La maladie de von Willebrand est révélée à la suite d’une opération - La Semaine Vétérinaire n° 1283 du 21/09/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1283 du 21/09/2007

Cas clinique

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Stephan Mahler*, André Nivelle**

Fonctions :
*praticien à Acigné (Ille-et-Vilaine)
**praticien à Saint-Aubin-du-Cormier (Ille-et-Vilaine)

Des complications hémorragiques, après l’administration d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, font suspecter un trouble de l’hémostase.

Un dogue argentin âgé de trois ans est opéré d’une rupture du ligament croisé cranial à droite. Le genou est stabilisé par une prothèse sésamoïdotibiale en nylon(1). L’intervention se déroule sans incident. Un pansement compressif est mis en place pendant trois jours et le chien est rendu à ses propriétaires le soir même. En phase postopératoire, de la marbofloxacine (Marbocyl® à la dose de 2 mg/kg per os, une fois par jour pendant cinq jours) et du meloxicam (Métacam® à raison de 0,1 mg/kg per os, une fois par jour, pendant trois à six semaines, selon la boiterie) sont prescrits.

La présence d’hématomes et d’œdèmes fait suspecter un trouble de la coagulation

Six jours après l’intervention, le chien est revu en consultation pour abattement et diarrhée. L’animal présente de la fièvre (39,7 °C). Des hématomes cutanés et des œdèmes à l’intérieur de la cuisse et autour du genou opéré, ainsi que sur le ventre, le prépuce et en région sternale sont visibles. Une collection hémorragique sous-cutanée périarticulaire en face médiale du genou opéré et un œdème diffus de la portion distale du postérieur (voir photos) sont présents. Ces signes cliniques suggèrent un trouble de la coagulation d’origine toxique (intoxication aux anticoagulants) ou génétique (hémophilie, maladie de von Willebrand, anomalie plaquettaire, etc.). Une infection postopératoire est également envisagée. Un hémogramme et un bilan de coagulation sont réalisés (voir encadré).

L’absence de saignement anormalement prolongé au cours de l’intervention n’a pas motivé la réalisation d’un temps de saignement. Ce test, difficile à standardiser, est souvent normal lors de troubles de la coagulation mineurs. Le temps de Céphaline Kaolin normal permet d’exclure une hémophilie A (déficit primaire en facteur VIII). Tous les résultats sont compatibles avec une maladie de von Willebrand, vraisemblablement de type I.

Ce trouble de la coagulation n’a pas été suspecté au cours de l’intervention chirurgicale. Il s’est révélé après l’administration, pendant plusieurs jours, d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS). Bien qu’ayant beaucoup moins de conséquences que l’aspirine sur la coagulation, l’inhibition des plaquettes par les AINS peut favoriser des saignements chez un chien prédisposé à des troubles de la coagulation.

La complication hémorragique ne semble pas avoir retardé la récupération

Le chien est hospitalisé. Dans l’attente des résultats définitifs, l’administration d’anti-inflammatoires est interrompue. Il reçoit une perfusion d’entretien de Ringer lactate (2 ml/kg/h), de la marbofloxacine (Marbocyl® à la dose de 2 mg/kg/j), de la vitamine K1 (Vitamine K1 Roche® à raison de 2,5 mg/kg/j par voie sous-cutanée) et de l’etamsylate (Hémoced® à 500 mg par voie intraveineuse). Une fois le diagnostic obtenu, seule l’administration de marbofloxacine est maintenue. La diarrhée disparaît rapidement et l’état général du chien s’améliore. L’animal est rendu à ses propriétaires trois jours plus tard. La collection hémorragique péri-articulaire est drainée une semaine après (soit quinze jours après l’intervention chirurgicale). Cette complication n’a apparemment pas retardé la récupération fonctionnelle. Un mois après l’intervention, l’utilisation du membre postérieur est particulièrement satisfaisante.

Des hémorragies au niveau des muqueuses sont fréquemment observées

La maladie de von Willebrand est un trouble de la coagulation, généralement sans conséquence, qui est principalement décrit chez l’homme et le chien. Dans une étude américaine publiée en 1992, la prévalence de la maladie était de 73 % chez le dobermann, 30 % chez le scottish terrier, 28 % chez le colley, avec des manifestations cliniques variables. Elle est provoquée par une anomalie quantitative ou qualitative du facteur de von Willebrand. Les signes les plus fréquents sont des saignements de nez et des muqueuses, au moment des chaleurs ou après la mise bas. Des saignements excessifs ou des ecchymoses à la suite d’une opération ou encore un traumatisme peuvent être les premiers signes d’appel.

