L’anesthésie gazeuse et la rachi-anesthésie sont deux techniques de choix - La Semaine Vétérinaire n° 1295 du 21/12/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1295 du 21/12/2007

Anesthésie du veau

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Lorenza Richard

L’anesthésie gazeuse est confortable pour le veau et le chirurgien, mais elle n’est pas adaptée au terrain et suppose un investissement. La rachi-anesthésie est simple, économique et nécessite peu de matériel.

L’anesthésie générale d’un bovin adulte présente des risques (traumatismes, problèmes respiratoires dus au décubitus, salivation et régurgitations, tympanisme, etc.) qui font préférer une anesthésie locale, accompagnée ou non d’une sédation simple, pour la réalisation de la plupart des actes chirurgicaux.

Chez le veau, animal immature, les risques cardio-respiratoires sont encore plus importants. L’apport d’oxygène et l’assistance à la ventilation sont essentiels. L’immaturité du foie et des reins impose de donner la préférence à des produits anesthésiques qui ne sont pas éliminés par ces organes. L’intubation est nécessaire, notamment pour éviter les fausses déglutitions. En outre, l’hypoglycémie et l’hypothermie sont deux problèmes majeurs qui requièrent de mettre en place une voie veineuse, pour la perfusion de solutés glucosés chauffés, et de réaliser une réalimentation rapide.

Ainsi, l’anesthésie injectable dite “fixe”, même si elle est pratique, ne constitue pas la meilleure solution chez le veau. L’anesthésie recherchée est modulable, permet un réveil rapide, une élimination facile des drogues (isoflurane(2)), et minimise la dépression cardio-vasculaire et respiratoire.

Prévenir l’éleveur du risque encouru par l’animal avant l’anesthésie gazeuse

L’anesthésie volatile semble être une bonne solution, car elle est modulable au niveau du réveil et des effets indésirables ; le gaz vecteur est l’oxygène et la ventilation peut être assurée ; l’animal est intubé (limitation du risque de fausse déglutition). Le principal problème est qu’elle semble difficile à mettre en place sur le terrain (transport du concentrateur d’oxygène, etc.). Avant la mise en œuvre de l’anesthésie, l’éleveur doit être prévenu du risque encouru par l’animal afin d’obtenir son consentement éclairé. Un examen préopératoire du veau et une limitation du stress sont importants. Le jeûne préopératoire sera évité chez le veau âgé de moins d’un mois. Chez ceux de plus de trois mois, une diète de six à douze heures peut être envisagée. Une bonne estimation du poids permet d’éviter les surdosages (le poids des races à lait est souvent sous-estimé, celui des races à viande surestimé).

La réanimation préanesthésique est primordiale (réhydratation, analgésiques et surtout préoxygénation). Il convient de “gaver” le sang d’oxygène pendant dix minutes, avant l’induction. Pour la prémédication (voir tableau 1), il convient de garder à l’esprit que la xylazine(3) et la détomidine(2) ont un effet hypotenseur mal supporté par un animal très jeune, qui plus est s’il est dans un état critique. Le diazépam(1) est bien toléré chez les jeunes veaux. Son excipient (éthylène glycol) est choquant s’il est injecté rapidement, mais par voie intraveineuse lente, il offre une bonne sédation. Il est possible de l’associer au butorphanol(2).

La sonde naso-trachéale permet de contrôler la quantité délivrée et de limiter la pollution

Pour l’induction par injection, il convient d’utiliser les doses minimales, juste pour l’intubation, d’où l’importance de bien estimer le poids du veau. La dose dépend de son âge et de son état (une demi-dose de kétamine peut suffire si l’animal va mal).

