Plusieurs maladies sont dues à des déséquilibres de l’écosystème gastro-intestinal - La Semaine Vétérinaire n° 1285 du 05/10/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1285 du 05/10/2007

Nutrition clinique

Formation continue

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Isabelle Desjardins

Eviter le jeûne, favoriser l’accès à l’herbe, diminuer le volume des concentrés, augmenter la fréquence des repas, apporter des fourrages riches en protéines et en calcium est conseillé pour les chevaux au box.

L’écosystème gastro-intestinal est l’unité formée par l’association des communautés microbiennes et des composés inertes en constante interaction dans le tube digestif. Il joue un rôle fondamental dans la digestion des aliments, mais aussi dans les défenses immunitaires de l’organisme », rappellent nos consœurs Véronique Julliand et Sarah Ralston(1).

Ainsi, l’écosystème gastro-intestinal reflète le comportement alimentaire du cheval :« S’il a libre accès au pâturage ou à des fourrages, dix à quatorze heures d’une journée sont consacrées à la prise alimentaire et les repas sont petits et fréquents. Au box, le cheval ne reçoit que deux à trois repas de concentrés par jour et les ingère en moins de trois heures. De plus, il a un accès limité aux fourrages. Ces conditions le prédisposent à se suralimenter en glucides facilement fermentescibles et à mastiquer du bois. Or c’est un facteur prédisposant à l’apparition d’ulcères gastriques. » La conduite alimentaire doit donc éviter les périodes de jeûne prolongé. Il est conseillé de maximiser l’accès à l’herbe, de diminuer le volume de concentrés par repas, d’augmenter la fréquence de ces derniers, de fournir des fourrages riches en protéines et en calcium aux chevaux confinés au box pour limiter l’incidence des ulcères.

L’estomac du cheval a un petit volume, mais ajuste celui-ci à la taille du repas ingéré, en deux temps. La première phase consiste en une « relaxation réceptive » engendrée par la stimulation de mécanorécepteurs pharyngés et œsophagiens durant l’ingestion. La seconde phase, dite de « relaxation adaptative », est déclenchée par la stimulation de récepteurs duodénaux lors de l’arrivée du chyme stomacal. La relaxation réceptive est beaucoup plus intense et longue pour les repas importants et les repas fibreux, et la relaxation adaptative n’est amorcée que par l’ingestion d’une importante quantité de foin. La motilité gastrique du cheval n’est pas affectée par l’apport de lipides. En revanche, la richesse en glucides facilement fermentescibles d’un repas de concentrés diminue significativement la relaxation réceptive, d’où une vidange initiale plus lente.

Le temps de latence de la vidange gastrique varie fortement d’un individu à l’autre, et selon la composition, la présentation et le volume du repas : il est plus court pour les repas liquides, pour ceux riches en fibres plutôt qu’en amidon, et pour les petites rations. L’estomac est vidé intégralement en quarante-huit à soixante-douze heures de jeûne, mais un jeûne de plus de douze heures ralentit la vidange gastrique.

Entraînement, privation de nourriture et confinement entraînent des ulcères

La population bactérienne de l’estomac est dense et active, avec beaucoup d’anaérobies, peu de bactéries cellulolytiques, et des lactobacilles, des streptocoques, des bactéries utilisatrices de lactate en grande quantité. La population bactérienne augmente dans la première heure qui suit le repas et pendant trois heures et demie.

L’amidon est digéré en partie, grâce à l’action de bactéries amylolytiques. Les lactobacilles produisent beaucoup de lactates qui ne sont toutefois pas absorbées par la muqueuse. Des acides gras volatiles sont produits par fermentation bactérienne. Ils transitent vers l’intestin grêle et certains d’entre eux, comme l’acide valérique, seraient impliqués dans la pathogénie des ulcères gastriques.

L’entraînement, la privation occasionnelle de nourriture et le confinement au box favorisent l’apparition de ces ulcères. Les repas de concentrés et la diminution de la quantité de fibres de la ration sont aussi des facteurs d’importance dans leur genèse. L’ajout de foin de luzerne à un repas de céréales, par exemple, permet d’apporter davantage de calcium et de protéines, qui tamponnent le contenu gastrique et jouent un rôle protecteur vis-à-vis de l’effet des acides gras volatiles sur la muqueuse gastrique.

Privilégier un apport de fibres facilement fermentescibles, de vitamines et de minéraux

La modification de la ration selon le segment d’intestin grêle affecté et l’apport renforcé de fibres facilement fermentescibles, de vitamines et de minéraux permet d’améliorer significativement l’absorption digestive et de limiter l’amaigrissement du cheval en malabsorption.

Le temps de séjour des digesta dans l’intestin grêle du cheval n’est pas connu précisément et est modifié par le volume (plus rapide lorsque la quantité ingérée augmente) et la composition du repas. Il faut moins de deux heures à la phase liquide et aux petites particules alimentaires pour transiter. En revanche, la phase solide transite en environ quatre heures. L’activité enzymatique in situ permet une digestion plus ou moins efficace des sucres, du lactose, de l’amidon, des matières grasses et des matières azotées. Les conditions environnementales de l’écosystème intestinal favorisent le développement d’une flore qui a un impact potentiel sur la rentabilité des nutriments, encore inconnue.

La flore anaérobie est abondante. Les lactobacilles, les entérobactéries, les entérocoques, les streptocoques et les bactéries utilisatrices de lactates constituent la flore cultivable prédominante. Ces bactéries utilisent l’amidon et les glucides facilement fermentescibles. Le lactate est le produit terminal majeur et sa concentration diminue régulièrement du duodénum à l’iléon. Des acides gras volatiles sont produits, mais en faible concentration.

