En anesthésie, la capnographie est un monitorage essentiel - La Semaine Vétérinaire n° 1291 du 23/11/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1291 du 23/11/2007

Surveillance peropératoire

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Stephan Mahler*, Eric Troncy**

Fonctions :
*praticien à Acigné (Ille-et-Vilaine), membre de l’association 4AVet.
**professeur de physiopharmacologie à Saint-Hyacinthe, université de Montréal (Canada), membre de 4AVet.

La valeur de capnométrie permet de détecter précocement des incidents critiques. Toute variation brutale de l’ETCO2 doit être considérée comme un signal d’alerte.

La capnométrie est la mesure, exprimée en mmHg, de la concentration en CO2 dans l’air inspiré et expiré. La capnographie est la représentation graphique de cette concentration tout au long du cycle respiratoire. La valeur de capnométrie est une donnée multifactorielle qui tient compte de la production de gaz carbonique dans l’organisme, de la circulation sanguine, des échanges gazeux au niveau des alvéoles pulmonaires et de la circulation des gaz dans les voies respiratoires supérieures. L’analyse des valeurs obtenues doit donc tenir compte de ces critères et nous renseigner sur eux. Le gradient entre la pression alvéolaire en CO2 (PACO2) et la pression artérielle en CO2 (PaCO2) est faible, de l’ordre de 2 à 3 mmHg. En conditions normales, l’égalité entre les deux est donc admise. Le gaz expiré en fin d’expiration étant assimilé au gaz alvéolaire, la concentration de gaz carbonique en fin d’expiration (end tidal carbone dioxyde : ETCO2), affichée par le capnographe, est donc une méthode indirecte pour évaluer la concentration artérielle en gaz carbonique.

La capnographie est essentielle à la surveillance peropératoire anesthésique

L’interprétation des données de la capnographie repose sur l’analyse conjointe de la valeur de l’ETCO2 et de la forme du tracé. L’importance du rôle de la capnographie dans la prévention des accidents d’anesthésie est précisée dans plusieurs études en médecine humaine. Il peut être considéré, à l’heure actuelle, comme le seul appareil de surveillance indispensable d’une salle d’anesthésie. Les problèmes respiratoires représentent plus du tiers des accidents d’anesthésie, avec essentiellement l’intubation œsophagienne, l’intubation difficile et la ventilation inadéquate, au sens large du terme. Dans toutes ces circonstances, l’apport de la capnographie est essentiel. Ainsi, selon une étude rétrospective(1) de l’American Society of Anesthesiologists (ASA), l’utilisation conjointe de la capnographie et de l’oxymétrie aurait permis de prévenir 93 % des complications prévisibles lors d’anesthésie. Les recommandations de la Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar) en font un outil indispensable à la surveillance peropératoire des patients. Un décret rend désormais obligatoire, en médecine humaine, le contrôle continu de la concentration du gaz carbonique expiré, lorsque la trachée est intubée. En médecine vétérinaire, les situations pour lesquelles le recours à la capnographie est particulièrement important sont les thoracotomies, les ruptures diaphragmatiques, les pneumothorax, les pneumopathies, les animaux en état de choc ou traumatisés et, bien entendu, la détection de toute urgence peranesthésique.

Toute modification brutale de l’ETCO2 doit être considérée comme un signal d’alerte, voire une situation critique, et nécessite une intervention immédiate. L’analyse systématique des données de la capnographie passe par la reconnaissance et l’analyse de la ligne de base inspiratoire (réinhalation, etc.), la montée expiratoire (pente, durée, etc.), le plateau alvéolaire (pente, durée, encoche, etc.), la descente inspiratoire (pente, durée, etc.), les valeurs de l’ETCO2 et de la pression de CO2 dans les gaz inspirés et, enfin, la recherche et l’identification des causes d’hypocapnie ou d’hypercapnie.

La concentration de gaz carbonique en fin d’expiration varie au cours de l’anesthésie

L’interprétation de ces variations doit être effectuée en visualisant la courbe de capnographie. Elle repose sur les trois éléments déterminants de l’ETCO2 : la production métabolique de CO2, le transport vers les poumons (débit cardiaque et perfusion) et la ventilation alvéolaire. L’absence de capnogramme, la diminution ou l’augmentation de l’ETCO2 sont les trois situations rencontrées.

En l’absence de capnogramme, à la suite d’une intubation, la première cause évoquée est une intubation œsophagienne. Dans cette situation, l’ETCO2 peut parfois ne s’annuler qu’après deux ou trois cycles respiratoires. Cependant, en général, la forme du capnographe est anormale. L’apnée peut également être responsable d’une absence de capnogramme. Une respiration contrôlée doit éventuellement être mise en place : l’obtention de capnogrammes et de valeurs d’ETCO2 normaux sont alors immédiats. La déconnexion du circuit respiratoire ou l’arrêt cardiaque sont deux autres explications lorsque la valeur de l’ETCO2 est nulle. Une inspection du circuit et un examen clinique de l’animal sont à réaliser pour valider ces hypothèses. En outre, une panne du capnomètre (en particulier de batterie) est aussi possible.