La maladie de von Willebrand est classée en trois types, selon la concentration et la fonction du facteur de von Willebrand. Le type I, qui provoque des anomalies de coagulation faibles à modérées, est de loin le plus fréquent. Une mutation de l’ADN est à l’origine d’une synthèse anormalement basse de ce facteur. Cette mutation est largement présente chez le dobermann, le scottish terrier et le colley. Le golden retriever, le caniche, le welsh corgi, le schnauzer, le basset hound, le berger allemand, le rottweiler et le teckel sont également touchés. Aucune publication indiquant que le dogue argentin est une race à risque n’a été retrouvée. Comme les types II et III, le type I aurait une transmission autosomale récessive. Toutefois, les modes de transmission de la maladie n’ont pas été étudiés chez tous les chiens et pourraient être différents d’une race à l’autre. Le type II décrit chez le braque allemand est particulièrement rare. La mutation de l’ADN codant pour le facteur de von Willebrand est à l’origine d’une synthèse d’un facteur anormal. Le type III, décrit chez le scottish terrier et le colley, est relativement rare. Les chiens sont atteints s’ils héritent du gène anormal des deux parents, qui sont porteurs sains. Les chiens touchés ont un taux nul de facteur de von Willebrand, alors que les valeurs des parents sont situées entre 15 à 60 % des valeurs normales.

La desmopressine exerce pendant quelques heures un effet préventif

Un temps de saignement allongé peut être le signe d’une maladie de von Willebrand, mais le diagnostic passe par un bilan de coagulation complet et une mesure du taux de facteur de von Willebrand dans le sang. Le sang, non hémolysé, doit être prélevé sur citrate et l’examen est idéalement réalisé une à deux heures après le prélèvement. S’il doit être différé, le sang est immédiatement centrifugé et le plasma expédié sous couvert du froid, voire congelé.

Ce dépistage a des limites, car la concentration en facteur de von Willebrand peut varier considérablement chez un même individu au cours de la journée et d’un jour à l’autre. Dans notre cas, le bilan de coagulation a été renouvelé à deux reprises, par un laboratoire d’analyses médicales humain, puis vétérinaire. Les deux résultats étaient similaires.

Un dépistage génétique de la maladie est proposé par un laboratoire américain(2). A partir d’un écouvillon de la muqueuse buccale, il permet de mettre en évidence la mutation de l’ADN codant pour le facteur de von Willebrand et permettrait de classer les chiens en trois catégories : sain, porteur, affecté. En revanche, peu d’informations sont disponibles quant à la fiabilité de ce dépistage.

Le traitement de la maladie de von Willebrand, lors de pertes sanguines majeures, passe par la perfusion de sang total ou de plasma. La desmopressine (Minirin injectable®), à l’origine d’un relargage du facteur de von Willebrand, est utilisée dans le traitement et la prévention des épisodes de saignements chez l’homme. Elle peut être utilisée à la dose de 1 à 4 µg/kg par voie sous-cutanée lors d’intervention chirurgicale. Elle exerce alors pendant quelques heures un effet préventif.

Ce cas clinique met en avant les effets indésirables des anti-inflammatoires non stéroïdiens. La diarrhée, et les autres signes d’irritation gastro-intestinale (vomissements, méléna, etc.), sont les plus fréquents. Ces symptômes ne sont pas, en général, à l’origine de complications sérieuses et ils régressent rapidement après l’arrêt du traitement. La perturbation de la fonction plaquettaire constitue un second effet indésirable.

Résultats des analyses

1. Hémogramme :

Hématies 689 000/mm3

Taux d’hémoglobine (/100 ml) 16,8 g

Hématocrite 47,3 %

Volume globulaire moyen 69 µ3

Teneur moyenne en Hb TCMH 24,4 pg

Concentration hémoglobinique CCMH 35,5 %

Leucocytes 19 330/mm3

Polynucléaires neutrophiles 89 % (soit 17 204/mm3)

Polynucléaires éosinophiles 0 % (soit 0/mm3)

Polynucléaires basophiles 0 % (soit 0/mm3)

Lymphocytes 7 % (soit 1 353/mm3)

Monocytes 4 % (soit 773/mm3)

Plaquettes 245 000/mm3

2. Bilan de coagulation :

Temps de Quick (6,5 à 7,5) 7,5”

Temps de Céphaline-Kaolin (13,5 à 14,5) 14”

Temps de Thrombine (15 à 16) 16”

Fibrinogène (2 à 4) 7,16 g/l

Activité du facteur de von Willebrand (facteur VIIIc) mesurée à 41 %

BIBLIOGRAPHIE

  • • D.L. Bannash et coll., Vet. Clin. N. A., Small Anim. Pract., 2006, n° 36, pp. 461-474.
  • • M. Brooks et coll., J. Am. Vet. Med. Assoc., 1992, n° 200, pp. 1 123-1 127.
  • • M.B. Callan et coll., Am. J. Vet. Res., 2005, n° 66, pp. 861-867.
  • • B. Cloet-Chabre, Prat. Med. Chir. Anim. Comp., 1996, n° 31, pp. 291-294.
  • • J. Moser et coll., Am. J. Vet. Res., 1996, n° 57, pp. 1288-1293.
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