La digestion de l’amidon aboutit à la production de glucose

Les abondantes secrétions intestinales et pancréatiques possèdent des activités peptidasiques et saccharidasiques. Les secrétions biliaires participent à la diminution du pH, favorable à l’activité enzymatique, et ont aussi une activité protéolytique.

La digestibilité de l’amidon dans l’intestin grêle dépend de la nature de la céréale et du traitement qu’elle a subi (le broyage et les procédés thermomécaniques augmentent la digestibilité). La digestion de l’amidon aboutit à la production de glucose, absorbé grâce à un cotransporteur de la muqueuse. Les matières grasses des rations sont digérées par les lipases intestinales, émulsifiées par les acides biliaires et absorbées principalement par l’iléon. Les matières grasses sont bien digérées par le cheval, mais deux mois sont nécessaires pour qu’il s’adapte à des teneurs élevées.

Lors de suspicion clinique de malabsorption, un test oral au glucose ou au xylose permet de mesurer l’absorption des glucides, et le test de challenge à la vitamine A liposoluble quantifie celle des matières grasses.

Si l’absorption des glucides est diminuée, alors que celle des lipides est normale, il est conseillé de donner des fourrages de bonne digestibilité supplémentés en matières grasses pour maintenir le poids du cheval. Les gros repas, surtout de concentrés, sont à éviter. Les rations doivent être inférieures à 0,3 % du poids vif par repas et à intervalles rapprochés. Si l’absorption des matières grasses est anormale, mieux vaut ne pas ajouter celles qui stimulent la production de sécrétions biliaires irritantes pour l’intestin.

Eviter les changements alimentaires soudains réduit les risques de colique

Eviter les changements alimentaire soudains et limiter la teneur de la ration en glucides fermentescibles réduit les risques de colique. L’accès à une eau de bonne qualité doit être régulier.

Le séjour des digesta dans le gros intestin varie de quinze à cinquante-six heures, dont trois à huit heures pour le cæcum, ce qui représente 80 % du temps passé dans l’ensemble du tube digestif. Les liquides et les petites particules séjournent peu de temps et peuvent court-circuiter le cæcum, mais les grosses tombent dedans et sont retenues plus longtemps.

Les populations microbiennes sont denses, surtout dans le côlon

L’écosystème du gros intestin offre des conditions environnementales favorables aux activités microbiennes, avec une teneur élevée en eau, une température de 39 °C, une anaérobiose stricte et un pH presque neutre. Les populations microbiennes sont denses, particulièrement dans le côlon. Des protozoaires ciliés et des zoospores fongiques sont également présents. Les bactéries cellulolytiques abondantes produisent des concentrations élevées d’acides gras volatiles (75 % d’acétate) qui sont absorbées par la muqueuse et constituent une source énergétique majeure.

Les bactéries cæcales ont une activité protéolytique. L’absorption des acides aminés par le côlon serait significative quand des rations à faible teneur en protéines sont distribuées.

Les micro-organismes glycolytiques et amylolytiques sont constitués par des streptocoques, des lactobacilles et sont responsables de la production de lactates dont la concentration augmente progressivement dans le côlon. Quand ces micro-organismes se multiplient de façon anarchique, ils sont source de perturbations de la fibrolyse (par exemple lors d’un repas abondant de concentrés). Le cæcum est quasiment court-circuité, les particules d’amidon atteignent rapidement le côlon et sont à l’origine de coliques. D’ailleurs, les phénomènes de torsion, d’obstruction ou d’occlusion sont fréquents dans ce compartiment chez le cheval.

Les syndromes de colique ont une origine multifactorielle. Les causes les plus fréquentes sont liées à la nutrition et à l’abreuvement. Les rations contenant plus de 50 % de concentrés sous forme de céréales sont identifiées comme des facteurs de risque d’apparition de coliques.

Les diarrhées chez les chevaux adultes reflètent souvent des troubles du gros intestin

Chez les chevaux sujets aux fourbures, l’ingestion d’amidon ne doit pas dépasser 10 % de la ration totale et l’accès au pré ne se fait qu’aux heures matinales. Il est même interdit après une sécheresse ou une gelée, car cela augmente la teneur en glucides facilement fermentescibles. Si un fourrage est susceptible de contenir davantage de glucides facilement fermentescibles, il peut être trempé dans l’eau chaude pendant trente minutes avant sa consommation, mais cela ne diminue pas la teneur en amidon.

Les diarrhées chez les chevaux adultes reflètent presque toujours des troubles du gros intestin. Ainsi, l’apport de petits repas de glucides facilement digestibles, de protéines, de matières grasses en plus du fourrage de bonne qualité permet d’augmenter le rôle digestif de l’intestin grêle et de maintenir le poids du cheval pendant la phase aiguë de diarrhée. Même en présence de diarrhée, il n’est pas indiqué de réduire ou de stopper l’alimentation, en particulier chez le poulain. En revanche, si l’alimentation est un facteur d’aggravation des symptômes, une nutrition par voie parentérale est indispensable.

  • (1) Conférence « Ecosystème gastro-intestinal : comment ça marche ? Comment ça dysfonctionne ? Quelles recommandations en nutrition clinique ? », présentée par Véronique Julliand et Sarah Ralston aux journées de l’Avef, le 13/10/2006 à Versailles.

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