale en deuxième ou troisième choix sont reçus en entretien. Les envoyer quelques jours en clientèle ciblée, par exemple sur l’aviculture, les aide parfois à se déterminer. A Alfort, une T1 mixte canine/rurale est suivie par une douzaine d’étudiants, qui ne renâclent pas devant une quantité de travail doublée.

Mais la motivation des étudiants et des jeunes diplômés est encore fragile. Elle peut retomber si un discours inquiétant ou pessimiste leur est tenu, notamment sur le terrain. Au contraire, en présentant aux jeunes stagiaires et diplômés les aspects positifs de leur métier, les praticiens ruraux ont l’opportunité de confirmer cette motivation.

Quel est l’avenir de la formation rurale des futurs vétérinaires ? « La T1 de canine autofinance une partie de la formation, ce qui n’est pas le cas de la rurale qui coûte sans rien rapporter, alerte Henri Seegers. Nous sommes en situation de faiblesse pour demander des budgets ou des postes. » Une orientation nationale, décidée par la Direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER), permettrait peut-être de limiter le risque d’arbitrages internes aux écoles, effectués selon des considérations financières. « Les praticiens pourraient se mobiliser, par le biais de leurs instances représentatives, pour demander davantage d’enseignement rural dans les écoles », propose Renaud Maillard.

Première journée “cas cliniques ruraux” à l’ENVL

Les Journées bovines, organisées annuellement dans les écoles de Toulouse et de Nantes (mais plus à Alfort actuellement) sont l’occasion de faire se rencontrer étudiants et praticiens, qui forment ensemble leur public. En outre, à Nantes, les travaux de thèse d’exercice de certains ex-T1 Pro sont valorisés, par leur présentation orale ou écrite sous forme de poster. Et à Toulouse, des cas cliniques sont présentés par les étudiants en internat. Le 3 avril prochain, l’ENV de Lyon organise sa première Journée de cas cliniques en pratique rurale, en partenariat avec les GTV locaux (Rhône-Alpes, Auvergne et Bourgogne) et le laboratoire Merial. Pour chaque cas, une présentation par le praticien, suivie d’un rappel des données bibliographiques actuelles par un enseignant, s’achèvera par une discussion entre les participants. Un appel à communications est ouvert jusqu’au 15 janvier prochain. Certains modules de T1Pro sont également ouverts aux vétérinaires praticiens, comme offre de formation continue. Les échanges informels sont encore l’opportunité pour les étudiants de mieux jauger la réalité de leur future activité.

A. F.
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