(Les α2-agonistes adrénergiques s’utilisent en prémédication - La Semaine Vétérinaire n° 1285 du 05/10/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1285 du 05/10/2007

Anesthésie canine

Formation Continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Manuel Jiménez Peláez*, Déborah Hayat**, Cyrill Poncet***

Fonctions :
*service de chirurgie du Centre hospitalier vétérinaire Frégis, à Arcueil (Val-de-Marne).
**interne du Centre hospitalier vétérinaire Frégis, à Arcueil (Val-de-Marne).
***service de chirurgie du Centre hospitalier vétérinaire Frégis, à Arcueil (Val-de-Marne).

Grâce à leurs propriétés sédatives, analgésiques, anxiolytiques et myorelaxantes, ils s’inscrivent dans le cadre d’une prémédication multimodale.

La prémédication consiste à administrer une ou plusieurs molécules dans les minutes ou les heures qui précèdent une anesthésie générale. Selon l’animal (tempérament, âge, état de santé), le type d’intervention chirurgicale et la durée de l’anesthésie, le choix d’une prémédication adaptée s’impose. Plusieurs molécules peuvent être combinées : des anticholinergiques (sulfate d’atropine(1), glycopyrrolate), des sédatifs et des tranquillisants mineurs (anxiolytiques comme les benzodiazépines) ou majeurs (neuroleptiques tels que les phénothiazines, les butyrophénones), des analgésiques de différents types (α2-agonistes adrénergiques comme la médétomidine ou la xylazine et les opioïdes tels que le chlorhydrate de morphine(1), le butorphanol, la mépéridine, la péthidine ou le fentanyl(1), etc.) et des anti-inflammatoires (non stéroïdiens ou stéroïdiens). L’association d’une molécule de chaque groupe est possible (par exemple, morphine et ACP et AINS). En revanche, il convient d’éviter de combiner plusieurs molécules de la même classe, ainsi que des anticholinergiques avec des α2-agonistes.

L’association de plusieurs molécules pour la prémédication peut être intéressante

Les effets recherchés lors d’une prémédication sont variés (voir encadré). Certaines molécules (opioïdes associés à un neuroleptique et les α2-agonistes, notamment), qui diminuent l’anxiété et induisent un degré variable de sédation et d’analgésie, permettent de mieux préparer l’animal (pose d’une voie veineuse, radiographie préopératoire, début de la préparation du site chirurgical). D’autres sont utilisées pour leurs propriétés anti-émétiques (comme les phénothiazines), myorelaxantes (les benzodiazépines, par exemple) ou anti-cholinergiques (comme le glycopyrrolate). En outre, un effet sédatif ou tranquillisant et/ou analgésique peut être recherché. Les effets des anesthésiques généraux sont potentialisés et permettent une diminution de leurs doses nécessaires. Les effets secondaires sont alors minorés.

L’utilisation raisonnée de molécules analgésiques dans le protocole de prémédication permet la mise en place d’une analgésie en amont du geste chirurgical, et ainsi d’augmenter son efficacité tout le long de la période péri-opératoire.

Les avantages d’une prémédication sont nombreux et variables selon les molécules utilisées. Cela souligne l’intérêt d’une prémédication multimodale.

Le rôle des α2-agonistes ne s’arrête pas à une simple tranquillisation

La médétomidine (Domitor®), la romifidine (Romidys®) et la xylazine (Paxam®, Rompun®, Sedaxylan®) appartiennent à la classe des α2-agonistes adrénergiques fréquemment utilisés chez le chien.

La médétomidine, molécule récente, est bien référencée dans la bibliographie vétérinaire. En comparaison avec la xylazine, elle a une haute sélectivité pour les α2-adréno-récepteurs (voir schéma 1). Ses effets anxiolytiques, tranquillisants, myorelaxants et analgésiques sont puissants. Leur combinaison entraîne une sédation poussée, accompagnée d’une analgésie et d’une myorelaxation suffisante pour la réalisation de nombreux gestes : radiographie avec ou sans produit de contraste, examen de la bouche et des oreilles, séance de chimiothérapie, retrait de points, geste chirurgical simple, tonte préopératoire, etc.

Elle est fréquemment utilisée, en association avec la kétamine, comme protocole d’anesthésie fixe. Son emploi dans la prémédication est assorti de nombreux avantages. Par son rôle important de potentialisation des anesthésiques, les doses utiles d’anesthésiques généraux sont diminuées et les durées d’action nettement augmentées. Elle a également une fonction analgésique péri-opératoire, selon la durée de l’acte chirurgical. Le renouvellement de “microdoses” (1 ou 2 µg/kg) peut toutefois assurer une analgésie à plus long terme.

