La prescription-délivrance sécurise, mais inquiète - La Semaine Vétérinaire n° 1284 du 28/09/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1284 du 28/09/2007

Pharmacie. Effets pervers du décret prescription-délivrance

Actualité

Auteur(s) : Eric Vandaële

Entre « l’usine à gaz » et « un rendez-vous à ne pas manquer » par les vétérinaires, le décret révèle une fracture entre les praticiens canins, mixtes et ruraux.

La publication du décret prescription-délivrance(1) ne laisse pas les praticiens indifférents. Le Conseil supérieur de l’Ordre (CSO) des vétérinaires a organisé, le 20 septembre dernier à l’école d’Alfort, une réunion d’information auprès des conseillers régionaux ordinaux et des “relais d’opinion” (enseignants, journalistes, syndicalistes, représentants des administrations dont ceux des fraudes, des pharmaciens, des éleveurs, etc.).

« Révolution culturelle », « Hiroshima administratif », « usine à gaz », « rendez-vous à ne pas manquer », « de nouvelles contraintes », « une opportunité pour les affairistes », « un tournant pour la profession », « une occasion pour développer et facturer du conseil en élevage », etc. Les termes utilisés dans les conférences ou les débats montrent que ce décret et son arrêté d’application divisent les vétérinaires, avec d’un côté les ruraux pour qui le décret a été réfléchi et pensé, de l’autre les canins, plutôt inquiets, qui en subissent les « effets pervers », selon François Lambert, président du conseil régional de l’Ordre de Champagne-Ardenne.

Pourtant, les organisations professionnelles vétérinaires y tiennent beaucoup, à ce décret. D’abord parce qu’il met fin à l’interdiction de prescrire et de délivrer « au comptoir » des médicaments à des animaux d’élevage sans être à leur chevet. La multiplication des condamnations de vétérinaires « respectables » sur cette infraction rendait nécessaire une réforme de la réglementation en vigueur.

Une réglementation antérieure « inadaptée, inapplicable et inappliquée »

La réglementation qui obligeait à prescrire « après examen du malade » était « inadaptée, inapplicable et inappliquée », explique notre confrère Michel Baussier, secrétaire général du CSO. Il a participé à la genèse de ce décret depuis… 1999. C’est d’abord dans le nouveau Code de déontologie, paru en 2003, qu’apparaît la notion de prescription « après diagnostic ». Ce dernier peut alors être établi soit après un examen clinique du ou des animaux, soit, pour les élevages qui font l’objet d’un suivi régulier par le vétérinaire, après avoir « rassemblé les commémoratifs et procédé aux examens indispensables ». En 2003, la réglementation sur les substances vénéneuses et le Code de la santé publique ne permettent pas encore de prescrire sans un examen clinique, mais le Code rural et le Code de déontologie l’envisagent déjà clairement.

Entre 2003 et 2007, « les pharmaciens s’invitent en force au débat et bloquent le projet » sur les aspects de délivrance. D’autant que la famille vétérinaire n’est pas toujours unie face aux revendications des officinaux. Il faut attendre mars 2006 et un accord historique entre les Ordres nationaux des pharmaciens et des vétérinaires pour le débloquer. Mais ce n’est que dans les dernières heures du gouvernement de Villepin, le 24 avril 2007, entre les deux tours de l’élection présidentielle, que le décret et son arrêté d’application sont signés.

Huit ans de négociations et… deux recours devant le Conseil d’Etat

Il aura fallu huit années de négociations (l’équivalent de treize boîtes à archives) et d’innombrables versions de ce projet pour qu’une de ces versions finalisées soit enfin publiée. « Jamais un texte n’aura été négocié aussi longtemps avec les professionnels », constate Odile Delforge, pharmacienne à la Direction générale de la santé.

Huit ans de négociations ne sont pas encore suffisants pour empêcher le dépôt de deux recours devant le Conseil d’Etat sur ce texte. Dans l’un d’eux, le Syndicat des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL) dénonce la trop grande latitude laissée aux pharmaciens dans le renouvellement des ordonnances vétérinaires. Dans le second, les pharmaciens rejettent le dispositif de prescription “hors examen clinique”. Toutefois, ces recours ne conduisent pas à suspendre l’application du texte. Ils ne seront pas examinés par le Conseil d’Etat avant plusieurs mois au minimum… Même avec une naissance si dystocique, le nouveau dispositif – « contraignant », mais « nécessaire » – est « approuvé » par François Lambert, qui présente la position des conseils régionaux de l’Ordre lors de la réunion du 20 septembre. La volonté de l’administration de contrôler l’application du dispositif n’est pas perçue négativement, mais au contraire « avec optimisme ». Tout comme le fait que les éleveurs semblent prêts à en accepter le prix et les contraintes, avec celles liées au paquet hygiène et à la conditionnalité des aides. Sans qu’aucun tarif ne soit recommandé pour la visite, le barème horaire de six AMO (74,34 €) semble constituer une base de discussion.

La charge administrative pourrait accélérer l’abandon de la rurale par les mixtes

En revanche, la charge administrative et de rédaction des bilans et des protocoles inquiète beaucoup de conseillers régionaux. En aparté, certains confient que ce décret va accélérer l’abandon de la rurale par les cabinets mixtes à dominante canine. En outre, pour les petits élevages fermiers, ni l’examen clinique préalable, ni le bilan annuel et le protocole de soins ne leur semble adapté.

Le président de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV), Christophe Brard, se félicite de son côté du nouveau dispositif pour les vétérinaires qui s’investissent dans les productions animales et du délai laissé par l’administration pour bien l’appliquer : « C’est un rendez-vous historique à ne pas manquer ! ». Pour Jacques Guérin, vétérinaire breton totalement investi dans ses productions et membre du CSO, c’est « un bon décret dont l’application ne sera pas facile ».

  • (1) Décret et arrêté du 24/4/2007 publiés respectivement au JO du 26/4/2007 et du 6/5/2007.

Un décret en deux parties

• La première partie du décret permet la prescription hors examen clinique des médicaments, en échange de la surveillance sanitaire permanente de l’élevage. Celle-ci comprend un bilan annuel, un protocole de soins, une visite de suivi entre deux bilans et la dispensation régulière de soins. Cette dernière notion, non encadrée par l’arrêté d’application, pourra être matérialisée par la fréquence de la signature du vétérinaire dans le registre d’élevage (ou le nombre de comptes rendus d’autopsie ou de visites en élevage hors sol). Une disposition anti-affairiste établit un quota de bilans par vétérinaire équivalent temps plein. De fait, les vétérinaires canins sont exclus de ce dispositif.

• La seconde partie du décret s’applique à tous. Elle rend la prescription obligatoire pour les médicaments administrés par le vétérinaire, canin ou rural, même s’il s’agit d’une anesthésie ou d’une vaccination. En outre, lors de la délivrance, le praticien devra enregistrer le numéro de lot du médicament vendu. Pour les productions animales, le renouvellement de la délivrance des ordonnances vétérinaires par les pharmaciens, jusqu’à présent interdit, est autorisé s’il s’agit des spécialités préventives de la liste dite positive (vaccins, antiparasitaires, quelques antibiotiques oraux et intramammaires pour le tarissement). Toutefois, ce renouvellement n’est permis que s’il s’adresse bien aux mêmes animaux que ceux identifiés sur l’ordonnance initiale, d’où l’importance de l’identification animale, même pour les traitements préventifs. En outre, le colisage est désormais bien encadré.

E. V.
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