La profession doit repenser ses enjeux pour préparer la pratique de demain - La Semaine Vétérinaire n° 1289 du 02/11/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1289 du 02/11/2007

RNV 2007. Table ronde à Dijon

Actualité

Auteur(s) : Marine Neveux

« Comment adapter l’exercice vétérinaire libéral à son environnement ?», tel était le sujet du débat organisé lors des dernières Rencontres nationales vétérinaires.

La table ronde organisée dans le cadre des RNV par le Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL) a été l’occasion de discuter des problématiques actuelles qui touchent la profession, mais surtout d’envisager quels seront les contours de l’exercice de demain et quelles évolutions sont à anticiper dès aujourd’hui. Rapport Cahuc-Kramarz, libéralisation des professions réglementées en spectre de la commission Attali, évolution du couple prescription-délivrance, environnement réglementaire et législatif, regroupement de compétences, audits sont autant de domaines qui nécessitent des réflexions pour se préparer à la pratique de demain.

« L’ensemble de ces questions, le SNVEL tente d’y répondre quotidiennement par une démarche non pas défensive, mais prospective, estime Rémi Gellé, son président. Nous sommes une profession libérale capable de développer des services, de s’adapter à l’évolution des mentalités et de la donne de l’environnement professionnel, au-delà de nos frontières, en prenant en compte notre implantation au sein de l’Europe. » N’est-ce pas le rôle d’un syndicat que de participer aux groupes de réflexion, d’être force de propositions et d’influer sur les mutations environnementales d’une profession ?

« Cela passe par la consolidation des acquis, des piliers économiques de nos structures, souligne Rémi Gellé. Je regrette que les hommes politiques ne capitalisent pas avec nous ces énergies dépensées. Nous avons bientôt quatre mille vétérinaires salariés de nos entreprises vétérinaires, près de douze mille auxiliaires vétérinaires, ce qui représente un gisement d’emploi. L’entreprise vétérinaire est créatrice d’emplois et donc de richesses dans des régions où le potentiel de travail n’est pas forcément évident. »

L’opportunité d’un audit de la macroentreprise vétérinaire est évoquée

Pour Jean-Marc Bournigal, à la tête de la Direction générale de l’alimentation (DGAL), « cette démarche est cohérente et s’inscrit dans un contexte d’autocritique à tous les niveaux de la chaîne. Il ne faut plus hésiter à remettre totalement à plat des fonctionnements dépassés par les nouveaux enjeux. » Ainsi, la nécessité de revoir complètement les missions liées au mandat sanitaire selon l’environnement sanitaire international a été évoquée. Il s’agit donc de cerner quel vétérinaire doit être préparé à quelle mission. Le “paquet hygiène” en est un exemple concret. Il a permis de mettre en place une approche centrée sur le consommateur ; une seconde démarche intégrera l’approche “santé animale” au sein d’une refonte communautaire.

L’audit serait-il l’arme absolue ? Thierry Coste, animateur de la table ronde, a posé la question de l’opportunité d’un véritable audit de la macroentreprise vétérinaire, à l’heure « où cette démarche est commandée avec une vraie volonté d’évaluer et avec des acteurs parfois contradictoires ». « Oui, l’administration est actuellement soumise à des audits de tous côtés, a confirmé Jean-Marc Bournigal. Tout le monde fait sa petite marge d’autocritique pour essayer d’évaluer les moyens. »

Il faut dire que la DGAL revient de loin. Longtemps appelée à disparaître durant la campagne présidentielle, elle se doit de justifier l’importance de son existence auprès des politiques. Mais « quel que soit l’opérateur qui gérera ce secteur demain, il est clair que l’alimentation et la sécurité sanitaire seront de plus en plus importantes, poursuit Jacques Brulhet, vice-président du Conseil général vétérinaire. Celui des végétaux et du phytosanitaire est en outre à améliorer. »

