« Qui veut l’appeau du vétérinaire ? » - La Semaine Vétérinaire n° 1293 du 07/12/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1293 du 07/12/2007

Agronomes et vétérinaires sans frontières. Entretien avec Eric Fermet-Quinet

Actualité

Auteur(s) : Jean-Pascal Guillet

Notre confrère, consultant international, est membre du conseil d’administration d’AVSF depuis juin 2006.

La Semaine Vétérinaire : Pourquoi prendre la parole aujourd’hui à propos d’Agronomes et vétérinaires sans frontières (AVSF) ?

Eric Fermet-Quinet : Tout d’abord parce qu’AVSF ne joue plus son « devoir d’impertinence professionnelle », selon les propos de l’un des fondateurs de VSF(1). L’association n’a pratiquement pas participé au débat sur la grippe aviaire au moment le plus fort, elle ne réagit pas à la publication de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) concernant les effets nuisibles de l’élevage sur l’environnement, ou elle cautionne sans discernement les campagnes médiatiques d’Alimenterre (L’Europe plume l’Afrique puis L’Europe est vache avec l’Afrique). Une analyse professionnelle sérieuse et réactive aurait permis d’éviter les procès en bioterrorisme contre les basses-cours et le zébu africain, et de démontrer que ces “plumages” ou “vacheries” envers l’agriculture paysanne sont une réalité mondiale sur laquelle il était malvenu de stigmatiser en bloc les agriculteurs européens. Ensuite, parce que, même si les services vétérinaires entrent dans la catégorie des « biens publics mondiaux » de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) grâce à l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), même si la FAO se mobilise contre les maladies animales qui marginalisent les plus pauvres, AVSF ne voit pas de nécessité à renforcer sa compétence professionnelle vétérinaire pour répondre aux besoins de l’agriculture familiale et nomade.

Enfin, parce qu’AVSF continue d’ignorer que la protection de la biodiversité des espèces domestiques et sauvages et le bien-être animal auront un impact majeur pour les populations paysannes dans l’avenir, et que, sans soutien professionnel, elles en seront les victimes plutôt que les bénéficiaires.

S. V. : La fusion entre VSF et le Cicda aurait donc échoué ?

E.F.-Q. : Lors de l’assemblée générale de juin 2006, quatre administrateurs “historiques” de VSF ont démissionné en bloc et le rapport moral n’a été voté qu’à une faible majorité. Le désaccord portait notamment sur la place réservée à l’élevage, sur le maintien de l’équilibre structurel entre les sites de Lyon (ex-VSF) et Nogent (ex-Cicda) et sur des méthodes managériales divergentes. J’ai présenté ma candidature pour tenter de relancer ces débats. Mais dix-huit mois après avoir été élu membre du conseil d’aministration, je constate un verrouillage systématique. Le procès en sorcellerie corporatiste vétérinaire est l’argument ultime, alors que nous sommes loin d’un affrontement caricatural “agro” contre “véto”. La double complémentarité professionnelle et culturelle des deux entités aurait pu jouer à plein, mais le rouleau compresseur du tiers-mondisme universitaire de Cicda a étouffé la créativité de VSF sous la capitalisation professorale. AVSF devient une organisation non gouvernementale (ONG) généraliste de développement rural qui néglige ses référentiels techniques. L’équipe actuelle d’AVSF fait un travail énorme et minutieux de capitalisation autant que de structuration depuis 2004. Mais au lieu de se focaliser sur sa valeur ajoutée professionnelle au service de l’agriculture familiale, elle se disperse dans une théorisation complexe. Nous sommes passés de la fusion à la dilution… Nos “métiers”, désormais, ne sont plus rustiquement vétérinaires ou agronomes, mais le plaidoyer, l’ingénierie et l’expertise… Furieusement tendance, non ?

S. V. : Quelles sont les conséquences structurelles ?

E. F.-Q. : Ce choix induit un besoin accru de fonds propres. L’accent a donc été mis sur la communication au détriment des compétences techniques, mais la précarité de la situation financière augmente dangereusement. La fable de la grenouille reste d’actualité. Le siège n’a plus qu’un seul vétérinaire permanent. Un autre confrère, détaché de l’Agriculture, voit ses attributions l’éloigner clairement du domaine technique. Le recrutement des nouveaux adhérents s’oriente principalement vers le grand public à motivation humanitaire. L’assemblée générale 2007 devient donc une chambre d’enregistrement, sans débat professionnel, avec une participation faible. Le conseil d’administration ne compte plus que quatre vétérinaires sur vingt et un membres. Les nouveaux élus sont “savamment” cooptés. Faute de diversité, de confrontation intellectuelle, de contre-pouvoir et d’évaluation, AVSF s’enferme inévitablement dans les certitudes auto-sécurisées. En outre, le site de Lyon est progressivement affaibli par rapport à celui de Nogent et, à mon sens, les relations humaines se sont considérablement tendues pour certains personnels. Celui qui a connu VSF ne peut qu’être sidéré par l’atonie du site lyonnais d’AVSF.

S. V. : Qu’envisagez-vous pour l’avenir ?

E. F.-Q. : Tout dépendra de la réaction des consœurs et des confrères. La première option serait que la plupart des vétérinaires, moi-même comme mes prédécesseurs, ne trouvent plus d’intérêt à participer à AVSF, faute de s’y reconnaître professionnellement et humainement. AVSF deviendrait de fait une ONG généraliste de développement rural comme tant d’autres. La question de son intitulé se poserait alors légitimement : il ne s’agirait plus que d’un simple appeau vétérinaire destiné à attirer les donateurs. La deuxième solution serait que certains vétérinaires créent une nouvelle structure, plus animée, innovante et professionnelle. La demande existe, comme le prouve la création d’Asvelis au Vietnam. Le divorce serait alors consommé. La troisième solution, plus positive, serait que des consœurs et des confrères s’engagent plus fortement dans AVSF. Ils pourraient d’ailleurs le faire avec les agronomes, qui partagent l’attachement aux contraintes de terrain et l’expérience du travail en commun. L’appel est lancé. Pour débattre : provsf@voila.fr

  • (1) AVSF est née en 2004 de la fusion de Vétérinaires sans frontières (VSF) et du Centre international de coopération pour le développement agricole (Cicda).

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