La dose utile chez le chien est de 10 à 40 µg/kg par voie intramusculaire ou intraveineuse. Une plus forte dose n’approfondit pas la sédation, mais allonge sa durée d’action. La sédation induite persiste pendant une ou deux heures et l’analgésie se maintient une heure. L’atipamézole (Antisédan®) provoque le réveil de l’animal en antagonisant la médétomidine (voir schéma 2), mais également son pouvoir analgésique.

L’intérêt des α2-agonistes adrénergiques est multiple en association à d’autres molécules

Pour approfondir l’analgésie et la sédation, dans la même seringue et par voie intramusculaire, la médétomidine (20 µg/kg) pourra être associée au butorphanol à 0,4 mg/kg. Ce dernier est un analgésique narcotique, agoniste préférentiel des récepteurs opioïdes de type κ. Il est commercialisé depuis peu en France sous le nom de Torbugésic®, mais ne possède pour le moment une autorisation de mise sur le marché que chez le cheval. La médétomidine peut, de la même façon, être associée au chlorhydrate de morphine (Morphine Chlorhydrate®(1)) à 0,1 mg/kg. Cet analgésique narcotique, utilisé en médecine vétérinaire, est un agoniste des récepteurs µ, mais aussi σ et κ.

Pour approfondir l’effet anxiolytique et la myorelaxation, la médétomidine peut être combinée à une benzodiazépine dans la même seringue et administrée par voie intramusculaire, comme avec le midazolam (Hypnovel®(1) à 0,3 mg/kg).

Associées à la médétomidine, les doses de thiopental (Nesdonal®) nécessaires sont classiquement divisées par trois et sa durée d’action est prolongée d’un tiers. De même, elle permet de diviser les doses nécessaires de propofol (Rapinovet®) d’un facteur 3 à 6, de doubler sa durée d’action et d’ajouter une composante analgésique. En prémédication à une anesthésie volatile, à l’aide d’isoflurane (Aerrane®(1)) par exemple, la médétomidine induit une tranquillisation, renforce l’analgésie, facilite l’induction au masque et divise par deux le pourcentage d’anesthésique volatile nécessaire.

Le bon usage de ces molécules est réservé aux animaux en bonne santé

Certaines précautions sont nécessaires lors de l’utilisation des α2-agonistes. Un monitorage des fonctions vitales (voir photo), une fluidothérapie pour lutter contre l’hypotension induite, ainsi qu’une source de chaleur pour pallier l’hypothermie consécutive à l’administration de médétomidine sont utiles. Les effets secondaires indésirables rapportés après l’administration de médétomidine sont des vomissements, une diminution de la motilité intestinale, une hausse du tonus utérin, une hyperglycémie, une augmentation de la diurèse, de l’excitation, des trémulations musculaires, et des blocs auriculo-ventriculaires de type II (BAV II). Ces effets peuvent impliquer des contre-indications et doivent être considérés avec attention avant toute utilisation. En outre, lors d’un protocole de prémédication incluant la médétomidine, l’administration d’anticholinergique – glycopyrrolate (Robinul-V®) ou de sulfate d’atropine (Atropine®(1)) – qui vise à diminuer la bradycardie induite par la médétomidine, est controversée. Une tachycardie et une hypertension peuvent être induites. En effet, une phase d’hypertension précède la bradycardie et l’administration d’anticholinergiques risque de l’intensifier et de la prolonger. Enfin, la médétomidine est déconseillée lors d’affection cardiaque, respiratoire, hépatique, rénale, ainsi que chez des animaux stressés ou en état de choc.

  • (1) Molécule à usage humain.

  • Voir aussi la bibliographie sur le site Planete-vet.com, rubrique « bibliographie », mot clé SV-1285-38.

Rôle et utilité des protocoles de prémédication

• Réduire l’anxiété, calmer les animaux et favoriser un réveil non agité.

• Induire une sédation modérée.

• Renforcer l’analgésie péri-opératoire.

• Augmenter la myorelaxation.

• Réduire les sécrétions salivaires et bronchiales.

• Potentialiser l’action des anesthésiques généraux.

• Limiter les effets indésirables des drogues anesthésiques.

• Eviter les vomissements et les régurgitations.

• Diminuer la dose des molécules anesthésiques nécessaires pour obtenir la perte de conscience.

M. J.-P., D. H. et C. P.

VOIR AUSSI

C. Poncet, B. Bouvy, G. Dupré : « Médétomidine et midazolam offrent une sédation poussée. Cette association s'accompagne d'une analgésie et d'une myorelaxation », La Semaine Vétérinaire, 2003, n° 1082, p. 16.

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