Débats autour de la commission Attali et d’une éventuelle déréglementation

La question des orientations de la commission Attali pour la libération de la croissance française a été abordée lors de la table ronde. La commission parle davantage des taxis et des pharmaciens, mais cela ne doit-il pas nous pousser à réfléchir sur les règles déontologiques actuelles ? « La notion de profession libérale a évolué, explique Christian Rondeau, président du Conseil supérieur de l’Ordre (CSO). Le vétérinaire est aussi devenu un chef d’entreprise qui gère des salariés, qui est encore plus responsable de la pérennité économique de sa structure. Nous sommes au cœur des enjeux de demain. » Les difficultés d’harmonisation européenne et les réflexions actuelles sur les statutory bodies sont des illustrations de ce qui attend les professions libérales à la française d’une manière générale, et plus spécifiquement les professions de santé. La gestion de la compétence au sein de la structure est à la fois une opportunité et un risque : risque de voir apparaître des corps intermédiaires de vétérinaires, opportunité de consolider l’expertise vétérinaire unique en santé animale auprès du grand public.

« Il nous manque d’acquérir la vraie dimension d’un chef d’entreprise », conclut Christian Rondeau. Pour cela, il est indispensable de comprendre son environnement professionnel, de diffuser la connaissance de la profession. « Au sein même de l’Union européenne, nous n’avons pas fait assez de prosélytisme. Il faut que nous parlions la même langue (anglais), mais aussi le même langage technique. Nous devons être capables de démontrer que notre système est ouvert, qu’il est de qualité, et qu’il est adapté aux exigences des consommateurs. »

Selon Olivier Aynaud, secrétaire général de l’Union nationale des professions libérales (UNAPL), il existe dans les débats actuels de la commission Attali « une confusion au sujet de la réglementation. Par exemple, les taxis ont une licence d’exploitation, encadrée, limitée en nombre, ce qui n’est pas la même chose que le terme de réglementation appliqué à la notion de capacité professionnelle ». Nous sommes au cœur du débat sur une éventuelle déréglementation de la profession vétérinaire.

Etre proactif au niveau de l’Europe pour préparer le terrain en France

Christophe Buhot, président de l’Union européenne des vétérinaires praticiens (UEVP), a rappelé la nécessité d’être proactif au niveau de l’Europe, car elle représente le cadre des actions futures qui s’appliqueront sur le territoire national. Agir à Bruxelles ou à Strasbourg aujourd’hui, c’est donc préparer le terrain de la négociation en France, à court ou moyen terme, mais un terrain déjà restreint par les contraintes européennes. « Dans le cadre de la directive de santé (la nouvelle politique sanitaire européenne), nous avons un rôle important à jouer, et pas seuls. Nous allons dessiner la politique sanitaire des dix à quinze prochaines années. » Pour cela, les besoins des consommateurs et les attentes des différents acteurs professionnels sont à considérer. De même, « ces discussions s’inscrivent dans un contexte particulier, celui de l’Organisation mondiale du commerce. Le cadre dépasse donc celui de la santé animale. Notre point faible, en tant que Français, c’est notre poids au Parlement », poursuit Christophe Buhot.

Si Didier Marteau, vice-président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), admet ce handicap, il estime qu’une harmonisation entre professionnels et selon les attentes futures des consommateurs est possible. « La difficulté réside dans le décalage entre ce que l’on souhaite et ce que l’on doit apporter comme réponse aux besoins du marché » poursuit-il. « Un deuxième obstacle apparaît de plus en plus, c’est la surréglementation, les textes qui se suivent sans avoir le temps d’assimiler les précédents, avec une application parfois partielle ou en contradiction avec des règles déjà en vigueur. »

Quel avenir pour le vétérinaire praticien dans un tel environnement ?

Marc-Henry Cassagne, directeur de la Fédération nationale des groupements de défense sanitaire du bétail (FNGDSB), a abordé les différentes “casquettes” sous lesquelles il verrait le vétérinaire intervenir. « Nous avons besoin de lui pour pouvoir vendre nos produits, des produits de qualité. Dans un contexte concurrentiel international, cela passe par la garantie sanitaire apportée par le vétérinaire. » L’importance de la présence vétérinaire serait-elle enfin reconnue par l’ensemble des professionnels ? Cela n’est pas certain, car pour Marc-Henri Cassagne, « si le sanitaire a un coût, il est indispensable que le service rendu apporte immédiatement une valeur ajoutée ». Il convient donc que les praticiens arrêtent de vendre leurs médicaments aussi cher. En résumé, « soyez aware pour ne pas être down », baissez vos prix ou mourrez. De quoi laisser plus d’un vétérinaire perplexe…