L’induction par inhalation peut être réalisée soit au masque, soit en plaçant sur l’animal vigile une sonde naso-trachéale. Celle-ci est difficile à mettre en place, mais elle permet de contrôler la quantité délivrée et de limiter la pollution. Une tranquillisation (prémédication) est souhaitable (0,2 mg/kg de diazépam ou 0,1 mg/kg de xylazine). La procédure consiste, tout d’abord, à envoyer de l’oxygène pendant dix minutes, puis à ajouter le gaz. Le veau s’endort avec un débit d’oxygène médical(2) à 200 ml/kg et 5 % d’isoflurane. Le praticien doit penser à amortir la chute de l’animal. Pour la pose d’une sonde naso-trachéale (chez un animal vigile), il est nécessaire d’appliquer un gel anesthésique (tronothane(3)) dans le naseau environ trente minutes avant l’introduction de la sonde par le méat nasal ventral.

Dans le cas de la pose d’une sonde oro-trachéale (après induction), une sonde courbe permet d’aller dans la bonne direction et de passer la base de la langue pour rejoindre le larynx. Chez un veau nouveau-né, il convient d’utiliser une sonde de diamètre 12 au maximum et un laryngoscope. Des sondes de diamètre 16 ou 18 sont utilisées chez un veau plus âgé, pour lequel l’intubation à la main est possible. Dans le cas contraire, il faut alors placer la tête en extension et palper le larynx pour enfoncer la sonde “à l’aveugle”. Pour passer la sonde dans le larynx, le praticien tient la tête en extension et passe la sonde sans forcer dans la trachée, afin d’éviter l’œdème laryngé à la fin de l’anesthésie. Il attend ensuite en face du larynx que l’animal soit prêt à expirer pour pousser la sonde dès le début de l’inspiration suivante (et non pas au moment où il voit l’animal inspirer, car il est alors trop tard pour pousser : il faut donc le faire en toute fin d’expiration, quand l’animal ouvre son larynx pour inspirer).

Il n’y a aucune analgésie lors d’anesthésie volatile et la douleur tue le veau

Pour la maintenance de l’anesthésie, l’utilisation du protoxyde d’azote est déconseillée. Le veau doit être laissé sous 100 % d’O2. L’isoflurane endort et réveille plus vite que l’halothane(1) et il est éliminé majoritairement par voie pulmonaire.

Le circuit réinhalatoire de type circulaire est conseillé, parce qu’il est économiquement plus intéressant et qu’il distribue du gaz réchauffé. Il limite donc l’hypothermie peropératoire. La ventilation à pression positive intermittente (IPPV) peut être utilisée durant toute l’anesthésie, à l’aide d’un respirateur ou “à la main”, en respectant certains paramètres (voir tableau 2).

La surveillance peropératoire est primordiale. Un œil basculé correspond chez le veau à une anesthésie chirurgicale légère. L’anesthésie chirurgicale profonde est obtenue lorsque l’œil est revenu en position centrale et en myosis. L’anesthésie est trop profonde quand l’œil est central et en mydriase.

Il est important de vérifier les paramètres vitaux du veau, comme de surveiller le choc précordial et la respiration. Poser une sonde de température peut être intéressant, tout comme pratiquer des mesures de glycémie avant, pendant et après l’intervention chirurgicale.

La réanimation consiste en l’administration d’O2, la ventilation, la perfusion continue de solutés chauffés (rythme de base 6 à 10 ml/kg/h), le réchauffement du veau et l’injection d’analgésiques. Le praticien doit avoir à l’esprit qu’il n’y a aucune analgésie lors d’anesthésie volatile et que la douleur tue le veau : utiliser des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), une anesthésie locale, des analgésiques centraux conditionne beaucoup le résultat de l’acte chirurgical.

Pour le réveil, il convient de rester sur des débits importants, et d’O2 uniquement, pour éliminer les halogénés des poumons et limiter les risques d’hypoxémie. La sonde endotrachéale ne doit être retirée que lorsque l’animal est capable de se tenir en décubitus sternal et de déglutir.

