Un cas de cataracte bilatérale est traité par phaco-émulsification - La Semaine Vétérinaire n° 1287 du 19/10/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1287 du 19/10/2007

Cas clinique d’ophtalmologie

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Frédéric Goulle

Fonctions : praticien exclusif en ophtalmologie à Pessac (Gironde).

Lorsqu’une cataracte est bilatérale et que le bilan oculaire pose une indication pour les deux yeux, une intervention chirurgicale bilatérale peut être réalisée lors de la même séance.

Une chienne setter anglais âgée de neuf ans et demi est référée en raison de l’apparition d’un voile blanc sur les deux yeux, depuis environ deux mois. Le propriétaire signale que cette opacification progresse rapidement. La chienne commence à se cogner, ne visualise plus les objets qui lui sont tendus et hésite de plus en plus à se déplacer.

L’examen à distance montre sur chaque œil la présence d’une opacification blanche de l’aire pupillaire (leucocorie), faisant obstacle au passage de la lumière (fond d’œil non visible en ophtalmoscopie directe). L’examen de la fonction visuelle révèle que le test de la boule de coton, réalisé plusieurs fois, est nul. Pour mémoire, un coton est agité devant le chien puis laissé tombé devant lui. Celui-ci doit normalement suivre le mouvement de haut en bas lorsque sa vision est bonne. Le réflexe à la menace est présent, mais de manière inconstante sur chaque œil. Les réflexes photo moteurs directs et indirects sont normaux des deux côtés. Les pupilles sont de taille normale et identiques. Un parcours d’obstacles est effectué et montre que la chienne se cogne de manière quasiment systématique dans les objets situés sur son passage. L’examen rapproché révèle une discrète hyperhémie conjonctivale bilatérale, les cornées sont calmes et avasculaires. L’examen clinique met donc en évidence la présence d’une cataracte bilatérale. Un bilan biochimique, réalisé quelques jours auparavant par le vétérinaire référant, n’a rien révélé d’anormal (en particulier, la glycémie est normale).

Les examens complémentaires confirment la présence d’une cataracte bilatérale mature

L’examen de la chambre antérieure au biomicroscope à fente confirme la présence d’une cataracte bilatérale mature, qui empêche la visualisation du segment postérieur. Un examen gonioscopique est effectué sur les deux yeux et ne révèle aucune anomalie de l’angle iridocornéen. Après dilatation, l’examen en lampe à fente montre que la cataracte est cortico-nucléaire (intéressant toute l’épaisseur du cristallin, à la fois le cortex et le noyau) et que la chambre antérieure est de profondeur normale et régulière sur chaque œil. Aucun phénomène de Tyndall ni de signe d’inflammation intra-oculaire visible n’est noté.

Une tonométrie (Tonopen XL) est réalisée (avant dilatation) afin de vérifier la pression intra-oculaire : les valeurs obtenues sont de 12 mm Hg sur l’œil droit, 10 mm Hg sur l’œil gauche. Ces valeurs relativement basses font suspecter l’installation d’une uvéite phaco-induite. Celle-ci devra être prise en compte lors du traitement préopératoire. L’ophtalmoscopie indirecte, effectuée après dilatation, ne donne pas accès au fond de l’œil, la cataracte étant trop importante pour permettre l’observation, même partielle, des rétines.

Une échographie oculaire est réalisée sur chaque œil afin d’explorer le segment postérieur et la position des cristallins (sonde de 10 MHz). Aucun déplacement cristallinien ni décollement rétinien n’est observé et le vitré est échographiquement normal. Chaque cristallin est mesuré (diamètre de son équateur) à l’aide d’une sonde de 20 MHz : le diamètre est de 14,9 mm pour l’œil droit et de 14,4 mm pour l’œil gauche. En outre, un examen électrorétinographique standardisé sous anesthésie générale et après dilatation est réalisé, afin d’évaluer l’intégrité de la fonction rétinienne. L’électrogenèse rétinienne est normale sur les deux yeux.

La présence d’une cataracte bilatérale récente d’évolution rapide est confirmée. Elle est à l’origine d’une gêne visuelle marquée et menace à moyen terme de conduire à une cécité totale. Le bilan ophtalmologique effectué permet d’établir une indication chirurgicale de phaco-exérèse, seul traitement de la cataracte.

L’uvéite phaco-induite est traitée via des anti-inflammatoires stéroïdiens

Le traitement préopératoire est instauré. Pendant dix jours, des anti-inflammatoires stéroïdiens sont administrés par voies locale et orale, dans le but de traiter l’uvéite phaco-induite suspectée chez ce chien. Dans le cas présent, bien qu’aucun signe clinique d’uvéite ne soit visible, hormis une légère hyperhémie conjonctivale, la pression intra-oculaire relativement basse confirme la nécessité du traitement systématique préopératoire : prednisone par voie orale (Cortancyl®, 0,5 mg/kg deux fois par jour pendant cinq jours, puis 0,25 mg/kg deux fois par jour les cinq jours suivants) et dexamethasone localement dans les deux yeux (Maxidrol collyre®, matin et soir pendant dix jours).