L’hypothermie ou l’approfondissement de l’anesthésie s’accompagnent d’une diminution de la consommation d’oxygène, de la production de CO2 et donc de l’ETCO2. Une baisse de l’ETCO2 avec un graphe normal est observée également en cas d’augmentation involontaire ou de mauvais réglage de la ventilation artificielle. Il est question alors d’hyperventilation liée à une tachypnée et/ou un trop grand volume inspiré.

Une chute brutale de l’ETCO2 doit faire penser à une modification circulatoire. C’est un signe précoce de collapsus cardiovasculaire (baisse de débit cardiaque) et d’arrêt cardiaque. Dans ces situations, la réduction de l’apport de CO2 aux alvéoles explique la diminution de l’ETCO2. Lors de pneumothorax compressif, d’embolie pulmonaire gazeuse ou de ventilation sélective (intubation d’une bronche souche au lieu de la trachée), la diminution de la perfusion pulmonaire augmente l’espace mort alvéolaire et entraîne une baisse rapide de l’ETCO2.

Si l’élévation de l’ETCO2 est trop importante, une ventilation contrôlée est à prévoir

La capnométrie est fondamentale dans la reconnaissance immédiate d’une hypoventilation, alors que l’oxymétrie de pouls peut rester normale dans le même temps. Une obstruction progressive des voies respiratoires supérieures (par exemple une sonde endotrachéale qui se bouche par du mucus) sera à l’origine d’une augmentation progressive de l’ETCO2. Cette dernière est fréquente au cours de l’anesthésie chez les animaux obèses, lorsque la ventilation spontanée est rendue difficile par la présence d’une masse abdominale volumineuse (tumeur, pyomètre, gestation, etc.) ou quand la position de l’animal limite l’amplitude de ses mouvements respiratoires (chirurgie périnéale avec la tête en position déclive). L’augmentation progressive de l’ETCO2 peut être le résultat d’une chaux saturée, qui ne débarrasse plus les gaz expirés du CO2 que l’animal inhale de nouveau. En cas d’élévation de la capnométrie, il convient de vérifier l’intégrité du circuit d’anesthésie, en particulier l’état de la chaux et le bon fonctionnement des valves unidirectionnelles. La dépression respiratoire induite par l’anesthésie doit également être évaluée et la profondeur de l’anesthésie éventuellement corrigée. Si l’élévation de l’ETCO2 est trop importante (habituellement supérieure à 60 mmHg), une ventilation contrôlée est à considérer. Moins fréquente en médecine vétérinaire, l’augmentation de la production de CO2 s’observe au cours des états hypermétaboliques. Pendant l’anesthésie générale, une augmentation de l’ETCO2 doit évoquer une hyperthermie maligne, dont elle constitue un signe précoce. Le mauvais réglage d’un tapis chauffant est à l’origine du même résultat. En dehors d’un trouble du métabolisme, la production de CO2 augmente lors de la reperfusion après un clampage vasculaire ou un garrot, et lors d’un apport exogène de CO2 (injection de bicarbonates, par exemple).

Seule la reprise d’une activité circulatoire entraîne une élévation prolongée de l’ETCO2

Une augmentation brutale de l’ETCO2 peut être expliquée par une diminution de la ventilation alvéolaire. Les causes fréquentes en sont une fuite au niveau du circuit d’anesthésie ou un débit de gaz frais insuffisant.

L’utilisation du monitorage de la capnographie au cours de la réanimation de l’arrêt cardiaque se révèle fort utile pour optimiser le massage cardiaque externe. En se fixant un seuil d’ETCO2 (15 à 20 mmHg la plupart du temps), le réanimateur peut contrôler l’efficacité de son massage cardiaque. L’absence d’ETCO2, dans cette situation, doit conduire à vérifier le positionnement de la sonde trachéale. Elle peut également signifier une embolie pulmonaire massive ou un massage inefficace. Une augmentation transitoire de l’ETCO2 est observée après une administration de bicarbonate ; en revanche, seule la reprise d’une activité circulatoire peut entraîner une élévation importante et prolongée de l’ETCO2.

De nombreuses études se sont intéressées à la valeur pronostique de l’ETCO2 au cours de la réanimation cardiorespiratoire et plusieurs indices ont été proposés. Lors de la réanimation d’un arrêt cardiaque (avec activité électrique), tous les animaux dont la valeur de l’ETCO2 est inférieure à 10 mmHg après vingt minutes décèdent. Une ETCO2 initiale supérieure à 15 mmHg est un bon indicateur de la reprise d’une activité circulatoire.

La capnographie ne permet pas de se passer d’une surveillance clinique étroite. En revanche, elle apporte des informations complémentaires utiles pour adapter précocement la réanimation au cours de l’anesthésie. En résumé, c’est le moniteur anesthésique le plus sensible pour la détection des problèmes.

  • (1) J.H. Tinker et coll. : « Anesthesiology », 1989, n° 71, pp. 541-546.

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