Un serpent recycle le venin d’un crapaud venimeux

Dans la nature, certains animaux récupèrent le venin de leur proie. Tel est par exemple le cas des aplysies (gastéropodes encore appelés lièvres de mer) qui fabriquent leur venin à partir des végétaux dont ils se nourrissent ou de certains amphibiens, comme les grenouilles mantella, qui récupèrent des alcaloïdes présents dans des fourmis. Mais le cas de vertébrés qui tirent profit du poison d’un autre vertébré sont rares. Le serpent asiatique Rhabdophis tigrinus est donc une exception. En effet, ce reptile, non seulement ne succombe pas au poison que certaines de ses proies, (des crapauds) sécrètent pour se défendre, mais de surcoît se l’accapare et le stocke dans ses glandes nucales.

Des scientifiques⁽¹⁾ ont comparé les mêmes serpents vivant sur différentes îles du Japon. Sur celles où les crapauds toxiques sont abondants, les serpents présentent de fortes concentrations de bufadiénolide, un composé venimeux produit par les crapauds. Sur celles où les crapauds sont absents, aucune trace de ce composé n’est retrouvé chez les mêmes serpents. Ainsi, Rhabdophis tigrinus se nourrit de crapauds toxiques, récupère le poison et l’achemine jusqu’à ses glandes nucales, sans en fabriquer lui-même. Lorsqu’ils sont menacés, par un faucon par exemple, les serpents arquent leur cou de sorte que les glandes soient les premières touchées en cas d’attaque. Ceux qui n’ont pas de poison se contentent de fuir, comme s’ils étaient conscients de leur absence de défense.

En outre, les femelles Rhabdophis tigrinus qui stockent du poison en grande quantité sont capables de le transmettre à leur progéniture dès la sortie de l’œuf. Le mécanisme par lequel le poison résiste à la digestion et est acheminé dans les glandes de stockage reste à éclaircir.

• (1) D.A. Hutchinson et coll. : « Dietary sequestration of defensive steroids in nuchal glands of the Asian snake Rhabdophis tigrinus », PNAS, 6/2/2007.