Le vétérinaire est et doit rester au cœur du médicament vétérinaire

« Quelle est la différence entre les pesticides et les médicaments vétérinaires ?, interpelle Jean-Louis Hunault, président du Syndicat de l’industrie du médicament vétérinaire (SIMV). Le vétérinaire, justement ! » Jean-Louis Hunault a ainsi insisté sur la nécessité de placer le vétérinaire au cœur du médicament vétérinaire. « La sécurisation du médicament vétérinaire progresse. En outre, 40 % de nos AMM font moins de 50 000 € de chiffre d’affaires annuel. Ce sont les laboratoires qui portent ces médicaments pour permettre aux praticiens de travailler. »

Si le médicament humain est un enjeu de santé publique, le médicament vétérinaire l’est également, comme dans le domaine phytosanitaire. Le prescripteur qu’est le vétérinaire ne peut travailler sans médicaments, même à faible rentabilité pour les industriels. De même, il ne semble pas concevable pour les laboratoires de se passer de cet expert de la santé animale, comme courroie de transmission avec le client final. « Le Grenelle de l’environnement concerne aussi le médicament vétérinaire », ajoute Jean-Marc Bournigal. Notre confrère Rémi Gellé a précisé l’avance que la profession possède, en termes de sécurisation, sur la prescription et la délivrance du médicament. « Le système mis en place en France repose sur une rigueur de l’utilisation. »

Une réorganisation territoriale de la profession s’impose

« Dans toutes les professions libérales, il y a un dénominateur commun : la présence et la répartition des professionnels dans les régions, c’est-à-dire leur importance dans les politiques d’aménagement du territoire, estime Olivier Aynaud. Ces territoires n’ont pas assez pris en compte que nos entreprises doivent assurer un maillage. » L’occasion pour Rémi Gellé de revenir sur la mise en place des réseaux de compétence : « La mise en réseau avec des spécialisations, des compétences, des plateaux techniques, etc., est sans doute une piste d’avenir pour les praticiens. » Selon Olivier Aynaud, « la certification sera importante, ainsi que la formation continue. Cette dernière demande du temps, qu’il sera possible de dégager grâce au travail collectif ».

Car les enjeux sont considérables : « Le vétérinaire reste l’homme de confiance, il est un partenaire et peut aller plus loin dans la gestion sanitaire des élevages. Il lui revient de faire évoluer son métier en assumant de nouvelles missions », estime Didier Marteau.

Selon Jean-Marc Bournigal, « en matière sanitaire, la difficulté c’est que les crises ne peuvent être gérées que si elles sont déjà prévenues… Il vaut mieux entretenir un système de prévention que de gérer des crises. Le maillage sanitaire est donc important ».

En conclusion, l’armée en temps de paix vivra de son activité professionnelle dès lors que l’éleveur trouvera le service qu’il attend et donc le rémunèrera à sa juste valeur. A l’Etat enfin d’intervenir pour tisser harmonieusement ce maillage et le favoriser dans les zones difficiles.

Une réponse politique à la pression des médias

Evoquant la problématique des chiens dangereux, Rémi Gellé estime que « les médias guident beaucoup les réflexions de notre société. Le politique répond à l’audience publique ». Or c’est souvent dans le temps de la réflexion que les meilleures solutions émergent, et non dans l’urgence. « Il faut constituer un réseau d’épidémiosurveillance pour toute crise, y compris les crises médiatiques », ironise Christian Rondeau, tout en soulignant l’importance de cette épidémiosurveillance dans la vie publique et législative. « L’un des chantiers pour les mois à venir, c’est de créer une cellule pour bien communiquer, déclare Rémi Gellé. Nous ne savons pas le faire aujourd’hui, face à une médiatisation aussi forte. Les médias veulent de la polémique ! » Et Didier Marteau de conclure amèrement : « Nous apportons des solutions et cela ne les intéresse pas. »

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