La rachi-anesthésie provoque un effet immédiat

La rachi-anesthésie permet d’éviter l’anesthésie générale. Par rapport à la péridurale, avec laquelle le vétérinaire doute toujours d’être au bon endroit et qui met environ dix minutes à faire effet, du liquide céphalorachidien (LCR) sort : il est donc impossible de se tromper et l’effet est immédiat (paralysie des postérieurs).

Pour ce type d’anesthésie, l’injection n’est pas réalisée dans l’espace péridural, mais dans l’espace sous-arachnoïdien, qui est plus profond. Mieux vaut prémédiquer l’animal au diazépam pour le calmer. Il peut être laissé debout, en décubitus sternal ou, mieux, en décubitus latéral. Un aide ramène les postérieurs vers l’avant pour écarter l’espace lombo-sacré. L’axe spinal de l’animal doit être le plus rectiligne possible et les membres postérieurs doivent être symétriques.

Après la désinfection du site de ponction, le praticien introduit une aiguille spinale ou un mandrin de cathéter dans l’espace L6-S1 (dépression particulièrement palpable chez le veau). Il convient auparavant de faire une petite anesthésie locale par voie sous-cutanée, car c’est le passage de la peau qui fait bondir l’animal. Il faut laisser couler un peu de LCR (pas beaucoup, car il semble qu’un déficit soit plus ennuyeux qu’une surpression) avant d’injecter l’anesthésique.

« Essayer la rachi-anesthésie, c’est l’adopter ! »

Divers protocoles ont été étudiés à l’école vétérinaire de Nantes pour la chirurgie des infections ombilicales chez le veau. Il est apparu que le meilleur est le suivant : lidocaïne 2 mg/kg + xylazine 0,2 mg/kg, soit 1 ml de lidocaïne à 2 % + 0,1 ml de xylazine pour 10 kg de poids vif, injectés lentement (en deux minutes, car si l’injection est trop rapide, une paralysie des muscles respiratoires peut survenir).

L’anesthésie est immédiate (attention au risque traumatique sur un animal déjà gros, endormi alors qu’il est debout, car il tombe sous lui d’un coup) et dure quatre-vingt-dix minutes en moyenne. Les animaux sont en décubitus sternal et tètent après deux heures ; ils sont debout après trois heures. Cette méthode est donc intéressante en termes de récupération de l’animal. La rachi-anesthésie est une technique simple, économique et nécessite peu de matériel : « L’essayer, c’est l’adopter », estime notre consœur Delphine Holopherne.

Les effets indésirables sont une bradycardie légère (70 à 80 mouvements) et une hypothermie, comme lors de toute chirurgie, mais il n’y a pas de dépression respiratoire. Malgré tout, mieux vaut prendre les mêmes précautions que pour une anesthésie générale. La surveillance préopératoire, la fluidothérapie, la lutte contre l’hypothermie et surtout l’analgésie postopératoire sont importantes.

  • (1) Tilétamine, zolazépam, propofol, midazolam, diazépam, médétomidine, halothane : médicaments interdits en productions animales par absence de limite maximale de résidus (LMR).

  • (2) Romifidine, détomidine, butorphanol, oxygène médical : médicaments vétérinaires indiqués chez les équidés et utilisables “hors AMM” en productions animales (LMR évaluées ou substances hors du champ d’application des LMR) selon le principe de la cascade, « en l’absence de médicament vétérinaire approprié, autorisé chez les bovins » ; isoflurane : médicament à usage hospitalier accessible aux vétérinaires.

  • (3) Médicaments vétérinaires indiqués chez les bovins ou les veaux selon leur notice d’emploi (RCP ou AMM).

CONFÉRENCIER

Delphine Holopherne, maître de conférences à l’école vétérinaire de Nantes.

Article rédigé d’après les conférences « Anesthésies générales : protocole, avantages, investissements » et « Les rachi-anesthésies », présentées lors de la journée du GTV Bourgogne à Autun, en octobre 2007.

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