Le jour de l’intervention, la chienne reçoit en prémédication du chlorhydrate de morphine et de l’acépromazine, puis l’anesthésie est induite par voie intraveineuse avec l’association tilétamine-zolazepam (Zoletil® 100, 5 mg/kg). Un mélange oxygène-isoflurane entretient l’anesthésie. Une antibioprophylaxie est réalisée par injection intraveineuse de marbofloxacine (Marbocyl®, 2 mg/kg) ; enfin, une injection intraveineuse de methylprednisolone (Solumedrol®) est effectuée après l’induction de l’anesthésie. Localement, les deux yeux sont préparés de manière identique pendant une heure avant l’opération, par l’instillation de tropicamide et d’atropine 1 % tous les quarts d’heure.

L’œil droit est opéré en premier. La tête de la chienne est placée sous le microscope opératoire. Une désinfection particulièrement soignée de la sphère oculaire est réalisée.

L’acte chirurgical effectué est une phaco-émulsification endocapsulaire

Il s’agit d’une technique microchirurgicale d’extraction du cristallin à travers une incision cornéenne étroite (3,2 mm), identique à celle réalisée chez l’homme. Elle consiste à fragmenter, émulsionner et aspirer le cristallin grâce à une sonde dont l’embout vibre à une fréquence ultrasonique. Après l’extraction du matériel cristallinien, un cristallin artificiel (implant) est placé, toujours par l’incision étroite, dans le sac cristallinien (fine enveloppe du cristallin) qui a été préservé pendant l’intervention. Les implants actuels, en biomatériau souple (acrylique hydrophile), sont pliables et sont donc “injectés” à travers l’incision initiale de 3,2 mm. D’une puissance de 41 dioptries, ils permettent de corriger l’hypermétropie consécutive à l’ablation cristallinienne et jouent également un rôle mécanique en assurant la contention du vitré. Après un rinçage de la chambre antérieure, l’incision cornéenne étroite est suturée par trois points (Vicryl 9/0). Une injection de 25 µg de substance fibrinolytique (tPA = tissue Plasminogen Activator) est effectuée dans la chambre antérieure afin d’éliminer l’éventuelle formation de fibrine consécutive à toute intervention intra-oculaire, ainsi qu’une injection sous-conjonctivale de corticoïde retard. La position de la tête de la chienne est ensuite modifiée pour permettre l’exposition de l’œil gauche qui est opéré exactement selon la même procédure. Après la pose d’un carcan, la chienne est surveillée pendant sa phase de réveil pour éviter toute agitation ou grattage intempestif, avec mesure de la tension oculaire de chaque œil toutes les deux heures au cours de l’après-midi qui suit l’intervention.

Lors d’une cataracte bilatérale pour laquelle le bilan oculaire pose une indication sur les deux yeux, la chirurgie concerne souvent un œil puis le second, dans un délai variant selon les chirurgiens (quelques semaines à quelques mois). Toutefois, une intervention bilatérale lors de la même séance, comme le cas décrit ici, est possible si l’état général du chien l’autorise. Selon certains auteurs, les résultats chirurgicaux semblent même améliorés (l’uvéite phaco-induite subsistant dans l’œil non opéré étant de nature à activer une réaction immunitaire au niveau de l’œil opéré).

L’animal est revu régulièrement pendant deux ans pour un bilan ophtalmologique

La chienne est rendue le lendemain de l’intervention avec un traitement corticoïde local (Maxidrol® collyre trois fois par jour pendant un mois) et général (Cortancyl®, 0,5 mg/kg deux fois par jour pendant cinq jours, puis 0,25 mg/kg deux fois par jour pendant les cinq jours suivants), ainsi que de la marbofloxacine (2 mg/kg per os pendant dix jours), et du collyre Cosopt® (dorzolamide, timolol) trois fois par jour pendant une semaine.

Le lendemain de l’opération, les tests effectués (clignement à la menace, boule de coton) sont nettement positifs. La chienne se dirige normalement lors du même parcours d’obstacles que précédemment. Le propriétaire signale un retour à la normale dans le comportement de sa chienne qui redevient autonome dans ses déplacements et qui rejoue à la balle.

La chienne est revue une semaine, deux semaines, un mois et deux mois après l’intervention. Ce suivi permet notamment d’évaluer la tension oculaire afin de dépister, et traiter si nécessaire, des problèmes tensionnels et/ou inflammatoires. Les contrôles effectués sont normaux et le traitement corticoïde local, diminué après quatre semaines (Maxidrol® une fois par jour), est stoppé après six semaines.

La chienne sera revue régulièrement pendant environ deux ans pour un bilan ophtalmologique, des phénomènes inflammatoires récurrents ou tensionnels pouvant apparaître parfois chez le chien sur le long terme.

VOIR AUSSI

• H. Derom : « Enquête sur des cataractes congénitales en série », Le Point Vétérinaire, 2006, vol. 37, n° 269, pp. 68-72.

• P. Isard : « Les substances visco-élastiques en chirurgie oculaire du chien et du chat », Le Point Vétérinaire, 2006, vol. 37, n° 263, pp. 10-11.

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